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GUIDE PHYTOS - MALADIES

Goûts moisis-terreux Prophylaxie et antibotrytis

La vigne - n°201402 - février 2014 - page 40

La prévention des goûts moisis-terreux au vignoble passe par une maîtrise de la vigueur, l'aération des grappes et l'application d'antibotrytis.
PENICILLIUM EXPANSUM sur un grain de raisin blessé. Ce champignon fait partie de ceux qui peuvent produire de la géosmine, l'une des molécules responsable des goûts moisis-terreux. © BASF

PENICILLIUM EXPANSUM sur un grain de raisin blessé. Ce champignon fait partie de ceux qui peuvent produire de la géosmine, l'une des molécules responsable des goûts moisis-terreux. © BASF

1. À la vigne, réduisez la vigueur et aérez les grappes

Les goûts moisis-terreux (GMT) sont provoqués par des molécules aromatiques, en particulier la géosmine, produites par des champignons du genre Penicilium. « Le botrytis est une porte d'entrée pour ces champignons », indique Laurence Guérin. Il précède la flore fongique à l'origine des GMT, même s'il n'est pas possible de faire un lien entre ses niveaux d'attaque et l'intensité des GMT dans le vin.

Toutes les mesures pouvant limiter la pourriture sont donc bénéfiques pour lutter contre les GMT : enherbement et gestion raisonnée des fumures pour freiner la vigueur, taille et modes de conduite favorisant l'aération des grappes, ébourgeonnage, effeuillage et éclaircissage. « La prophylaxie est similaire à celle appliquée contre le botrytis et elle est tout aussi indispensable », souligne Jean-Baptiste Drouillard.

Sur le chenin, des essais de la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire ont montré l'efficacité de l'acide gibbérellique pour allonger la rafle de la future grappe. Soyez également vigilant face à tout ce qui peut affecter l'intégrité des baies : tordeuses, grêle, oïdium...

2. Misez sur deux traitements antibotrytis

Associer les mesures prophylactiques à la lutte chimique permet de prévenir les GMT avec plus d'efficacité. « Les antibotrytis agissent sur Botrytis cinerea, mais également, de façon directe et indirecte, sur les Penicilium », note Laurence Guérin. Les travaux de l'IFV ont mis en évidence l'intérêt de produits à base de cyprodinil, de fluazinam ou de fludioxonil. « Nous avons montré dans de nombreux essais que l'utilisation de Switch et de Sekoya contre le botrytis permet de limiter le développement des Penicilium », confirme Jean-Baptiste Drouillard.

« Dans les situations à risque, les stratégies à deux traitements sont à privilégier au stade A (chute des capuchons floraux) et B (fermeture de la grappe) plus dix jours, comme dans le Beaujolais, ou A et C (début véraison), comme dans le Val de Loire, détaille Laurence Guérin. Nos essais n'ont pas montré de gain significatif d'efficacité avec trois traitements. »

Jean Baptiste Drouillard préconise lui aussi deux applications, « aux stades A puis B ou C ». En revanche, en Anjou, Sébastien Beauvallet n'en recommande qu'une au stade A.

3. Évaluez le risque avant vendange

Deux semaines avant la récolte, vous pouvez effectuer un test prédictif : le « sniffing ». Prélevez cent grappes, découpez-les et sentez-les. « La géosmine se signale par un goût terreux, précise Laurence Guérin. Mais certaines personnes ne le perçoivent pas. Il est donc préférable de procéder au sniffing en groupe ou avec un technicien. » Vous pouvez ensuite fouler le lot de grappes, le laisser macérer dix minutes puis le déguster. Si vous percevez des notes terreuses, il faudra vinifier la parcelle à part. Pour confirmer votre perception, vous pouvez aussi demander un dosage de la géosmine.

Comment traiter une vendange altérée

Si vos vignes portent des grappes couvertes de moisissures bleues ou noires, privilégiez la récolte manuelle et effectuez un tri soigné. « Une grappe sur cent atteinte de goûts moisis-terreux suffit pour engendrer une déviation perceptible à la dégustation », prévient Laurence Guérin, de l'IFV. Après le sulfitage à la benne, dégustez les jus au plus vite. En cas de doute, isolez la cuvée et adaptez sa vinification. Sur gamay, les essais de l'IFV ont montré l'efficacité d'une macération préfermentaire à chaud (65°C) pendant douze heures, suivie d'un pressurage direct et d'une fermentation en phase liquide pour limiter la diffusion de géosmine. Sur vins blancs, évitez la macération pelliculaire, séparez les jus d'égouttage et réalisez un pressurage direct. Faites un débourbage serré. La thermovinification des jus débourbés peut donner de bons résultats. « Le charbon ou certaines levures permettent de pallier le problème », ajoute Sébastien Beauvallet. « Les charbons peuvent être utilisés sur moûts et en début de fermentation alcoolique, mais sont interdits sur rosés », signale Laurence Guérin. Le charbon peut affecter la qualité aromatique ou la structure des vins. « L'association bentonite et PVPP a moins d'impact mais est moins efficace. Elle est à réserver aux faibles concentrations de géosmine », poursuit-elle. Quant aux levures aromatiques et aux copeaux, ils ne peuvent servir que si la géosmine est peu présente indique Laurence Guérin : « Il ne s'agit que d'un masquage aromatique, inefficace sur de fortes contaminations. »

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