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GUIDE PHYTOS - RAVAGEURS

Tordeuses Attention à la troisième génération

La vigne - n°201402 - février 2014 - page 54

Plusieurs vignobles ont connu une forte pression de vers de la grappe en 2013, notamment en troisième génération. Observations et alternance des insecticides selon leur mode d'action sont indispensables pour une lutte réussie.
LARVE DE COCHYLIS. En deuxième génération, les dégâts sont quantitatifs mais également qualitatifs. Il faut donc agir en préventif avant que la larve ne pénètre dans la baie.  © C. WATIER

LARVE DE COCHYLIS. En deuxième génération, les dégâts sont quantitatifs mais également qualitatifs. Il faut donc agir en préventif avant que la larve ne pénètre dans la baie. © C. WATIER

LARVE D'EUDÉMIS. Elle est beaucoup plus vive que celle du cochylis. Elle a une tête et un thorax jaune brun.  © C. WATIER

LARVE D'EUDÉMIS. Elle est beaucoup plus vive que celle du cochylis. Elle a une tête et un thorax jaune brun. © C. WATIER

1. En première génération, analysez le risque

Le suivi des populations de cochylis et d'eudémis par piégeages est relaté dans les Bulletins de santé du végétal (BSV). En première génération (G1), on peut tolérer des attaques modérées du fait de la capacité de compensation des grappes. Avant de décider ou non de traiter, observez vos vignes et dénombrez les glomérules, ces « nids » que tissent les chenilles en agglomérant plusieurs boutons floraux. Des parcelles sont plus sensibles que d'autres aux vers de la grappe, notamment « celles proches de haies, de bois et de jardins privés, vallonnées ou peu faciles d'accès », constate Sébastien Beauvallet. Soyez donc particulièrement vigilant dans ces zones.

En Gironde, le seuil d'intervention est fixé entre 30 et 70 glomérules pour 100 inflorescences, mais il est rarement dépassé. En Bourgogne, il est de 50 à 60 glomérules pour 100 inflorescences, 30 en cas de faible charge. En Anjou, « la G1 est très peu traitée. Pour les vignerons, il s'agit en quelque sorte d'un éclaircissage naturel, rapporte Sébastien Beauvallet. Et une forte première génération n'entraîne pas forcément une forte deuxième génération (G2). Mais en 2013, il y a eu des dégâts. Les vols se sont étalés de fin avril à la floraison. Dans ce cas-là, les insecticides sont difficiles à positionner. En G1, on agit sur de jeunes larves, du stade tête noire au stade baladeur. Nous conseillons donc du spinosad, du chlorpyriphos-méthyl ou de l'émamectine (Affirm), mais en dehors de la floraison ».

Dans les Pyrénées-Orientales, le seuil d'intervention est de sept à huit chenilles pour dix grappes. « On y arrive facilement dans certaines zones. La G1 est régulièrement traitée dans notre vignoble, dans les secteurs à fort historique et en pression élevée. Nous préconisons alors des neurotoxiques, des pyréthrinoïdes ou des organophosphorés », explique Marc Guisset.

« Le pourcentage de pertes acceptables est lié au rendement visé, indique Jean-Baptiste Drouillard. À cette période, en cas de dépassement du seuil fixé localement, on peut utiliser de la lambda-cyhalothrine (Karaté Zéon). »

2. Visez les oeufs en deuxième génération

Les vers de la grappe de deuxième et troisième générations provoquent des dégâts quantitatifs mais également qualitatifs. Il faut donc agir en préventif, avant que les larves s'attaquent aux grappes, avec des produits ovicides. « Les perforations de baies causées par les tordeuses favorisent le développement de botrytis, ce d'autant plus que les températures sont douces, commente Sébastien Beauvallet. En deuxième génération, l'intervention doit être réalisée dans les jours qui suivent le pic des vols, vers fin juin ou début juillet dans notre vignoble. »

Vos observations et la lecture du Bulletin de santé du végétal vous permettront de cerner ce moment stratégique. Pour le choix du produit, Sébastien Beauvallet conseille de l'indoxacarbe (Steward, Explicit), de l'émamectine (Affirm) ou Success, un produit à base de spinosad utilisable en viticulture biologique (voir l'encadré « Et en bio ? »). « Ces spécialités sont à positionner dès les premières pontes jusqu'au stade tête noire », précise-t-il.

Marc Guisset recommande également « de viser les premières pontes. Mais en 2013, cela a été difficile, car celles-ci ont été étalées sur trois semaines. Des oeufs étaient encore pondus alors que les produits appliqués au début des pontes arrivaient en fin de rémanence. Les vignerons qui n'ont pas été assez vigilants et qui sont intervenus en retard ou en avance par rapport aux moments clés ont eu des dégâts ». Le conseiller viticole préconise d'utiliser Steward, Affirm ou du spinosad « qui fonctionnent bien en G2 ».

