Les charbons oenologiques sont autorisés de longue date pour détacher les moûts et les vins blancs, ou pour traiter leur madérisation. Agnès Bardet, directrice technique de la Confrérie des vignerons de Oisly et Thésée (Loir-et-Cher), a débuté cette année une cuvée Blanc de Noirs pour ses crémants de Loire. « Au pressurage, les pinots noirs ont relargué beaucoup de couleur. Il fallait absolument les traiter pour enlever les reflets. Nous avons employé des charbons en granulés à une dose de 50 g/hl. Nous sommes intervenus au début du débourbage. Il faut intervenir vite pour éviter la fixation des anthocyanes. »
Depuis le mois de décembre 2005, un règlement européen (CE 2 165/2005 modifiant le 1 493/1999) a étendu l'autorisation d'emploi des charbons à tous les moûts et vins nouveaux encore en fermentation, dans certaines limites. La dose maximale autorisée est de 100 g de charbon sec par hectolitre. Les autres limites d'application ne sont pas précisées par la réglementation communautaire. Les Fraudes se réfèrent à une résolution de l'OIV (Organisation internationale de la vigne et du vin, oeno 3/2002).
Trois usages sont admis vis-à-vis de l'addition de charbons dans le moût : correction des caractères organoleptiques de moûts altérés par des champignons (pourriture, oïdium...), élimination de contaminants éventuels et correction de la couleur des moûts blancs, jaunes ou oxydés. Par ailleurs, rappelons que sur un vin fini, l'utilisation des charbons n'est autorisée que pour détacher les blancs. La décoloration des rosés ou des rouges reste formellement interdite. Les moûts et vins nouveaux rouges et rosés peuvent être traités aux charbons, uniquement à des fins de décontamination ou de correction de mauvais caractères organoleptiques.
Les charbons utilisés en oenologie sont des charbons végétaux. Pour le choix des essences de bois, deux critères sont fondamentaux : l'absence de résidus aromatiques pouvant altérer les qualités organoleptiques des moûts et des vins traités, et la porosité. On trouve sur le marché des charbons ayant plutôt une fonction décolorante, et d'autres ayant plutôt une fonction désodorisante ou décontaminante.
Les charbons fonctionnent par adsorption. C'est un phénomène physique et réversible. La surface d'adsorption du charbon actif est considérable, d'environ 1 000 m²/g, comme le montre la photo ci-dessus représentant des pores de charbon au microscope électronique. Le charbon actif est capable d'attirer un grand nombre de molécules sur sa surface interne. Pour augmenter la surface spécifique des charbons, les fabricants leur font subir un traitement préalable nommé activation. Elle s'effectue par voie physique ou chimique. « D'une manière générale, les charbons activés par voie chimique sont les plus performants pour le détachage des moûts et des vins », rapporte Alain Martinez, directeur commercial et technique de la société Laffort OEnologie.
Les charbons se présentent sous la forme de poudre ou de granulés. « La granulation apporte surtout un confort d'usage, en diminuant la poussière et les risques de salissures, mais son efficacité par rapport à la poudre est peu affectée. Les charbons en granulés sont un peu plus chers », explique François Roure, de la société OenoFrance. Bien qu'inodores, les charbons nécessitent le port de masques antipoussières. « Même s'ils se dispersent très vite dans le moût, la fumée noire des charbons est très pulvérulente », confie Agnès Bardet.
Avant tout traitement, il est conseillé de réaliser des essais pour déterminer la dose optimale à employer. Cela permet d'éviter des excès pouvant être préjudiciables à la qualité du vin. Inversement, sous-doser la quantité de charbons entraînerait une élimination partielle des substances nuisibles. Une fois ces essais réalisés, on délaye généralement la dose exacte dans de l'eau, du moût ou du vin, et on l'incorpore à l'ensemble de la cuve. Certains charbons se mettent directement dans la cuve. Un ou deux remontages d'homogénéisation à l'abri de l'air suffisent à disperser le charbon. Le traitement fait son effet en quelques heures seulement. Lorsque l'on veut abaisser les teneurs en OTA d'un moût, OenoFrance conseille d'apporter le charbon après quelques jours de macération, car le passage de l'OTA dans le moût n'est pas immédiat. Le charbon s'élimine d'abord au débourbage dans le cas de blancs. Un collage est fortement conseillé. Vient ensuite la filtration, indispensable. « Le charbon pourrait relarguer ce qu'il a fixé, notamment l'ochratoxine (OTA) ou les goûts terreux. Il vaut donc mieux l'éliminer », affirme Françoise Roure. En effet, rappelons que le phénomène d'adsorption est réversible.
A l'heure actuelle, les charbons oenologiques sont les produits les plus efficaces pour réduire la teneur en OTA des moûts et des vins. En 2005, l'ITV de Nîmes a effectué des essais sur un vin rouge thermovinifié, présentant une teneur en OTA de 3,2 µg/l, le seuil légal étant 2 µg/l. L'addition de charbons en cours de fermentation, à 20 et 40 g/hl, a engendré des baisses respectives de 67 et 88 % de la teneur en OTA. Les baisses d'intensité colorante induites ont été de 9,6 et 21 %. Aucune incidence organoleptique n'a été mise en évidence.
Du côté des Douanes, la réglementation s'est assouplie. Depuis le 28 juillet dernier, les formalités de contrôle de la fabrication, circulation, détention et emploi des charbons activés sont supprimées. En revanche, du côté de la DGCCRF, cela n'a pas changé. Il faut impérativement tenir un registre de manipulation en cave. On y inscrit la date du traitement, le volume et la nature du produit traité, la quantité de charbons mis en oeuvre. Il faut toujours être à même de justifier l'utilisation des charbons.