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GUIDE PHYTOS - MALADIES

Botrytis Adaptez votre stratégie au risque

La vigne - n°201402 - février 2014 - page 36

De nombreux vignobles ont subi en 2013 une forte pression de pourriture grise. Pour lutter contre la maladie, une prophylaxie rigoureuse est indispensable, conjuguée à un ou deux traitements selon le risque.
POURRITURE GRISE sur cépage noir. En 2013, certains vignobles comme le Bordelais et le Val de Loire ont essuyé de fortes attaques du champignon. Les viticulteurs ont dû hâter les vendanges © J-C GUTNER

POURRITURE GRISE sur cépage noir. En 2013, certains vignobles comme le Bordelais et le Val de Loire ont essuyé de fortes attaques du champignon. Les viticulteurs ont dû hâter les vendanges © J-C GUTNER

1. Ne négligez rien côté prévention

Plus que toute autre maladie, la pourriture grise peut être combattue efficacement par une batterie de mesures préventives. « Quel que soit le risque parcellaire, la prophylaxie doit s'appliquer », indique la note nationale maladies de la vigne 2013.

« Il faut avant tout maîtriser la vigueur (fertilisation raisonnée, enherbement...), la conduite en vert pour favoriser l'aération et l'éclairage des grappes (ébourgeonnage, effeuillage...) et assurer une protection préventive contre les dégâts de tordeuses (et d'oïdium), ces blessures étant des portes d'entrée pour le botrytis », détaille Jean-Baptiste Drouillard.

Choisissez bien le moment où vous allez effectuer l'effeuillage. Pour l'expert de Syngenta, il doit être réalisé précocement, car entre la floraison et la nouaison, « il sera plus efficace qu'à la fermeture de la grappe ». Mais pour Marc Fermaud, « il faut le réaliser après la nouaison, car avant ce stade, il peut accentuer le phénomène de coulure ».

Les années où la vigne est très vigoureuse, deux passages peuvent être nécessaires. « Suite à l'effeuillage, la vigne peut produire de nouvelles pousses qui vont venir ombrager de nouveau les grappes », justifie Marc Fermaud. Veillez à bien régler votre effeuilleuse afin de limiter les blessures des grappes.

Sur les parcelles à faible risque, la prophylaxie suffit en général à freiner le développement de la maladie.

2. Raisonnez la protection selon l'année et la parcelle

Pour bâtir sa stratégie de protection, Jean-Baptiste Drouillard conseille « de prendre en compte la région, le cépage et le risque parcellaire (type de sol, enherbement ou pas...). Dans les parcelles à sensibilité moyenne, une application d'antibotrytis peut suffire. Dans les parcelles sensibles, deux passages sont nécessaires ». Marc Fermaud convient que « le risque parcellaire est lié au cépage, au porte-greffe, à l'âge de la vigne et à la présence ou non d'une rivière ou d'une zone humide à proximité de la vigne ». Mais il rappelle que les conditions climatiques de l'année sont déterminantes.

L'Inra de Bordeaux (Gironde) a développé un indicateur de risque qui le montre bien. Ce dernier, dénommé potentiel de réceptivité des baies (PRB), est disponible sur le site internet du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux pour le sauvignon blanc et pour le merlot. Il permet d'évaluer la sensibilité des baies un peu avant la fermeture de la grappe. En 2013, après la forte pluviométrie printanière, il signalait une valeur nettement plus élevée que les années précédentes. Un message d'alerte a donc été envoyé dès la mi-juillet, recommandant aux viticulteurs d'effeuiller et de soigner la protection contre les vers de la grappe.

« En 2013, vu les conditions très pluvieuses au printemps, il a fallu effectuer un effeuillage après la nouaison suivi d'un traitement antibotrytis. Cela a permis d'enrayer tôt la maladie, alors que les conditions lui étaient favorables. Un second traitement a ensuite été nécessaire à la véraison pour préserver le potentiel de rendement et la qualité », poursuit Marc Fermaud.

