« Les viticulteurs doivent discuter davantage avec les revendeurs avant de choisir un pulvérisateur », souligne Alain Garrigou, maître de conférences à l'université Bordeaux I, en Gironde, et chercheur à l'Inserm. Pour cet ergonome, lors de ces discussions, les viticulteurs ne doivent pas seulement s'intéresser aux performances des appareils mais aussi à leur conception. Car elle laisse bien souvent à désirer.
Aussi surprenant que cela paraisse, l'accessibilité à la cuve pose problème sur nombre de pulvérisateurs. Monter jusqu'au trou d'homme implique souvent des acrobaties. « Même sur un pulvérisateur pourvu d'un marchepied, le viticulteur peut être contraint de se tenir d'une main à l'appareil pendant la phase de remplissage, parce qu'il n'est pas stable », constate Yann Montmartin, conseiller environnement à la chambre d'agriculture de Gironde.
Et s'il n'y a pas d'échelle ou de marchepied, la situation est encore pire. Le viticulteur doit alors monter sur un pneu pour escalader son pulvérisateur, avec tous les risques que cela comporte.
Par ailleurs, sur beaucoup de modèles, l'opérateur doit plaquer ses cuisses contre la cuve pour accéder au trou de remplissage. Or, après un traitement, la cuve est recouverte de traces de produits phytos. L'utilisateur s'expose ainsi à un risque élevé de contamination cutanée, surtout s'il n'est pas correctement protégé.
« La position du marchepied par rapport au trou de remplissage n'est pas toujours idéale. L'accès à ce dernier est parfois compliqué une fois les rampes repliées », indique Sonia Grimbuhler, chercheuse à l'Irstea (ex-Cemagref), interviewée par « La Vigne » en mai 2012 (voir notre numéro 242, page 50).
Un incorporateur pour faciliter le remplissage
La présence d'un incorporateur facilite et sécurise le remplissage. Depuis 1995, il est obligatoire sur les pulvérisateurs dont le trou d'homme se situe à plus d'1,50 m du sol, sauf si l'appareil est équipé d'une échelle ou d'un marchepied. Mais cette réglementation concerne peu d'appareils viticoles. « En viticulture, les pulvérisateurs traînés sont souvent à la limite de cette hauteur d'1,50 m et n'ont généralement pas d'incorporateur, contrairement aux pulvérisateurs montés sur enjambeurs », précise Yann Montmartin. Pour y remédier, on peut toujours installer un bac d'incorporation sur un appareil qui n'en est pas pourvu.
Autre point à prendre en compte : l'accessibilité des vannes de vidange. Il faut veiller à ce qu'elles soient disposées de telle sorte qu'on ne s'éclabousse pas à l'ouverture au moment de vidanger la cuve. Sur certains modèles, elles sont commandées à distance, mais ces commandes ne doivent pas se trouver en cabine.
Vérifiez également la bonne lisibilité de la jauge de la cuve, « afin de ne pas être contraint de vous mettre juste au-dessus de la cuve pour contrôler le niveau de bouillie, car, dans ce cas, vous vous exposez aux émanations de produits », prévient Yann Montmartin. Soyez également attentif à la position du rince-mains (obligatoire sur les pulvés neufs depuis 2003) : il ne doit pas être derrière la rampe.
« Huit paramètres principaux sont à prendre en compte, résume Sonia Grimbuhler, qui a mis au point un indicateur de sécurité pour bien choisir son pulvérisateur. L'accessibilité au trou d'homme, le bac d'incorporation, le risque de projection lors de la vidange de l'appareil, la simplicité des commandes extérieures, le bidon rince-mains, l'indicateur de niveau, le manomètre et les filtres. »
« On constate peu d'évolutions sur la conception des pulvés en matière de sécurité, mais certains constructeurs participent aux travaux de l'Irstea », commente un conseiller viticole. Les choses devraient donc s'arranger.
Encore des progrès à faire sur les cabines
Le chauffeur d'un tracteur équipé d'une cabine étanche et climatisée n'est pas totalement protégé de l'exposition aux produits phytos, selon Alain Garrigou, maître de conférences en ergonomie à l'université Bordeaux I. « Les industriels ne sont pas capables de fabriquer des systèmes de filtration des fines particules ou des aérosols produits par les pulvérisateurs actuels. Un agriculteur qui achète une cabine avec un système de filtration sera davantage protégé mais sera tout de même contaminé à terme », a-t-il expliqué lors d'une audience au Sénat en juillet 2012 devant la commission d'information sur les pesticides. En attendant que les constructeurs améliorent les choses, Bruno Farthouat, conseiller prévention à la MSA des Charentes, souligne qu'il « est souvent nécessaire de changer le filtre de la cabine plus d'une fois par an. Faire plusieurs travaux avec le tracteur ou le nettoyage à eau sous pression peut rapidement le saturer ». Veillez également à ne pas entrer dans la cabine avec une combinaison souillée par des produits afin de ne pas contaminer l'air climatisé.