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GUIDE PHYTOS - MALADIES

Mildiou Soyez sur vos gardes dès le départ

La vigne - n°201602 - février 2016 - page 12

Des attaques virulentes de mildiou se sont déclarées dans les vignobles en 2015 dès le début de campagne. Commencer les traitements à temps est donc essentiel.

Quelle prophylaxie adopter ?

Évitez la formation de mouillères et d'ornières, et favorisez l'enherbement. En effet, le mildiou se développe en présence d'eau libre au sol. Limitez aussi la vigueur de la vigne et faites en sorte de ne pas avoir de végétation près du sol, par des épamprages et des relevages précoces. Soyez vigilant quant à l'entretien du sol : « En avril, le passage des engins mécaniques et des tondeuses peut projeter des oeufs de mildiou mûrs sur le jeune feuillage », prévient Cédric Élia, conseiller viticole à la chambre d'agriculture de Gironde.

Les modèles sont-ils fiables ?

La question se pose après l'échec rencontré l'an dernier en Gironde par le modèle Potentiel Système de l'IFV, utilisé par la chambre d'agriculture. En mai, de fortes attaques de mildiou ont entraîné des dégâts importants et des pertes de récolte. Le modèle n'a pas prévu cette virulence. En début de saison, l'outil a indiqué un risque faible car il a mal évalué l'incidence des conditions météorologiques exceptionnelles. « Les températures excessives en avril, ponctuées par la pluie du 18 avril, ont vraisemblablement favorisé une maturation rapide des oeufs d'hiver du mildiou, un phénomène encore mal décrit par le modèle à ce jour », explique l'IFV de Bordeaux. Pour un meilleur suivi de l'épidémie, l'institut va augmenter le nombre de témoins non traités. Toutefois, « en vingt ans d'existence, il n'y a eu que deux années où le modèle s'est révélé peu fiable. Il a été conçu dans les années 1990, à une époque où le réchauffement climatique était moins pris en considération », tempère Cédric Élia. Dans d'autres vignobles, la modélisation semble bien fonctionner. « Les modèles sont validés par des témoins non traités et sont globalement fiables », constate Perrine Dubois, conseillère viticole à la chambre d'agriculture du Maine-et-Loire.

Quand ont lieu les premières contaminations ?

Lorsque quatre conditions sont réunies : des oeufs d'hiver mûrs, des vignes réceptives (au moins deux-trois feuilles étalées), une température d'au moins 11 °C et une pluviométrie importante. Partant de là, les oeufs d'hiver libèrent des spores qui vont infecter la vigne. Lisez le Bulletin de santé du végétal (BSV) pour connaître la date des premières contaminations, puis la date de sortie des premières taches, celles à partir desquelles le mildiou se propagera. Le BSV indique également le niveau de risque à ces moments-là.

« Si le risque est élevé, nous conseillons de positionner le premier traitement avant l'apparition des premières taches », indique Perrine Dubois. Si le risque est limité, « on peut économiser un traitement en attendant l'apparition des foyers primaires et en intervenant avant la pluie contaminatrice qui va provoquer le repiquage de ces foyers. Mais cette stratégie peut être dangereuse, notamment en période venteuse. Dans tous les cas, je conseille de travailler en préventif », explique Thierry Favier, responsable développement vigne à la CAPL (Coopérative agricole Provence-Languedoc). En Gironde, en viticulture raisonnée, le premier traitement est généralement effectué après la détection des premières taches.

Comment repérer les foyers primaires ?

Il faut rechercher les symptômes de « taches d'huile ». Ils peuvent cependant être confondus avec des décolorations du feuillage, dues à une phytotoxicité consécutive à un traitement herbicide, par exemple. En cas de doute, faites un test de sporulation. « Il faut mettre la feuille suspecte dans un sac en plastique avec un coton ou du papier absorbant imbibé d'eau. Après une nuit à 20 °C, l'apparition d'un feutrage blanc sous la face inférieure confirmera qu'il s'agit bien de mildiou », explique le BSV des pays de la Loire.

Avec quels produits démarrer ?

