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BONNES PRATIQUES - ENVIRONNEMENT

Toutes les pistes pour réduire la dérive

La vigne - n°201502 - février 2015 - page 26

Pour qu'un maximum de produit atteigne sa cible et que la dérive soit limitée, il faut avant tout bien régler son pulvérisateur et choisir les buses adéquates.
LORS DE L'ACHAT d'un nouveau pulvérisateur, il faut privilégier les modèles qui traitent face par face et dont les buses peuvent être contrôlées de façon indépendante. © P. ROY

LORS DE L'ACHAT d'un nouveau pulvérisateur, il faut privilégier les modèles qui traitent face par face et dont les buses peuvent être contrôlées de façon indépendante. © P. ROY

La dérive de pulvérisation est la quantité de produit phytosanitaire qui n'atteint pas sa cible. Sous l'action du vent, des gouttelettes et des vapeurs de produit sont alors transportées hors de la zone traitée. Et elles peuvent contaminer des riverains, des cours d'eau ou d'autres zones sensibles. Elles peuvent aussi provoquer une phytotoxicité sur des cultures adjacentes. Une directive européenne de 2009 impose de mettre en place des mesures pour réduire les risques de pollution par dérive.

En 2011, un projet européen porté par l'EPCA (European Crop Protection Association) a donc vu le jour. Baptisé Topps-Prowadis, il associe sept pays de l'Union. Ce projet, coordonné en France par l'IFV, a permis de définir un ensemble de préconisations pour réduire la dérive. Les voici.

1. Adaptez vos réglages à la surface foliaire

« La première mesure que l'on peut mettre en oeuvre consiste à régler avec soin son pulvérisateur en fonction du développement de la végétation », indique Sébastien Codis, ingénieur à l'IFV. N'hésitez pas à consulter un technicien de la chambre d'agriculture pour avoir des conseils. Avant chaque traitement, pensez à bien régler la vitesse d'avancement, le débit et la pression de pulvérisation, qui doivent être faibles. « Aux premiers stades végétatifs, fermez des sorties et orientez les buses ou les canons/mains afin de toucher au mieux la végétation. Ces réglages sont à opérer à chaque traitement et sur chaque parcelle. Ils sont également déterminants sur la qualité d'application », note Sébastien Codis. En début de saison, si vous avez un pulvérisateur multirang, réduisez le nombre de rangs que vous traitez en un passage. La pulvérisation sera plus précise et les risques de dérive réduits.

Ne pulvérisez pas dans les tournières, ni vers des zones ne nécessitant pas d'être traitées. Coupez la pulvérisation en bout de rang, lors des manoeuvres. Si vous ne traitez que d'un côté, fermez les tronçons ou sorties inutiles, notamment sur les bords de parcelles. Pour bien ajuster le profil de pulvérisation à la forme de végétation, réglez les angles de sortie, évitez les recoupements entre les jets et réduisez les distances entre les buses et les feuilles.

« Il existe un test simple que chaque vigneron peut réaliser pour régler le profil de jet du pulvérisateur, avec une plaque de fer rouillée, poursuit Sébastien Codis. On peut ainsi visualiser les impacts et la distribution du produit sur la hauteur de la plaque et vérifier si les jets sont bien orientés. Cet outil a été développé par les services techniques du CIVC. »

2. Respectez les ZNT et implantez des haies

Des mesures indirectes peuvent réduire la pollution en interceptant la dérive, comme les zones non traitées (ZNT) et les haies. L'arrêté du 12 septembre 2006 rend obligatoire le respect de zones non traitées (ZNT) au voisinage des cours d'eau, plans d'eau, fossés, points d'eau permanents ou temporaires (voir page 30). À proximité des zones sensibles comme les habitations ou les écoles, n'hésitez pas à mettre en place des haies et des tournières en bordure des parcelles.

3. Traitez quand les conditions sont favorables

N'intervenez que si les conditions météo sont favorables (voir page 30). « Prenez garde aux soirées chaudes et calmes d'été, propices à la formation de phénomènes de convection appelés vents thermiques, qui peuvent entraîner les gouttelettes vers le haut », prévient Sébastien Codis.

