Véronique Portmann peint des trompe-l'oeil pour « ouvrir l'espace ou embellir le vrai ». Installée au coeur du vignoble bordelais, la vigne et le vin l'inspirent.
Réalité ou illusion ? Tout le monde s'y trompe. Véronique Portmann-Vergniol, décoratrice, peint depuis treize ans des trompe-l'oeil. Installée au coeur du vignoble bordelais, dans un domaine viticole, avec un mari vigneron, la vigne et le vin sont tout naturellement l'une de ses sources d'inspiration. Faire du faux pour embellir le vrai, créer des ouvertures sur des murs fermés... Voilà le talent de Véronique Portmann.
L'artiste aime les fausses fenêtres réalisées dans les pièces sombres, aveugles et fermées, « car c'est ouvrir l'espace ». Le premier plan très réaliste, la fenêtre, suggère que derrière, il y a quelque chose : un paysage de vigne ou de campagne. « Un trompe-l'oeil n'est pas fait comme un tableau pour être admiré, mais pour évoquer une réalité qui existe vraiment et... tromper l'oeil », dit-elle.
Le spectateur s'interroge. Cet escalier ou cette fenêtre donnant sur une parcelle de vigne, au fond d'une pièce sombre, existent-ils vraiment ? Ce Bacchus portant une grappe à chaque main, installé au creux d'une niche sur un fond de fausse pierre, est-il vraiment sculpté ? A mieux y regarder, non, ils n'existent pas, mais ils donnent l'illusion.
Et Véronique Portmann excelle en son domaine. Ces scènes de vendanges, réalisées façon faïence usée par le temps, sont si réussies que les curieux touchent de la main pour vérifier la réalité de l'illusion. L'artiste a même dû poser une affichette : « Ceci n'est pas de la faïence, mais de la peinture . » Elle réalise l'effet émail grâce à une couleur claire, blanche, teintée de jaune pâle pour évoquer les traces du temps. Elle dessine les carreaux à l'encre bleue et décale légèrement les motifs pour ajouter à la ressemblance, et donc à l'illusion. Elle accentue ensuite les bords de chaque carreau avec de l'huile ou du blanc pour donner de la profondeur. Un travail minutieux.
« Tout l'art du trompe-l'oeil est de placer les ombres et les lumières de manière pertinente pour qu'il y ait une illusion de relief. C'est un jeu. » A partir du motif esquissé, elle applique un glacis d'huile au pinceau « pour installer les ombres. Plus c'est noir et sombre, plus cela suggère un relief profond ». Et l'oeil « se fait avoir ». Puis elle « place la lumière » avec la couleur blanche. Pour elle, « la magie, c'est ça : un trait noir, un trait blanc, et on a du relief. La création a un côté jubilatoire ».
Véronique Portmann a installé son atelier dans une grande pièce du domaine, une maison de maître typiquement bordelaise. Elle a une vue plongeante sur de magnifiques arbres et des parcelles de vignes. Elle s'inspire de ce lieu paisible. Par la fenêtre, elle regarde le paysage, elle observe la lumière. Souvent, elle sort. Elle va chercher des feuilles de vigne, un cep, ou examiner les grappes de raisins. Elle a besoin de toucher, de palper pour peindre. « Les feuilles de vigne, je les connais par coeur. J'adore peindre les raisins . »
Parfois, Véronique Portmann s'inspire de gravures anciennes ou de photos qu'elle a prises. Elle crée ses propres dessins, mais travaille toujours d'après un modèle. « Il y a quelque chose de graphique dans les rangées de ceps, dans l'alignement des tonneaux dans un chai, ou dans des gros plans de maladies . »
A 53 ans, Véronique aime bien le clin d'oeil de son travail à la philosophie : à quoi tient donc la réalité puisque je suis capable de créer son illusion et de tromper l'oeil rien qu'avec un glacis transparent ? La question demande effectivement réflexion !