Pour Jean-Baptiste Drouillard, Affirm/Proclaim, dont la persistance d'action est de vingt et un jours, et Luzindo, à base de thiaméthoxam, sont intéressants en G2 « à cause de leur souplesse de positionnement. Nous recommandons de les appliquer du début des pontes jusqu'au stade tête noire ».

En Alsace, dans les parcelles infestées par la cochenille du cornouiller, l'IFV a mis en évidence l'intérêt du fénoxycarbe en G2, qui permet de contrôler ce ravageur et le cochylis, la principale tordeuse de la région.

Lors de la pulvérisation, ciblez les grappes. Si la pression est très forte, un second traitement peut être nécessaire en G2. « C'est plutôt rare, observe Jean-Baptiste Drouillard. Mais dans ce cas, un pyréthrinoïde est souvent utilisé. » Attention, ce type de produit perd de l'efficacité lorsqu'il est appliqué par temps chaud.

3. Restez vigilant en troisième génération

Généralement, l'eudémis développe une troisième génération, surtout dans les régions du Sud. Certaines années, le cochylis peut aussi présenter un début de troisième génération. « En Anjou, la pression a été très forte en 2013 et nous pensons qu'il y a eu une troisième génération de cochylis, alors qu'habituellement, nous n'en avons que deux. Mais il est difficile d'en être sûr, car les relevés de piégeage ont été arrêtés en fin de G2 », remarque Sébastien Beauvallet.

L'an passé, la troisième génération d'eudémis a été particulièrement virulente. « Nous avons observé une augmentation des attaques. Cette génération s'est développée sur une période plus longue et les vols ont été importants, note Jean-Baptiste Drouillard. Les produits classiques n'ont pas empêché les dégâts. Et les viticulteurs n'ont pas renouvelé les traitements alors qu'ils auraient dû. » En G3, l'expert de Syngenta préconise d'utiliser Affirm, du début des pontes jusqu'au stade tête noire, ou un pyréthrinoïde. Dans les Pyrénées-Orientales, Marc Guisset recommande Success (spinosad) juste avant le stade tête noire ou Coragen (chlorantraniliprole) « dès le début des pontes jusqu'au stade tête noire au plus tard ».

En tout état de cause, prenez garde aux délais avant récolte avant de traiter. Et pour l'ensemble de la saison, bâtissez des programmes faisant se succéder des insecticides avec des modes d'actions différents les uns des autres.

QUOI DE NEUF ? L'ARRIVÉE DU THIAMÉTHOXAM

Syngenta a lancé en 2013 un nouveau produit, Luzindo, associant le thiaméthoxam et le chlorantraniliprole. Sa caractéristique principale est sa polyvalence. Il est en effet homologué contre les vers de la grappe mais aussi contre la cicadelle verte, celle de la flavescence dorée et metcalfa, à la dose unique de 0,2 kg/ha. « Une application de Luzindo au moment de la deuxième génération de tordeuses permet aussi de contrôler les cicadelles, souligne Jean-Baptiste Drouillard, expert technique vigne chez Syngenta. Nos suivis sur plusieurs années ont montré que les traitements en deuxième génération de tordeuses coïncidaient avec le deuxième traitement larvicide obligatoire contre la cicadelle de la flavescence dorée. »

Ce produit qui ouvre un nouveau segment de marché de par sa polyvalence peut aussi s'utiliser en troisième génération de tordeuses. Mais attention, une seule application de Luzindo est autorisée par hectare et par an, en post-floraison. En revanche, il est non classé du point de vue toxicologique et est étiqueté NFT(neutre à faiblement toxique) sur les typhlodromes.

ET EN BIO ? Bt et Spinosad

Ce sont des produits purement préventifs.

HOMOLOGUÉS EN VITICULTURE BIOLOGIQUE DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES CONTRE LES VERS DE LA GRAPPE, les produits à base de Bacillus thuringiensis (Bt) n'agissent que s'ils sont ingérés par les larves. Ils libèrent alors une toxine qui entraîne leur mort dans les 24 à 48 heures. Les Bt n'ont donc pas d'action de choc. Il est essentiel de bien les positionner. « Nos essais ont montré qu'appliquer ces produits juste avant que les premiers oeufs atteignent le stade tête noire (et non autour des éclosions) augmente leur efficacité. L'observation des pontes est incontournable pour que les vignerons puissent agir dès ce moment-là », remarque Marc Guisset, de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales. La rémanence du Bt est d'une dizaine de jours et le traitement doit être renouvelé en cas de pluies supérieures à 20 mm ou si les vols sont étalés. Son efficacité peut être dopée par l'adjonction de saccharose (1 kg/ha) : « Cela le rend plus appétent pour les chenilles », signale Marc Guisset.

