La Commission juge la viticulture européenne en situation de surproduction chronique. A ses yeux, l'actuelle OCM n'évite pas les crises et entrave la compétitivité des entreprises. Elle propose une réforme radicale. Elle affirme qu'il n'y aura pas d'économies sur le budget vitivinicole européen, fort de 1,27 milliard d'euros en 2005. Voici les détails de son plan très controversé.
Selon Bruxelles, il faut distiller chaque année 15 % de la production européenne. La Commission propose d'éliminer ces excédents à la racine : ' L'objectif est que 400 000 ha soient arrachés sur une période de cinq ans . ' Elle veut affecter 2,4 milliards d'euros à la réalisation de cet objectif. Elle parle d'offrir des primes plus incitatives qu'aujourd'hui, dont le montant serait dégressif. ' Ce plan va coûter 500 millions d'euros/an (Meuros) pendant cinq ans , résume Jean-Luc Demarty, directeur général de l'Agriculture. Après l'arrachage, ces 500 Meuros pourront être utilisés pour autre chose. ' Tous les viticulteurs pourraient recourir librement à l'arrachage aidé. Les régions n'auraient plus, comme aujourd'hui, à demander à l'Etat l'ouverture de la prime. En 2013, lorsque le plan d'arrachage sera terminé, il n'y aura plus de prime. En contrepartie, le droit de planter sera libéralisé. Après avoir arraché, ceux qui continuent d'exploiter leurs terres toucheraient ' l'aide au paiement unique par hectare pour le même montant que la moyenne de la région dans laquelle ils se trouvent '.
La Commission propose une alternative : abolir les droits de plantation et le régime d'arrachage en même temps, après 2010 ou dès l'application de la nouvelle OCM. Une proposition encore plus radicale.
Les aides à la distillation seraient toutes supprimées dès le début de la nouvelle OCM : prestations viniques, alcool de bouche (article 29) et double-fin. ' La distillation de crise serait abandonnée ou remplacée par un autre dispositif de sécurité . ' Disparaîtraient également l'aide au stockage privé, celle à l'enrichissement par moût concentré rectifié et les restitutions à l'exportation.
' Une enveloppe budgétaire serait mise à la disposition des Etats membres producteurs de vin. ' Combien pour la France, l'Italie ou l'Espagne ? La Commission estime qu'il est trop tôt pour répondre, mais elle assure que la répartition sera équilibrée. Pour fixer ces enveloppes, elle utilise généralement des critères ' historiques '. L'Espagne étant la première bénéficiaire de l'actuelle OCM, elle devrait obtenir le plus gros chèque. ' Chaque Etat utiliserait l'enveloppe pour financer des mesures qu'il choisirait (...) dans une liste donnée ' : mesures de gestion des crises telles que les assurances contre les catastrophes naturelles, fourniture d'une couverture de base contre les crises de revenu, mise en place d'un fonds de mutualisation, ou encore paiement de la vendange en vert. ' Le régime de restructuration serait maintenu dans le cadre de l'enveloppe nationale. '
Les Vignerons indépendants de France saluent la création des enveloppes nationales, qui introduisent plus de subsidiarité ' chère à nos yeux '. Les autres organisations de la production les critiquent. Elles y voient une ' renationalisation de la politique viticole '.
Une partie du budget de l'OCM du vin serait transférée sur une autre ligne budgétaire de l'Union européenne, appelée développement rural. Ce budget finance des préretraites jusqu'à 18 000 euros/an, avec un plafond de 180 000 euros pendant quinze ans. Peuvent en bénéficier les ' exploitants qui décident de cesser définitivement toute activité agricole commerciale '. Il sert aussi à encourager des mesures agri-environnementales, jusqu'à 900 euros/ha pendant cinq à sept ans.
Cette idée est bien acceptée. Elle permettra à des vignerons de quitter dignement le métier.
La Commission veut interdire la chaptalisation, de pair avec la suppression de l'aide aux moûts concentrés rectifiés. Elle y voit deux avantages : ' Réaliser des économies budgétaires significatives et accroître les débouchés des moûts. ' Par ailleurs, elle propose de réduire ' le taux maximal d'enrichissement à 2 %, sauf dans les régions méridionales (zone C) où il ne serait que de 1 % '. Aujourd'hui, en France, dans les vignobles septentrionaux, on peut enrichir au maximum de 3°5.
Les vignobles septentrionaux refusent catégoriquement de renoncer à la chaptalisation. Sauront-ils faire reculer la Commission ?
Actuellement, l'OCM distingue deux grandes catégories de vins : ceux de qualité et ceux de table. Cette segmentation disparaîtrait. La Commission propose de distinguer les vins avec indication géographique (IG) et ceux sans IG. Les premiers seraient les AOC et les vins de pays, les seconds les vins de table, mais qu'on ne désignerait plus sous ce nom dévalorisant. Les IG seraient eux-mêmes subdivisés en deux : ceux avec appellation d'origine protégée (AOP) et ceux avec indication géographique protégée (IGP). Les AOP sont produites, transformées et élaborées dans une aire géographique déterminée. Dans le cas des IGP, ' le lien avec le terroir demeure à l'un des stades au moins de la production, de la transformation ou de l'élaboration ', note la Commission.
Les 5vignerons indépendants voient dans cette proposition une clarification de l'offre.
On pourrait mentionner le cépage et le millésime sur les étiquettes des vins sans IG. Les Espagnols sont déjà partis sur cette idée. Producteurs et négociants se sont accordés pour lancer les vins des Vignobles d'Espagne dès 2007.
Par ailleurs, la Commission affirme ' qu'il n'est pas prévu de permettre aux vins sans IG d'utiliser les actuelles mentions traditionnelles '. Les producteurs d'appellation et de vins de pays pourraient accepter l'indication du cépage et du millésime sur les vins sans IG, à condition qu'elle soit soumise à un cahier des charges.
La Commission veut reconnaître toutes les pratiques oenologiques admises au sein de l'OIV. Pour les vins destinés à l'exportation, elle veut autoriser les pratiques oenologiques des pays de destination. On pourrait ainsi expédier des vins mouillés vers les Etats-Unis où le mouillage est admis.
La libéralisation des pratiques oenologiques oppose les tenants d'une viticulture traditionnelle à ceux pariant sur une vision beaucoup plus moderne des choses.
' La commission entend mener avec détermination une politique de promotion et d'information responsable , lit-on dans son projet. Il convient que toutes les possibilités qu'offre la législation communautaire existante soient mises à profit pour réaliser des projets de promotion ambitieux en dehors de l'Union. On pourrait aussi envisager, au sein de l'Union, la mise en oeuvre de campagnes sur la consommation responsable modérée de vin. '
Cependant, la Commission ne détaille pas ses intentions, ni son budget. Elle se contente de promettre un effort significatif.
En mai, la Commission voulait autoriser la vinification de moûts importés de pays tiers et l'assemblage de vins de l'Union avec des vins de pays tiers. Ces deux propositions ont soulevé un tonnerre de protestations. Dans son projet, elle recule, affirmant qu'il faut étudier si ces deux interdictions sont compatibles avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce. Si oui, elles devraient être maintenues.