Les grappes arrivent entières au pressoir, leurs baies intactes. Tous les raisins malades sont laissés dans les parcelles. Il ne faut pas rechercher une maturité trop poussée.
'L'optimum de maturité est difficile à définir en termes analytiques, souligne Isabelle Tribaut-Sohier, du CIVC. Malgré cela, les objectifs à atteindre sont clairs. Au niveau aromatique, on recherche une vendange mûre, toute en finesse. Cela suppose de viser une maturité peu avancée. ' Surtout, il faut éviter la surmaturité, avec ses exubérances aromatiques qui sont à l'origine de lourdeurs gustatives. ' Pour les effervescents issus de raisins noirs, elle pose un autre problème. Un raisin trop mûr libère inévitablement de la couleur qui va tacher le vin. Dans ce cas, seul un traitement aux charbons oenologiques pourra rectifier le tir. Mais cela se fera aux dépens de la qualité ! '
' Sur les cinquante dernières années, une tendance se dégage, signale Isabelle Tribaut-Sohier. Les vendanges les plus qualitatives sont associées à deux critères : un degré potentiel aux alentours de 10 et un état sanitaire irréprochable. L'acidité ne permet pas de préjuger de la qualité. '
Les grandes maisons champenoises suivent ce point de vue, mais avec quelques précisions. ' Nous jugeons la maturité en fonction du degré potentiel. Nous recherchons des moûts titrant de 9°5 à 10° potentiels ', confirme Dominique Pichart, chef de cave chez Demoiselle-Vranken. ' Le facteur de qualité, c'est l'état sanitaire , explique Benoît Gouez, chef de cave chez Moët & Chandon. Il y a eu de grands millésimes avec des moûts titrant 9°5 et d'autres à 10°5. Le suivi sucres-acidité est d'une utilité limitée. Nous creusons donc ailleurs. '
Le deuxième point clé de la vendange est la cueillette. Il faut amener des grappes entières au pressoir, afin d'effectuer correctement le fractionnement des jus. ' Le maître-mot de cette étape est la délicatesse, précise Isabelle Tribaut-Sohier. Jusqu'au pressoir, il faut éviter, ou du moins limiter toute trituration et macération de la vendange. Ainsi, on préserve l'aptitude à l'effervescence. On réduit le risque d'apporter de l'amertume et un caractère végétal au moût. '
La vendange mécanique n'est donc pas concevable. Pour un vin de base de qualité, les raisins doivent être récoltés manuellement. Il faut aussi réaliser un tri important dès la parcelle, car une fois récoltés, les raisins doivent être amenés le plus vite possible dans le pressoir. ' Tout ce qui n'est pas beau doit être enlevé ', résume Isabelle Tribaut-Sohier. Il faut jeter les raisins verts et ceux fortement botrytisés. Les grappes affectées par la coulure, le millerandage, la grêle, ou le mildiou ont une structure clairsemée. Elles ont beaucoup de rafles par rapport aux baies. Pour éviter l'apparition de goûts herbacés, il faut les séparer du reste de la vendange. Par ailleurs, l'extraction des jus de ce type de vendange est très difficile.
La vendange doit être transportée jusqu'au centre de pressurage dans des petits contenants pas trop remplis. ' Cela limite les phénomènes d'autopressurage et d'écrasement des raisins sous leur propre poids ', explique Isabelle Tribaut-Sohier. Des caisses de 90 l sont utilisées dans les régions productrices. Elles ne doivent pas contenir plus de 45 à 50 kg. Les grappes ne doivent pas s'entasser sur plus de 40 cm de haut. ' Ces caisses sont perforées au fond afin d'évacuer les jus d'écrasement et de limiter les macérations. '
Bien sûr, il faut toujours réduire les délais entre la récolte et le pressurage, et ne pas exposer les raisins à la chaleur. Il faut éviter l'ajout de SO 2, qui n'aura lieu qu'après le pressurage. A la réception, le raisin ne doit pas passer par un conquet classique. ' Les caisses sont vidées délicatement dans le pressoir, toujours en essayant de préserver l'intégrité des baies, précise Isabelle Tribaut-Sohier. Une vis sans fin ou un pompage réduirait à néant tous les efforts consentis jusque-là. ' Toutes les opérations du type foulage ou égrappage sont à bannir.