Cependant, quand la météo n'est pas de la partie, il n'y a pas de miracle. « Dans le Bordelais, les pluies régulières en septembre et octobre 2013 ont bien plus contribué à l'explosion du botrytis que le risque parcellaire, se remémore Marc Fermaud. Même les producteurs qui pratiquaient une bonne prophylaxie ont pu avoir des difficultés. » Un climat qu'il est malheureusement impossible de prévoir au moment où il faut décider d'agir ou non.

3. Traitez au bon moment

« En règle générale, dans le Bordelais, le premier traitement est positionné entre le stade A (chute des capuchons floraux) et B (fermeture de la grappe). À ce moment-là, plusieurs indicateurs permettent de raisonner la protection : taux de coulure, vigueur, pression des tordeuses etc., note Marc Fermaud. Le second traitement, s'il est nécessaire, intervient au stade C, à la véraison. Si ces deux applications sont bien réalisées, on obtient alors une protection efficace à 75 %. »

Dans les parcelles sensibles, Jean-Baptiste Drouillard conseille « deux applications aux stades A puis B ou C. Le traitement au stade A est le plus efficace ». L'expert préconise d'utiliser à ce moment-là Switch (cyprodinil et fludioxonil) ou Geoxe WG (fludioxonil). « Un produit comme Sekoya (fluazinam) est plutôt recommandé en seconde application, du stade B+ à C suivant les vignobles », ajoute-t-il.

En Anjou, « les vignerons réalisent un seul traitement en règle générale », rapporte Sébastien Beauvallet. Ce technicien suggère de l'effectuer au stade A, car il estime lui aussi que c'est le moment où les antibotrytis sont les plus efficaces. « Certains vignerons réalisent cependant une seconde application au stade C pour être sûrs d'avoir une vendange saine », ajoute-t-il. Quant aux produits à employer, il conseille les fongicides à base de cyprodinil/fludioxonil, de fluazinam ou de fenhexamid.

En Champagne, le CIVC recommande un ou deux traitements : à la fin de la floraison et, éventuellement, au début de la fermeture de la grappe.

En fin de saison, observez la vigne. En cas d'attaque à l'approche des vendanges, vous pouvez appliquer des produits comme Armicarb, Botector ou Serenade, qui ont l'avantage d'avoir un délai avant la récolte très court (lire l'encadré « Et en bio ? »).

4. Veillez au risque de résistance

Détectée pour la première fois en 2004, la résistance au fenhexamid a semblé se stabiliser en 2011 et 2012, indique la note nationale technique maladies de la vigne 2013. Celle aux carboxamides (SDHI, boscalid) a été présente en 2012 dans de nombreux vignobles, « mais à une fréquence encore faible ».

En 2012, la résistance multiple - croisée entre tous les antibotrytis spécifiques - était décelée dans de nombreux vignobles.

Malgré tout, à ce jour, les antibotrytis ne montrent pas de baisse d'efficacité.

Il n'empêche, les experts prônent l'emploi d'un seul produit par famille chimique et par an et l'aternance d'une année à l'autre des familles chimiques concernées par la résistance spécifique (anilinopyrimidines, benzimidazoles, carboxamides, hydroxyanilides et dicarboximides).

ET EN BIO ? Deux nouveaux produits disponibles

Les avis sont partagés au sujet de l'efficacité des traitements autorisés en viticulture bio.

EN 2013, LE MARCHÉ DES ANTIBOTRYTIS S'EST ENRICHI DE DEUX NOUVEAUX PRODUITS UTILISABLES EN VITICULTURE BIOLOGIQUE : Armicarb et Botector, tous deux commercialisés par De Sangosse.

Armicarb, à base de bicarbonate de potassium, agit par contact en stoppant le développement des spores et des filaments mycéliens. Sur botrytis, De Sangosse le préconise de la véraison jusqu'à huit à dix jours avant la vendange. Botector, lui, est à base de deux souches d'Aureobasidium pullulans, une levure antagoniste de Botrytis cinerea. De Sangosse recommande trois traitements maximum, en préventif, de la chute des capuchons floraux jusqu'à la vendange. Botector ne laisse pas de résidus et, tout comme Armicarb, il a un délai avant récolte d'un jour seulement.

