Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2006

Polémique sans fin et dialogue de sourds

La vigne - n°182 - décembre 2006 - page 0

Les adversaires des copeaux y voient l'ouverture d'un boulevard à toutes les pratiques imaginables. Selon leurs défenseurs, ils sont nécessaires pour gagner des marchés. Pour l'Inao, ils ne sauraient être autorisés pour les AOC sans avoir été testés.

Les copeaux sont-ils une bonne ou une mauvaise chose pour la filière ? Sont-ils une solution pour reconquérir les marchés à l'exportation ? Un vin « copeauté » est-il « industriel » ? Toutes ces questions sont aujourd'hui sur la place publique, où les points de vue s'affrontent dans un dialogue de sourds. Les plus extrémistes considèrent les copeaux comme des « détritus de menuiserie visant à arranger certains vins ». En lançant sa campagne contre les naufrageurs du vin, la Confédération paysanne voit, dans l'autorisation des copeaux, « l'ouverture d'un boulevard à toutes les pratiques et à l'addition de toutes les substances imaginables ». A ses yeux, une partie de la filière serait prête à sacrifier la typicité du vin pour en faire une tisane de bois... dans le seul but de satisfaire le sacro-saint « goût du consommateur ».
La presse grand public a repris tous ces arguments, refroidissant bien des ardeurs. Dans le monde des AOC, des voix se sont élevées pour souligner le fait que l'usage des copeaux se paierait cher en terme d'images.
Mais les défenseurs des copeaux rappellent que leur usage est ancestral : bien des écrits prouvent qu'on s'en servait déjà au XVII e siècle. Ils soulignent que les copeaux sont en chêne, comme les barriques qui jouissent d'une image si prestigieuse. Ils présentent donc les mêmes garanties et peuvent prétendre à la même noblesse. De plus, les barriques n'étaient qu'un contenant à l'origine. Elles sont peu à peu devenues un moyen d'« aromatisation ». Leur emploi pour conférer un goût boisé est récent.

Les défenseurs ajoutent que les copeaux disposent de nombreuses propriétés autres que l'aromatisation, principale cible de leurs détracteurs. Ils sont réputés stabiliser la couleur, arrondir les structures et jouer un rôle antioxydant. Pour cette raison, il faut les considérer comme un produit oenologique qui n'aromatise pas obligatoirement le vin. Dernier argument : les dégustations comparatives réalisées, entre autres, par l'ITV n'ont pas permis de différencier un vin passé en fût d'un même vin « copeauté »... Alors pourquoi autoriser l'un et pas l'autre ? Serait-ce que les copeaux sont victimes d'un « délit de sale gueule » ?
Malgré une dizaine d'années d'expérimentations menées en vins de pays, l'Inao interdit l'emploi des copeaux pour les AOC, en attendant d'avoir des résultats expérimentaux sur des vins d'appellation. Cette décision a été annoncée au mois de juin dernier et confirmée par le comité national de novembre. L'Inao estime que le pouvoir aromatisant du chêne est propre à dénaturer la typicité des AOC. Il va même plus loin. Si le projet de segmentation des vins d'appellation en AOC et AO simple se maintient, alors l'utilisation de copeaux deviendrait un critère de renoncement à l'AOC et de déclassement en AO simple. Cette décision est loin de clore le débat. Beaucoup ne désespèrent pas de faire changer l'Inao d'avis. « Il est suicidaire de ne pas autoriser les copeaux , avertit Jérôme Despey, président du conseil des vins de Viniflhor. Sur les marchés de gamme intermédiaire, il est vital d'y avoir accès pour être compétitif. L'Inao s'obstine à se tirer une balle dans le pied. Les copeaux permettraient de reconquérir des marchés comme la Grande-Bretagne. C'est aux syndicats d'appellation de prouver l'utilité des copeaux. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :