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Uruguay : le nouvel élan

La vigne - n°182 - décembre 2006 - page 0

Grâce à un plan de reconversion lancé en 1996, la viticulture uruguayenne vit une véritable révolution. La qualité des vins s'améliore, les exportations se développent, souvent avec l'aide de Français.

Coincé entre le Brésil et l'Argentine, l'Uruguay est un pays minuscule de trois millions d'habitants. Mais il se vante d'avoir un cépage original et d'en être le premier producteur au monde : le tannat. Introduit en 1870 par un immigrant basque, Pascual Harriague, ce cépage a longtemps été appelé harriague. En 1977, des experts français déterminent qu'il s'agit du tannat.
Ce cépage a trouvé en Uruguay des conditions très favorables. Il bénéficie de la brise marine de l'Atlantique, comme dans le sud-ouest de la France. Il pousse en grande partie sur des sols graveleux et sableux, idéaux pour lui.

« Mais nous avons une grande diversité de sols, profonds dans le sud, rocailleux à l'ouest », explique Alfredo Silva, de l'Institut national de vitiviniculture (Inavi).
La surface de vignes en Uruguay atteint 8 484 ha, sur 2 400 exploitations viticoles, dont 60 % comptent moins de 10 ha. La région de Canelones, dans le sud du pays, concentre 87 % de la viticulture qui se fait sans arrosage, en vignes palissées (85 %) et en lyre (15 %). Le tannat occupe 1 541 ha.
En 2006, les 270 chais du pays ont vinifié 126 000 t de raisin, d'où ils ont tiré 930 000 hl de vin. Pas d'AOC, des « vins de qualité préférentielle ». La différence avec les VDT est floue. « C'est le conditionnement qui marque la différence, car nous importons les bouteilles en verre, ce qui en fait un produit cher. » Les caves réservent donc les bouteilles à leurs meilleurs produits. « Les VDT, eux, sont présentés dans des briques en carton ou en dames-jeannes », précise Francisco Zunino, du dynamique institut.
L'Inavi veut lancer la notion de terroir. Il a monté un projet pour caractériser les régions selon leur géologie, leur climat et les modes d'élaboration du vin. Il a identifié un premier terroir, celui de la sierra de Mahoma sur des schistes.

Aujourd'hui, la viniculture vit la dernière étape d'une révolution commencée en 1987. Jusqu'alors, le pays encourageait la production de VDT à partir de variétés communes. Afin de maintenir le secteur, il a décidé de le réorienter vers l'export et d'améliorer la qualité des vins vendus sur le marché intérieur pour faire face aux importations d'Argentine et du Chili.
En 1996 commence un programme de reconversion. Tout d'abord, les viticulteurs sont encouragés à arracher les vignobles de faible qualité et à les remplacer par des plants d'origine française. « Depuis, nous avons reconverti 4 000 ha sur 8 400 ha », explique Alfredo Silva. Une opération financée a 25 % par l'Etat.
« Dans mon entreprise familiale, j'ai bien fait de changer d'orientation. J'ai arraché des vignes. 60 % de mes ventes sont à présent destinées à l'exportation », dit Carlos Pizzorno, PDG de l'entreprise du même nom. L'expérience se répète chez les quelque trente entreprises qui ont choisi de se reconvertir.
Chez Juanico, qui produit 20 000 hl par an, on est fier de souligner que Preludio, le vin premium, est le seul vin sud-américain vendu dans le restaurant The Fat Duck, l'un des plus titrés de Grande-Bretagne.

La deuxième partie du plan de reconversion a concerné la modernisation des chais. Le domaine Los Cerros de San Juan en a bénéficié. Depuis, il a pu se lancer dans l'export, qui représente 15 à 20 % du chiffre d'affaires.
Le 1 er juillet prochain, la mutation du secteur se complètera par l'interdiction des hybrides, qui représentent encore 1 300 ha et 14 % de la production. Seules les variétés vitis vinifera ou vitis labrusca seront permises.
« Nous sommes entrés sur le marché international en 1997 seulement , explique Francisco Zunino. Nos ventes ont augmenté jusqu'à l'an 2000, atteignant 32 000 hl exportés. Puis la crise économique nous a tous affectés. Nous n'exportons plus que 14 000 hl. Mais nous sommes en convalescence. Notre but est d'atteindre 50 000 hl rapidement. » Résultat de tous ces efforts : les investisseurs étrangers reviennent.

C'est ainsi qu'en 1999, Jean-Jacques Lesgourgues, PDG de Leda SA, une entreprise viticole bordelaise, a décidé d'investir en Uruguay. Il a créé Montes de Luz, avec la petite entreprise familiale Castillo Viejo, dans le but de produire pour l'exportation. Un chai de 8 000 hl sera bientôt construit.
« Jean-Jacques Lesgourgues est tombé amoureux de l'Uruguay lors d'un voyage organisé par l'Inavi , explique Patrick Soyé, directeur technique des vins chez Leda SA. L'Argentine, c'est fait et refait. Ce qui nous intéresse, c'est de sortir des sentiers battus et des cépages internationaux. On joue la carte de la découverte. »
La nouveauté, c'est également ce qui a attiré un pharmacien basque, Bernard Pont-Nourat, décidé à investir dans le vin. Il a acheté 1 000 ha de terre sur les sierras de Mahoma. Il en a planté 20. Il loue actuellement les installations de Juanico pour y vinifier sa production, appelée Finca Piedra, en attendant la construction de son chai et d'un immense site hôtelier, qui alliera tourisme oenologique et tourisme équestre. « C'est un vin original. Nous devons le faire connaître. C'est tout l'intérêt de l'Uruguay. »

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