En inoculant des moûts avec des levures Torulaspora ou Candida, puis avec des Saccharomyces, l'Inra a exacerbé les notes de fruits cuits, de banane et de poire. A partir de cépages dits ' neutres ', il a obtenu des vins plus aromatiques.
'Les espèces de levures non-Saccharomyces permettent, avant toute chose, de mieux valoriser les vins issus de cépages aromatiquement neutres. Elles développent certaines notes fruitées , signale Jean-Michel Salmon, chercheur à l'Inra-Agro de Montpellier. Notre objectif est d'apporter un plus organoleptique à des vins qui souffrent de pauvreté en précurseurs aromatiques. Par exemple, nous avons travaillé sur l'ugni blanc et le maccabeu. '
L'Inra dispose maintenant d'un recul de trois vinifications (depuis 2003). Les essais ont été effectués en laboratoire et sur des volumes de 1 hl, au domaine expérimental de Pech Rouge. ' C'est le volume minimum nécessaire pour reproduire les conditions de fermentation à grande échelle. On obtient des vins homogènes permettant des analyses sensorielles. ' Les chercheurs ont mis à l'essai une dizaine de levures non-Saccharomyces. ' La volonté était de ne pas passer à côté d'espèces intéressantes ', déclare-t-il.
Les chercheurs de l'institut ont également comparé deux modalités d'ensemencement : simultané ou séquentiel, avec un délai de 35 heures (pour reproduire les conditions de fermentation spontanée) entre l'inoculation des deux espèces. L'échantillon témoin était levuré uniquement avec des Saccharomyces. Les vinifications ont été menées sur des moûts ayant un degré potentiel de 12,5 % vol. La température de fermentation se montait de 20°C.
Deux espèces ressortent du lot : Torulaspora delbrueckii et Candida stellata. Ces levures étaient déjà connues pour avoir des impacts sensoriels positifs dans les fermentations spontanées. Leur intérêt provient du fait qu'elles se développent peu. ' Une biomasse faible entraîne une augmentation de la production d'esters et d'alcools supérieurs. C'est le même principe que la fermentation à basse température ', explique-t-il.
Au niveau aromatique, les vins préalablement ensemencés à 25 g/hl avec Torulaspora delbrueckii, puis avec 7 g/hl de Saccharomyces présentent des notes florales, d'épices et de fruits cuits plus intenses que le témoin. Ils ont plus de gras et de sucrosité en bouche. De même, avec l'emploi de Candida stellata, on observe des notes de banane et de poire plus puissantes qu'avec le témoin. ' Les vins issus de ces expérimentations sont toujours mieux classés aux cours des analyses sensorielles que leur témoin , commente Jean-Michel Salmon. Ce qu'il faut aussi garder en tête, c'est qu'il ne s'agit pas là d'un effet à long terme. On est sur des arômes fermentaires composés d'esters et d'alcools supérieurs qui vont se dégrader chimiquement avec le temps. Leur durée de vie est, en moyenne, de un à deux ans. Leur concentration en fin de fermentation est beaucoup plus importante qu'avec des fermentations menées uniquement par des Saccharomyces. On produit un vin plus expressif, à boire rapidement. ' Par ailleurs, ces deux espèces sont réputées pour limiter la formation d'acidité volatile. Elles consomment certains substrats avant les Saccharomyces. ' Pourtant, cette baisse de volatile n'est pas systématique ' , souligne Jean-Michel Salmon.
' Tous les résultats montrent la supériorité de l'inoculation séquentielle. Cette succession de flores en cours de vinification est plus similaire à ce qui se passe réellement lors des fermentations spontanées , fait remarquer Jean-Michel Salmon. Le problème, c'est de faire levurer deux fois la même cuve aux vinificateurs. Même si cette opération n'est pas la plus pénible, on cherche des solutions pour créer des levains mixtes aussi efficaces, permettant de levurer en une seule opération. L'idée serait de retarder le départ en fermentation de la souche Saccharomyces afin de laisser à l'autre le temps d'agir ', rappelle Jean-Michel Salmon.
' Dans un premier temps nous allons développer des produits basés sur l'inoculation séquentielle. En simultanée, on n'observe pas d'effet dû à la deuxième souche ', avertit Anne Ortiz-Julien, de Lallemand. Cette société a collaboré aux travaux de l'Inra pendant un an et demi et mène, depuis 2005, une campagne de validation des résultats observés sur des volumes industriels de plusieurs centaines d'hectolitres. Ces derniers essais sont reconduits pour l'année 2006. La société travaille surtout sur Torulaspora delbrueckii, en Bourgogne, en Languedoc et aux Etats-Unis. ' Les premiers produits commerciaux devraient apparaître pour la campagne 2007. '