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SYMPTÔMES DE COURT-NOUÉ. Les outils de travail du sol peuvent disséminer les nématodes vecteurs de cette maladie. © IFV © IFV
Le court-noué est une maladie virale. Ses vecteurs sont deux nématodes microscopiques, Xiphinema index et Xiphinema diversicaudatum, qui transmettent respectivement le virus GFLV (Grapevine Fanleaf Virus) et le virus ArMV (Arabis Mosaic Virus), plus rare que le GFLV. Ces deux espèces se nourrissent des racines de la vigne. Elles vivent dans le sol à plus de 30 cm de profondeur. Il n'existe plus aujourd'hui de produits de désinfection du sol autorisés pour les détruire.
Le court-noué concerne plus de 60 % du vignoble français. La maladie est notamment présente en Champagne et très répandue dans la vallée du Rhône. Elle provoque un affaiblissement de la vigne, des baisses de rendement et peut entraîner la mort du cep. La première précaution à prendre consiste à planter systématiquement des vignes certifiées, indemnes du virus. Face à une parcelle suspecte, voici comment procéder.
1. Faites un diagnostic
Les symptômes du court-noué se caractérisent par des déformations de rameaux, un raccourcissement des entre-noeuds, des décolorations foliaires et une altération de la capacité de production. « Ils peuvent être différents selon les souches des virus : être très marqués, avec un rabougrissement de la végétation, ou se limiter à des panachures sur feuilles. La maladie peut aussi provoquer beaucoup de millerandage », détaille Géraldine Uriel. Des troubles physiologiques, comme des carences, peuvent engendrer des effets similaires. Pour éviter toute confusion et être sûr du diagnostic, faites réaliser un test de dépistage Elisa, une analyse simple et peu coûteuse.
2. Limitez la propagation de la maladie
Si le test est positif, évaluez l'intérêt ou non d'arracher la parcelle selon le nombre de ceps atteints et le rendement attendu. « Sur le plan économique, il est plus facile de supporter une contamination sur une AOC prestigieuse, où les rendements autorisés sont faibles, que sur une parcelle en IGP qui doit être productive », observe Olivier Jacquet. Vous pouvez simplement arracher les pieds atteints et complanter. Dans ce cas, veillez à limiter au maximum la propagation de la maladie.
« Sur les parcelles très atteintes, nous préconisons de limiter le travail du sol pour ne pas disséminer les nématodes, qui se déplacent peu au cours de leur cycle, souligne Géraldine Uriel. Afin d'éviter de contaminer une nouvelle parcelle, il faut commencer à travailler celles qui sont saines avant de passer dans les autres. Si c'est possible, travaillez les zones atteintes avec des outils différents de ceux utilisés dans les parcelles saines. »
Faites en sorte d'empêcher l'érosion du sol et les phénomènes de ruissellement qui peuvent disperser les nématodes. « Nous préconisons d'enherber les tournières ainsi que quelques rangs pour ralentir la circulation de l'eau et d'implanter des haies ou des murets », précise Olivier Jacquet. N'apportez pas de terre exogène dont vous ne connaissez pas la provenance sur vos parcelles.
3. En cas d'arrachage, suivez les préconisations
Si vous décidez d'arracher, il faut au préalable dévitaliser les souches. L'opération vise à réduire le risque de réapparition du court-noué en détruisant les racines, sources de nourriture pour les nématodes. « La dévitalisation s'effectue juste après les vendanges, sur un feuillage encore fonctionnel, avec du glyphosate (200 l/ha de bouillie), dans la limite de 2 880 g/ha et par an », indique Géraldine Uriel. Utilisez des panneaux récupérateurs.
Après la dévitalisation, laissez passer quelques mois. « L'idéal est d'arracher les ceps au printemps suivant, en extirpant le maximum de racines, puis de replanter la parcelle l'année d'après, ajoute la chef de projet au CIVC. Entre la dévitalisation et la replantation, le repos du sol doit être de dix-huit mois. Pendant ce laps de temps, les populations de nématodes baissent de 50 %. Mais ceux-ci peuvent survivre pendant six ans dans les terrains légers et jusqu'à dix ans dans les sols plus lourds. » Dans le Vaucluse, Olivier Jacquet préconise « un minimum de deux ans de repos entre l'arrachage et la replantation. » Mais l'idéal serait d'attendre sept à dix ans.
