Les vins français bénéficient d'une image positive au pays du Soleil Levant. Pour y réussir, il faut se rendre sur place afin de vendre son histoire, ses terroirs et expliquer clairement avec quels plats on peut marier les vins.
Installée depuis deux ans avec son mari, sur la côte de Jogasaki à deux heures de Tokyo, Naoko explique : ' J e n'aime pas le vin, mais j'en bois car c'est bon pour la santé. ' Son souci pour la santé reflète bien la mentalité japonaise. Le French paradox avait contribué à l'explosion de la consommation de vin dans les années 90. Elle atteignait 3,8 l par an et par habitant. Depuis, le phénomène est retombé. La consommation s'est stabilisée à un peu moins de 2 l/hab/an.
Ce chiffre semble modeste. Mais le Japon occupe la première place dans le monde asiatique. C'est le sixième plus gros client de la France. 60 % du vin au Japon sont importés et la France assure 43 % de ces importations.
Philippe Eeckhoutte, attaché commercial pour les vins et spiritueux à la Mission économique de Tokyo, confirme le succès des vins français : ' Ici, le vin est un objet social. Les vins français bénéficient d'une très bonne image. Toutefois, la segmentation du marché est loin d'être évidente. Les vins d'entrée de gamme (moins de 500 yens, 3,50 euros) ont progressé de 62 % en 2005. A l'autre extrémité de l'échelle, les vins haut de gamme (à partir de 5 000-6 000 yens, 42 euros) connaissent aussi une croissance à deux chiffres. Le milieu de gamme (1 500 à 3 000 yens, 10,50 à 21 euros) connaît la situation la moins favorable : - 4 % en 2005. '
Il poursuit : ' Pour réussir au Japon, il faut prendre son bâton de pèlerin. Le relationnel est très important. Un travail suivi auprès des 100 opérateurs majeurs (sur les 1 300 possédant la licence d'importation) est indispensable. Si un producteur n'est pas capable de venir deux fois par an pendant trois à cinq ans, il a peu de chances de percer et de rester sur ce marché. ' Or, une semaine de promotion coûte aux alentours de 3 000 euros. Afin de mettre en relation les producteurs français et les importateurs japonais, la Sopexa et la Mission économique organisent régulièrement des road show, des tournées découverte à Tokyo, Kyoto et Nagoya. 80 % des ventes de vin au détail se font dans ces villes.
Pour Fumiko Arissaka, directrice du premier magazine consacré aux vins, conseillère pour la Japan Airlines, ancienne employée de Mercian, le plus gros importateur de vins : ' Les Japonais sont sensibles à deux choses : les marques et les histoires ! C'est aussi le cas pour le vin. Les exportateurs doivent répondre à cette attente et organiser des dégustations. Ces rendez-vous sont la meilleure occasion de sensibiliser les importateurs, de leur vendre une histoire, un terroir, une cuisine. '
De nombreux supermarchés affichent des étiquettes complètes sur les qualités ou la provenance du vin. Certains magasins situent le vin entre mature et jeune, ou entre léger et lourd. D'autres montrent une photo du producteur devant ses vignes.
A Kawaguchi-Ko, à côté du mont Fuji, le magasin Toda-Shuhan affiche des étiquettes montrant les plats qui s'allient le mieux au vin présenté. Shirai et Takatsuto, 20 ans, en tiennent compte. Mais, comme l'explique Takatsuko, ' le prix est primordial, car en tant qu'étudiant, notre budget est limité. Généralement, nous prenons des alcools moins chers, mais lorsqu'il y a une soirée, nous prenons souvent du vin '.
Le gérant de Toda-Shuhan confirme : ' Nous vendons beaucoup de vin pour les occasions spéciales. Le prix d'un col est autour de 1 500 yens (10,50 euros). Lorsqu'un client veut faire un cadeau, nous lui proposons des vins de prestige . '
Le gérant de Toda-Shuhan ne résiste pas à l'envie de montrer les bouteilles qu'il conserve dans une armoire fermée à clef. Dans le coffre-fort se côtoient un château-lafite de 2001 à 18 900 yens (132,30 euros), ou un mouton-rothschild de millésime 1999 à 20 900 yens (146,30 euros).
' Je vends environ quatre bouteilles de ce type par mois et mes clients prêtent alors une attention particulière au millésime et à la marque. '
' Les hommes achètent le vin et les femmes le boivent ', commente pleine de malice, Fumiko Arissaka. Après dix années de crise, le Japon affiche une croissance marquée. La consommation de vin va en bénéficier. Les Australiens et les autres producteurs du Nouveau Monde ont senti les opportunités. C'est l'occasion pour les Français de consolider et de développer leur place de leader au pays du Soleil Levant