4. Optez pour le bon pulvérisateur

Privilégiez les modèles dont les buses peuvent être contrôlées de façon indépendante, et ceux traitant face par face. Actuellement en vigne seuls deux appareils sont homologués pour la réduction de la dérive. Il s'agit de deux modèles à voûte pneumatique : les rampes CG et AB Most CS du constructeur Berthoud. Par ailleurs, les appareils à jet porté qui assurent une pulvérisation en face par face permettent plus de souplesse pour réduire la dérive. « On peut les équiper de buses à jet d'air qui forment des gouttes peu sensibles à la dérive lorsqu'on travaille à une pression limitée, détaille Sébastien Codis. Les gouttes sont alors plus grosses, ce que l'on peut compenser en augmentant un peu le flux d'air. » La ventilation peut même être arrêtée en début de saison ou en bordure de parcelle proche d'une zone urbanisée.

Il existe aussi des pulvérisateurs à panneaux récupérateurs, dont l'offre s'est développée sur le marché. Il est conseillé de les utiliser avec des buses à fente et à injection d'air. « L'emploi de ce type d'appareil permet de limiter fortement (voire de supprimer) la dérive », indique Alexandre Davy, de l'IFV. L'ingénieur a testé deux modèles en 2013 sur les exploitations des lycées de Montagne et de Sauternes (Gironde). « 80 % de la bouillie préparée finit sur la vigne, en moyenne, contre 40 % seulement avec les appareils classiques », précise-t-il. Les pertes de produit dans le sol et l'air sont fortement réduites. Le taux de récupération moyen de la bouillie sur une campagne varie entre 30 et 40 %. Mais ce type de pulvérisateur ne peut traiter que peu de rangs par passage, ce qui ralentit le débit de chantier. La conduite est également plus délicate, avec des risques d'accrochage accrus.

« Les vignobles dont la largeur interrang est inférieure à 1,5 m et/ou présentant des dévers importants sont peu adaptés à ce type de matériel », ajoute Alexandre Davy. Les pulvérisateurs à panneaux récupérateurs sont également coûteux, mais ils peuvent être éligibles à des subventions dans le cadre du Plan végétal environnement.

Préférez les buses à injection d'air

Des buses limitant la dérive ont été homologuées par le ministère de l'Agriculture. Leur liste est consultable dans une note du 15 octobre 2012 diffusée sur internet. Utilisez des buses à injection d'air. Elles permettent d'avoir des gouttelettes plus grosses qu'avec une buse classique et un meilleur dépôt sur la végétation. « Pour un type de buse donné, choisissez le calibre adapté en fonction du débit souhaité de manière à éviter les pressions trop fortes. Pour les buses à injection d'air ATR, par exemple, évitez de dépasser une pression supérieure à 12 bars », conseille Sébastien Codis, de l'IFV. Pour faire votre choix, « reportez-vous au tableau de prescription du fabricant de buses ou du constructeur de pulvérisateur. En jet projeté ou porté, la normalisation Iso des buses permet d'identifier leur débit par un calibre et une couleur, quelle que soit la marque, indique Jean-Baptiste Scheuer, formateur et animateur agroéquipement à la chambre d'agriculture de la Loire-Atlantique.

Pour les premiers traitements en jet projeté, vous pouvez utiliser des buses à fente à jet pinceau à injection d'air avec un angle de 60 à 90°. »

Le Point de vue de

JEAN-PIERRE FILLIOUX, VIGNERON À ÉRAVILLE (CHARENTE), CO-PRÉSIDENT DE LA SECTION VITICOLE DES GROUPEMENTS DE COGNAC ET ORGANISATEUR DU FORUM PULVÉ À JUILLAC-LE-COQ

« Une économie de produit significative avec les panneaux récupérateurs »

« J'ai assisté à plusieurs démonstrations de traitement avec des pulvérisateurs équipés de panneaux récupérateurs. Ces appareils permettent une économie de produit significative jusqu'à 40 %, notamment en début de saison. La qualité de pulvérisation est meilleure car il n'y a plus de dérive, sauf lorsque le sens du vent est parallèle aux rangs et qu'il passe sous les panneaux. Mais ce système trouve ses limites en pleine végétation, à cause de l'épaisseur du feuillage. Durant cette période, utiliser ce type d'appareil n'est pas impossible mais contraignant. On risque d'accrocher des rangs. Et il est difficile de manoeuvrer dans les tournières. Cela nécessite d'avoir un chauffeur qualifié, ce qui représente un coût d'utilisation qui s'ajoute à un prix d'achat important. Le débit de chantier est ralenti car on ne peut rouler qu'entre 3,5 et 5 km/h avec ce type d'appareil, mais l'augmentation des coûts de main-d'oeuvre est compensée par les économies de produits. »

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