Replantez la parcelle avec un matériel végétal certifié garantissant l'absence de virus. Si vous le pouvez, optez pour le porte-greffe Nemadex, qui retarde la recontamination (lire encadré). Puis entretenez les abords de la parcelle et éliminez les repousses de vigne.
4. Plantes nématicides : évitez certaines espèces
Vitinnov, une cellule de transfert de connaissances adossée à Bordeaux Science Agro, a découvert que certaines plantes proposées dans des mélanges nématicides disponibles sur le marché (comme le chanvre, le sarrasin ou la phacélie) favorisent, en fait, la multiplication du nématode Xiphinema index.
En revanche, cinq espèces paraissent intéressantes contre ce vecteur du court-noué : « L'avoine, la luzerne, le tagète, la vesce velue et le lupin blanc. Mais il est indispensable d'attendre les résultats des essais menés à grande échelle sur plusieurs sites en France pour vérifier si ces plantes retardent bien les recontaminations par le virus du court-noué », prévient Marion Claverie.
Le fabricant de semences Jouffray-Drillaud a travaillé avec Vitinnov sur ces essais de plantes nématicides. Sans attendre de nouveaux résultats, la société commercialise déjà un mélange baptisé Viver Néma-Controle, qui comprend de l'avoine rude, de la vesce velue, de la luzerne, du sainfoin, du trèfle violet et du lotier. C'est un moyen « de réduire le temps de repos entre l'arrachage et la replantation de la vigne », affirme la société poitevine.
Le Nemadex, disponible cette année
Inscrit au catalogue officiel des variétés de vigne en 2011, le Nemadex Alain Bouquet, du nom de son créateur, est un porte-greffe issu d'un croisement entre un hybride de muscadine et le porte-greffe 140 Ruggeri. « Il retarde la contamination par le court-noué, car les nématodes vecteurs réalisent plus difficilement leur cycle sur ses racines, précise Marion Claverie, agronome à l'IFV. Dans une parcelle du domaine du Chapitre, à Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), plantée en 1999 avec du cabernet sauvignon greffé sur Nemadex AB et sur SO4, il existe aujourd'hui un retard à la recontamination d'environ dix ans entre le Nemadex et le SO4. » Sur cette parcelle très touchée par le court-noué, les anciens ceps de vigne n'avaient pas été dévitalisés avant leur arrachage.
Des essais ont aussi été menés en complantation, après arrachage des ceps malades sans dévitalisation ni repos du sol. Dans cette situation, la recontamination par le court-noué des pieds greffés sur Nemadex a parfois été très rapide. « Il est donc préférable d'éviter le Nemadex en complantation », note l'agronome de l'IFV.
Ce porte-greffe est désormais disponible chez quelques pépiniéristes en France, comme Christophe Hebinger, en Alsace : « Les vignes mères ont produit très peu de bois en 2013. Je ne peux commercialiser que moins d'une centaine de plants de Nemadex, alors que beaucoup de vignerons en demandent. Ils veulent voir le comportement de ce porte-greffe pour savoir s'ils l'utiliseront à l'avenir. » Les plants greffés sur Nemadex seront vendus plus cher que les autres. En effet, non seulement le porte-greffe produit peu de bois, mais il nécessite aussi un surcroît de travail dans les vignes mères. Il est aussi sensible à la sécheresse et à l'hydromorphie. De ce fait, il faut le réserver « aux sols profonds sans contrainte hydrique et sans chlorose, là où le Riparia est indiqué », indique Marion Claverie. Sa vigueur et sa production sont modérées. « Il semble donc que ce soit un porte-greffe de niche », ajoute l'agronome. Lorsqu'on veut réaliser une plantation avec des plants greffés sur Nemadex, il faut dévitaliser les anciens ceps, les arracher puis laisser le sol se reposer douze à dix-huit mois.