Le Bt est souvent intégré dans un programme avec du spinosad, (Success 4 ou Musdo 4). « Le Bt seul peut ne pas suffire à lutter contre les tordeuses, note Nicolas Constant, de Sudvinbio. En G2 ou G3, une application de spinosad nettement avant le début des éclosions suivie dix à quatorze jours plus tard d'un Bt apporte la meilleure efficacité. Mais tous deux sont des produits délicats à positionner. » Marc Guisset conseille également un traitement au spinosad au stade tête noire, puis une application de Bt quatorze jours plus tard : « En G2, cette stratégie a donné de bons résultats sur des parcelles fortement infestées. » En 2012, contre l'eudémis, ce programme a eu une efficacité de 80 %. « En cas de pression modérée, une application de spinosad en G2 et une autre en G3 peuvent suffire », observe le conseiller viticole.

Confusion sexuelle : le système Rak de BASF bousculé par l'Isonet LE de Terra Fructi

LES DIFFUSEURS du système Rak de BASF s'accrochent avec une seule main. © C. THIRIET

LES DIFFUSEURS du système Rak de BASF s'accrochent avec une seule main. © C. THIRIET

DEUX TUBES SOUDÉS composent l'Isonet LE, de Terra Fructi.  © TERRA FRUCTI

DEUX TUBES SOUDÉS composent l'Isonet LE, de Terra Fructi. © TERRA FRUCTI

Jusqu'en 2012, BASF était le seul fournisseur en France de diffuseurs de phéromones destinés à la lutte contre les vers de la grappe par confusion sexuelle. Mais il y a deux ans, un concurrent a fait son entrée : Terra Fructi. Cette société dirigée par deux vignerons, Guy Salmona (Fronton, en Haute-Garonne) et Philippe Rothgerber (Alsace), commercialise l'Isonet LE. Comme le Rak 1+2 deux générations de BASF, ce diffuseur couvre deux générations d'eudémis et de cochylis. Son arrivée a entraîné une baisse du prix du Rak 1+2. Celui-ci est passé de 45 centimes pièce en 2012 à 36 centimes en 2013, soit 180 €/ha, contre 168 €/ha pour l'Isonet LE.

Commercialisé depuis plusieurs années en Suisse, en Allemagne et en Italie, Isonet LE a été conçu par la firme japonaise Shin-Etsu, la même qui fournit à BASF les phéromones de son système Rak. Selon Terra Fructi, Isonet LE diffuse les phéromones plus régulièrement que son concurrent, et ce pendant 180 jours, alors que le Rak 1+2 deux générations affiche 150 à 170 jours de diffusion.

Isonet LE est composé de deux tubes soudés l'un à l'autre par leurs extrémités. Pour le poser, il faut effectuer un noeud en tête d'alouette, ce qui se fait à deux mains, alors qu'un Rak s'accroche d'une seule main. Selon des essais menés en Champagne, le temps de pose des Isonet LE serait 30 % plus long que celui des Rak. Pour Sébastien Beauvallet, de la Société coopérative agricole du Pays de Loire (CAPL), accrocher les Isonet « prend 15 à 20 % plus de temps que les Rak, mais il est possible d'en transporter plus sur soi et d'éviter des allers et venues pour se ravitailler ».

En 2013, environ 3 000 ha ont été protégés avec Isonet LE et 28 000 hectares avec le système Rak. Pour maintenir sa position de leader, BASF continue d'innover. « Cette année, nous lançons le Rak 1+2 Mix, avec une diffusion plus régulière, notamment dans les périodes froides ou chaudes. Leur prix indicatif sera d'environ 185 €/ha », explique Pierre-Antoine Lardier, le responsable du pôle cultures spéciales chez BASF. La firme annonce également pour 2015, l'arrivée de Rak biodégradables et d'une nouvelle génération de diffuseurs contre l'eudémis.

L'an dernier, en Anjou, « les secteurs confusés depuis cinq à six ans n'ont connu aucun problème malgré la forte pression », indique Sébastien Beauvallet.

Dans le Languedoc, c'est l'inverse. « Nous avons observé de sérieux échecs, que ce soit avec le système Rak ou avec les diffuseurs Isonet LE », rapporte Jacques Oustric, de la chambre d'agriculture du Gard. Pour ce dernier, cette situation résulte de la présence de très fortes populations d'eudémis dès la deuxième génération. « Certains viticulteurs ont effectué un traitement insecticide d'appoint lorsqu'ils ont vu qu'il y avait des pontes dans les zones confusées. Ils ont ainsi maîtrisé la situation. En revanche, ceux qui n'ont rien fait se sont retrouvés avec de gros dégâts à la vendange, avec jusqu'à deux chenilles par raisin et 100 % des grappes atteintes par la pourriture grise. » Autre phénomène qui pourrait expliquer certains échecs : la recrudescence d'eulia et de Cryptoblabes gnidiella dans le Gard, une chenille qui se nourrit de l'intérieur des grains de raisins et ne laisse que la pellicule. Aucune des deux n'est contrôlée par la confusion sexuelle.

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