ImprimerMartyrisé au III siècle après Jésus-Christ, saint Vincent n'est devenu le patron des vignerons qu'après le XIII siècle. Il est fêté le 22 janvier.
Une statue discrète de saint Vincent veille sur bien des domaines viticoles. Souvent, elle trône dans une petite niche au coeur des caveaux de dégustation ou au détour d'un escalier. Car s'il fut un temps le patron des navigateurs au Portugal, en France, saint Vincent est le patron des vignerons depuis le XIII e siècle. Rien pourtant dans son histoire ou sa légende ne justifie ce statut.
Saint Vincent naît à Huesca, dans les Pyrénées aragonaises, au nord de l'Espagne, au III e siècle après Jésus-Christ. L'évêque Valère, à Saragosse, le prend pour diacre. A cette époque, les chrétiens étaient impitoyablement pourchassés dans l'Empire romain. Pour le punir d'avoir pris la défense de son évêque et le convaincre d'abjurer sa foi, le proconsul romain Dacien le soumet aux plus atroces tortures. Jugez un peu : il l'aurait fait flageller sur un chevalet, déchirer avec des crochets de fer sur une croix, soumis à la roue, rôtir sur un gril, des pincées de sel étant jetées sur ses plaies pour les rendre plus vives. Il aurait succombé le 22 janvier 304, après cet horrible traitement, sans avoir abjuré.
En 542, le roi franc Childebert, fils de Clovis, après avoir levé le siège de Saragosse, rapporte à Paris le bras droit et l'étole de saint Vincent. Pour abriter ces reliques, il fait élever l'église Sainte-Croix-Saint-Vincent qui deviendra le monastère de Saint-Germain-des-Prés. Mais ce n'est qu'après le XIII e siècle qu'il devient le patron des vignerons, marchands de vins et vinaigriers.
Pour expliquer ce fait, plusieurs hypothèses ont été émises. Louis Réau les a recensées dans son Iconographie des saints. Selon une explication liturgique, saint Vincent aurait été choisi comme patron par les vignerons à cause de sa fonction de diacre : c'est lui qui verse dans le calice ce vin qui devient le sang du Christ. Une autre interprétation avance que « le corps du saint a été broyé comme les raisins dans le pressoir. Son sang a coulé comme le jus de la vigne ruisselant dans la cave (une référence au pressoir mystique), et cette transformation en a fait un breuvage de vie éternelle, comme le jus de la grappe donne à l'homme la force et la vie matérielle ».
L'interprétation la plus terre à terre a toutefois le plus de chances d'être vraie : ce serait un calembour sur le nom de Vincent dont la première syllabe est vin et la deuxième sang. On touche là à « l'idée sacrée du vin, sang de la vigne. Dans l'imagerie populaire, on le voit enseigner l'art de cultiver la vigne, depuis le labour, la taille, l'ébourgeonnage et jusqu'à la vendange. Il tient parfois une serpette et un sécateur. Sa main protectrice est posée sur un baquet rempli de raisins ou un tonneau de vin », écrit Louis Réau.
Quoi qu'il en soit, les vignerons le choisissent comme leur saint Patron. Dès lors, les dictons populaires et les prières se multiplient. « Saint Vincent, clair et beau, met du vin au tonneau. » « Saint Vincent, que le bon soleil se lève sur tous ceux que nous aimons, comme sur nos vignes ! Que la joie inonde notre monde comme la douce pluie irrigue nos ceps ! Et si quelque orage gronde, obtient nous humour et pardon ! »
D'autres dictons font le lien entre la date de sa fête, le 22 janvier, et la reprise d'activité dans les vignes : « Passée la Saint-Vincent, on peut aller tailler. »
Dans le courant du XIX e siècle, des sociétés de secours mutuel entre vignerons, dites de Saint-Vincent, s'inspirant des anciennes confréries interdites après la révolution, se recréent dans les villages. En 1938, la Confrérie des chevaliers du tastevin, en Bourgogne, invente la Saint-Vincent tournante. L'idée a essaimé depuis dans d'autres régions.