« Avec du cuivre, un produit systémique à base de fosétyl-Al (Mikal Flash, Valiant Flash) ou des spécialités contenant du mancozèbe, comme Roxam Combi (mancozèbe et zoxamide) ou Éperon Pépite (mancozèbe et métalaxyl) », suggère Johan Kouzmina, de la chambre d'agriculture de la Marne. En Gironde, Cédric Élia recommande du cuivre ou une spécialité à base de phosphonates en cas d'excoriose sur la parcelle. Dans le Maine-et-Loire, Perrine Dubois préconise aussi des systémiques. Frédéric Grimault, directeur marketing et développement de projets chez Philagro, conseille d'utiliser « l'amisulbrom (Leimay), une nouvelle molécule à associer avec 1 400 g/ha de métirame-zinc ». Dans le Beaujolais, David Ray, animateur vigne chez Ecovigne, conseille le métirame-zinc associé au LBG-01F34 : « Cela donne de bons résultats en début de saison. »

Comment gérer les renouvellements ?

En tenant compte des risques de pluies contaminatrices, du produit appliqué (résistance au lessivage, durée d'action) et des symptômes présents dans la parcelle. « En cas de forte pression et de pluies répétées, il faut resserrer les cadences de renouvellement de deux jours et être performant dans l'application du produit. Mais l'accès du pulvérisateur aux parcelles est parfois difficile en raison de l'état du sol », souligne Johan Kouzmina. Les produits les plus indiqués sont alors les pénétrants (cymoxanil, par exemple, à renouveler dans ce cas au bout de 6-8 jours) ou des produits systémiques.

Quels produits employer à la floraison ?

Des produits haut de gamme car, durant cette période, le mildiou peut se répandre rapidement sur les feuilles et provoquer d'importants dégâts sur les grappes, engendrant des pertes de récolte. Johan Kouzmina conseille des systémiques en encadrement de floraison : « Mildicut (disodium phosphonate et cyazofamid), Profiler (fluopicolide et fosétyl-Al), ou un pénétrant, Electris Pro (mancozèbe et zoxamide) ». Thierry Favier recommande aussi Mildicut, « qui donne de très bons résultats », ou Enervin (amétoctradine et métirame). En Gironde, Cédric Élia préconise, lui, d'utiliser Profiler, puis LBG-01F34 (phosphonate de potassium) associé à Aviso (cymoxanil et métirame).

Chez Philagro, Frédéric Grimault propose en encadrement de floraison « l'amisulbrom (Alkazar, Camaro), deux nouveaux produits, ou bien une association de mancozèbe et de fosétyl-Al (Rhodax Express), un produit également homologué contre le black-rot) ».

Comment rattraper une contamination ?

« Il est possible d'appliquer un CAA ou du cymoxanil, tant qu'il n'y a pas de symptômes », indique Cédric Élia. « On peut positionner du cymoxanil 24 heures après une pluie contaminatrice, mais je le déconseille », nuance Perrine Dubois. Thierry Favier est lui aussi prudent : « Il ne faut pas abuser du cymoxanil car cela accroît les risques de résistances. Il en est de même avec les CAA (diméthomorphe, iprovalicarbe, benthiavalicarbe, etc.). »

La note technique Maladies de la vigne 2015 prévient « qu'une dérive de la sensibilité du mildiou au cymoxanil existe depuis plusieurs années ». Elle demande de limiter l'emploi des CAA à un seul traitement, uniquement en préventif.

De son côté, Frédéric Grimault conseille Pajo (cymoxanil et zoxamide) : « La zoxamide n'est pas soumise à des résistances et le cymoxanil a un effet curatif. Ce produit peut s'utiliser seul ou avec du cuivre, LBG, fosétyl-Al, mancozèbe et folpel. »

Que faire en cas d'attaque déclarée ?

Les conseillers sont bien en peine de répondre. « Il n'existe pas de produit curatif capable de détruire le mycélium déjà développé, c'est pour cela que la protection préventive contre le mildiou est si cruciale », explique Perrine Dubois. En cas d'attaque déclarée, l'important est de préserver la végétation saine et donc d'utiliser des produits haut de gamme.

Dans la Marne, Johan Kouzmina recommande ainsi Mildicut, Profiler et Electris Pro. En Gironde, Cédric Élia préconise « un traitement avec un produit systémique à base de phosphonate, suivi une semaine après d'un cuivre (200 à 600 g/ha) puis d'un nouveau produit systémique ». Dans tous les cas, quel que soit le produit appliqué, resserrez les cadences et traitez en face par face.

