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Montesquieu : le défenseur de la liberté des vignerons

La vigne - n°179 - septembre 2006 - page 0

Le célèbre philosophe du siècle des lumières fût aussi un vigneron. ' L'interdiction de planter est inutile, le propriétaire sait mieux que le ministre si les vignes sont à sa charge ', avait-il écrit au roi pour s'opposer à l'un de ses arrêts.

Montesquieu, auteur des Lettres persanes et de L'Esprit des lois, fût, et c'est moins connu, un châtelain viticulteur. Fier de ses vins, profitant de sa notoriété, de ses lecteurs et de ses nombreuses relations à travers l'Europe, il les commercialisait directement.
Charles-Louis de Secondat, de son état civil, naît dans une famille noble de Guyenne le 18 janvier 1689. Le futur baron de La Brède et de Montesquieu passe son enfance dans la propriété familiale de La Brède, au coeur des Graves, dans le Bordelais. Licencié en droit, il se retrouve après la mort de son père, à l'âge de 25 ans, à la tête d'un patrimoine foncier important, encore étoffé par son mariage. Outre le château de La Brède, il possède plusieurs domaines et vignobles, dans l'Entre-deux-Mers, à Martillac, sur la rive gauche de la Garonne, et dans l'Agenais. En 1716, il devient président à mortier du Parlement de Bordeaux, l'une des plus importantes charges de la justice française sous l'Ancien Régime, qu'il revendra une dizaine d'années plus tard.

Sa vie se partage entre l'écriture, de nombreux voyages en Europe et des séjours à La Brède. Il est toujours désireux de s'informer et de partager l'expérience des autres. En témoigne ce courrier qu'il adresse à des propriétaires voisins : ' Quelle est la manière de tailler la vigne, et par quel temps ? Combien on lui donne de labours et en quel temps ? '
Montesquieu n'allait jamais dans ses terres sans en visiter les habitants. Il savait le nom de tous les paysans auxquels ' il ne parlait jamais qu'en gascon '. Il les appréciait ' parce qu'ils ne sont pas suffisamment instruits pour raisonner de travers ', disait-il. Il n'en allait pas de même avec les fonctionnaires. ' Ses charges, à l'ironie mordante, Montesquieu les réserve à l'administration dont les empiètements et l'ingérence en matière viticole menaçaient ses affaires et donc sa liberté, point sur lequel on le savait très chatouilleux ', écrit Henri Grandcolas.
Ainsi, en 1722, il est chargé de rédiger ' des remontrances adressées au roi à l'occasion d'un nouvel impôt sur les vins '. Il en obtient la réforme. Autre exemple : vers 1724, la Guyenne connaît une crise viticole terrible. De 1709 à 1720, les prix avaient été ' si rémunérateurs ' que ' tout le monde s'était mis à cultiver de la vigne ', engendrant surproduction et effondrement des cours.

Lorsque l'intendant de Guyenne entend appliquer l'arrêt de 1725, interdisant les nouvelles plantations, son sang ne fait qu'un tour. Montesquieu monte au créneau pour défendre ses intérêts. Il affûte ses arguments et les adresse directement au roi : ' Un, il se fait une plus grande consommation de vins dans les pays étrangers qu'autrefois ; deux, ces derniers donnent la préférence aux vins de France ; trois, les vins de Guyenne sont ceux qui leur conviennent le mieux, donc l'interdiction de planter est inutile ; quatre, la Guyenne produit toutes les vins propres à leurs goûts [...] '
Il argumente encore : ' Si on supprime les vignes de Guyenne les autres régions planteront davantage [...]. L'interdiction de planter est inutile, le propriétaire sait mieux que le ministre si les vignes sont à sa charge. ' Il planta donc contre l'avis de l'intendant et eut gain de cause.
Montesquieu meurt à Paris en 1755. Aujourd'hui, ses descendants sont à la tête de l'entreprise Montesquieu vins et domaines.

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