En Anjou, Sébastien Beauvallet, de la Coopérative agricole Pays de Loire, a noté « des résultats satisfaisants » en 2013 avec Armicarb. « Les viticulteurs l'ont positionné seul en fin de saison sur du botrytis installé. Dans ces conditions, il a plutôt bien fonctionné. Il assure un effet asséchant et permet de différer un peu la vendange. »

L'an passé, le conseiller technique de la CAPL a aussi constaté l'effet positif de Serenade, un autre produit naturel à base d'une souche de Bacillus subtilis. « Appliqué là aussi seul en fin de saison, dans des conditions favorables, il a donné de bons résultats sur tous les hectares traités. »

Le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC) est moins convaincu de l'intérêt de Serenade et d'Armicarb. « Nous n'avons pas réalisé d'essais cette année, mais lors de nos expérimentations antérieures, nous avons observé des efficacités très limitées », indique Marie-Pierre Vacavant, chef de projet viticulture au CIVC.

Sur le terrain, Serenade et plus encore Botector et Armicarb semblent encore peu utilisés. Et la prophylaxie reste primordiale. « Il est nécessaire de gérer la vigueur, de raisonner la fertilisation et d'arrêter le travail du sol après la fermeture de la grappe, rapporte Odile Cadiou, du Service d'écodéveloppement agrobiologique et rural de Bourgogne. Nous préconisons aussi l'effeuillage de la face nord-est des vignes à partir de la nouaison, cela a aussi un effet bénéfique contre l'oïdium. Cette année, la pression du botrytis a été importante en fin de saison. Mais il n'y a pas eu de grandes différences entre les parcelles conduites en conventionnelle et celles en bio. »

Des vignerons appliquent du lithothamne (algue marine calcaire) ou de l'argile kaolinite contre la pourriture grise. Mais ces pratiques n'ont pas été évaluées.

5 % de baies pourries suffisent à dégrader un vin

Outre la perte de rendements, la pourriture grise entraîne une dégradation de composés qualitatifs du raisin (sucres, acides organiques, arômes variétaux et composés phénoliques), le brunissement des vins et des difficultés de clarification. À Bordeaux (Gironde), Bénédicte Lorrain, Isabelle Ky et d'autres chercheurs de l'Institut des sciences de la vigne et du vin ont mesuré ces impacts sur du merlot noir en 2009 et en 2010. En 2010, ils sont allés jusqu'à mesurer l'impact de la maladie sur la teneur en composés phénoliques des pépins et des pellicules séparément. Ils ont découvert que la composition des pépins est peu affectée par la maladie, ce qui est logique, car ils sont peu en contact avec elle. En revanche, les pellicules sont extrêmement touchées, les peaux des baies malades perdant 82 % de leurs anthocyanes.

Durant les deux années d'observation, les chercheurs ont comparé les moûts et les vins de cuves renfermant uniquement des baies saines - les témoins - et de cuves renfermant 5, 15 et 20 % de baies pourries. En 2009, la cuve avec 15 % de baies pourries renfermait 57 % d'anthocyanes totales en moins que la cuve témoin. En 2010, elle en contenait 46 % de moins. L'acidité volatile des vins finis a augmenté dès 5 % de baies pourries en 2010 et à partir de 15 % en 2009. À la dégustation, le jury a distingué les vins issus de vendanges pourries, pour les deux millésimes étudiés, dès 5 % de raisins touchés. Les dégustateurs ont perçu des défauts moisi-terreux, de végétal-herbe et de champignon.

La pourriture grise a donc un impact sur les composés phénoliques (oxydés par des enzymes du champignon, comme la laccase) et les propriétés sensorielles des vins. « Les conséquences de Botrytis cinerea sont sérieuses et dramatiques dès 5 % de baies pourries dans le vin », concluent les chercheurs.

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