Dans l'Aude, Philippe Biard utilise de l'huile de tournesol. En Bourgogne et en Gironde, des vignerons montent des projets.
L'idée de rouler à l'huile végétale n'est pas nouvelle. Rudolf Diesel l'avait déjà eue en 1892. Avec les cours du pétrole qui flambent, les huiles végétales apparaissent comme une alternative de plus en plus intéressante. Produites et pressées sur l'exploitation, elles reviennent, en moyenne, à 50 c/l. Mais rares sont les vignerons qui les ont utilisées, car il faut produire son huile sur ses propres terres. Impossible d'en acheter !
Vigneron dans les Côtes de Malepère (Aude) sur 29 ha, Philippe Biard cultive du tournesol sur 12 ha qui, sinon, resteraient en jachère. Depuis un an, il utilise son huile pour son tracteur New Holland de 90 ch et son porteur Braud SB56. ' N'étant pas céréalier de métier, j'ai choisi le tournesol, plus facile à cultiver que le colza. Il ne réclame aucun traitement . '
Sa parcelle produit 8 500 l d'huile, qui couvre 70 % de la consommation de son exploitation. Pour le pressage, Philippe Biard a investi 4 500 euros dans une presse à vis Oméga, qui débite 9,5 l d'huile à l'heure. Il épand les tourteaux sous forme de gros granulés, dans ses vignes pour apporter de la matière organique, à raison de 400 kg/ha.
En sortie de presse, l'huile est stockée dans des réservoirs de 1 000 l, pendant trois semaines afin de décanter. ' Cette phase est essentielle avant de passer à la filtration fine. Il faut prévenir tout problème de colmatage. J'utilise un filtre à bourbes et à lies de 80 plaques, qui stoppe les impuretés de plus de 4 µ. Il débite 100 l en 8 min ', précise ce professionnel, qui estime qu'un nettoyage par campagne est suffisant.
Il presse les graines toute l'année, en continu par tranche de 1 000 l, au fur et à mesure de ses besoins en carburant. Il mélange l'huile avec du gasoil. ' Je l'incorpore dans une proportion de 50 à 80% suivant la saison. Je n'ai rencontré aucun problème, bien que je n'ai effectué aucune modification sur mon tracteur et mon porteur. L'utilisation de l'huile apporte même un surcroît de couple. L'entretien reste le même. Je ne change pas les filtres plus souvent . '
En Bourgogne, la Cuma des Terroirs débute un programme qui concerne une centaine de vignerons. L'objectif est de mettre en culture 220 ha de tournesol pour produire 200 000 l d'huile bio.
En Gironde, dans le haut Entre-deux-Mers, quatre agriculteurs cultivant de la vigne et des céréales ont constitué une Cuma de production d'huiles de tournesol et de colza. Installé à Monségur, le président, Frédéric Laforse, a été convaincu par l'essai qu'il a effectué lui-même l'an passé. Il a passé son tracteur au banc, en utilisant d'abord du gasoil pur comme carburant, puis un mélange 50-50 de gasoil et d'huile de colza. ' Je n'ai mesuré aucune différence de puissance et de couple ', se félicite-t-il.
Il explique que les motivations du groupe sont ' à la fois d'ordre économique et environnemental '. Pour sa part, il envisage, en première campagne, de semer 7 ha de colza à l'automne, qui produiront 5 000 l d'huile, soit la moitié de sa consommation annuelle pour son vignoble de 19 ha.
Cette Cuma, qui n'existe aujourd'hui que sur le papier, devrait rapidement monter en puissance, car elle intéresse de nombreux agriculteurs. Elle s'est fixée pour objectif de produire des huiles végétales sur 800 ha en 2007.
Pour les viticulteurs qui ne cultivent que de la vigne, le marché s'ouvrira dès le 1 er janvier 2007. Ils pourront acheter de l'huile carburant à d'autres agriculteurs. En utilisant de l'huile de colza, ils libèreront dans l'atmosphère moins de particules qu'avec le gasoil. Les moteurs émettront la même quantité de gaz carbonique, mais pour l'environnement, le bilan sera neutre. La quantité de CO 2 libérée par la combustion d'un biocarburant correspond à celle captée par la plante pendant sa croissance. Ces arguments devraient faire mouche !