Comment limiter les résistances ?

En respectant les restrictions d'usage. La note nationale Vigne 2015 rappelle que les QoI ne présentent plus d'intérêt dans la lutte contre le mildiou en raison d'une résistance généralisée. Elle indique aussi que des souches résistantes à l'amétoctradine et au cyazofamid ont été détectées dans plusieurs vignobles depuis 2010, avec une résistance croisée entre ces deux molécules de familles différentes (QoI-D et Qil). Elle recommande donc de ne pas dépasser trois applications par an avec l'une ou l'autre de ces substances, et pas plus de deux applications de la même matière active. Pour les anilides (bénalaxyl, kiralaxyl, méfénoxam + fongicide de contact), la note préconise de les limiter à un ou deux traitements par an, en préventif seulement.

Quand arrêter de traiter ?

Après la véraison. « Passé ce stade, les grappes ne sont plus sensibles au mildiou, mais le feuillage l'est encore, avec le risque d'apparition de mildiou mosaïque, explique Perrine Dubois. Nous conseillons, à l'approche de la véraison, un traitement à la bouillie bordelaise sur les deux-tiers supérieurs du feuillage. Cette application permet aussi de diminuer le nombre de cléistothèces d'oïdium. »

Johan Kouzmina préconise de pulvériser « 300 à 400 g/ha de cuivre ou un produit pénétrant en cas de pluies importantes ». Cédric Élia conseille le cuivre ou, si du mauvais temps est annoncé, un produit systémique. Pour Thierry Favier, « le cuivre est la meilleure molécule pour le dernier traitement durant la première décade d'août ». Si la vigne est en retard, il peut être nécessaire de renouveler ce traitement, en respectant le DAR.

Vu en 2015 Des attaques fulgurantes sur inflorescences

RAFLE déformée en crosse dans le Bordelais... © P. ROY

RAFLE déformée en crosse dans le Bordelais... © P. ROY

INFLORESCENCE brunies dans l'Hérault. © P. PARROT

INFLORESCENCE brunies dans l'Hérault. © P. PARROT

RAFLE desséchée en Alsace. © M. FAGGIANO

RAFLE desséchée en Alsace. © M. FAGGIANO

Elles résultent de contaminations précoces. Les jeunes grappes se déforment en crosse. Lorsqu'elles sont complètement atteintes, elles brunissent, se dessèchent et tombent. Les pertes de récolte peuvent alors être importantes. Elles ont été observées l'an passé dans le Bordelais, dans l'Hérault et en Alsace.

Vu en 2015 Symptômes sur rameaux

RAMEAUX atteints dans le Bordelais. © P. ROY

RAMEAUX atteints dans le Bordelais. © P. ROY

La zone atteinte est souvent située de part et d'autre d'un noeud et présente une couleur brune. La présence de tels dégâts témoigne d'une forte attaque, comme ce fut le cas à Bordeaux.

QUOI DE NEUF ? L'ARRIVÉE DE L'AMISULBROM

- Une nouvelle molécule a fait son apparition sur le marché des antimildious : l'amisulbrom, commercialisée par Philagro. Elle apporte, selon la firme, « une haute efficacité sur les grappes et une bonne résistance au lessivage ». L'amisulbrom entre dans la composition de trois produits : Alkazar (où elle est associée au mancozèbe, avec une homologation sur le black-rot), Camaro (où elle est alliée au folpel) et Leimay (où elle est employée seule). Philagro recommande d'utiliser Leimay avec du cuivre ou du métirame-zinc.

- BASF a sorti un nouveau produit à base d'amétoctradine : Resplend, qui associe cette molécule au diméthomorphe (DMM). Son mode d'action original, désormais connu, la classe dans la famille des QoI-D. « L'amétoctradine et le DMM assurent une vraie barrière contre le mildiou et permettent une protection préventive pour une durée de 14 jours, avec seulement 1 litre/ha », indique BASF. Avec Enervin, l'entreprise proposait déjà l'amétoctradine associée à du métirame-zinc.

- Sur le segment des phosphites (disodium phosphonate), Syngenta a mis sur le marché Redeli. Ce produit est non classé aux niveaux toxicologique et écotoxicologique. Il est à appliquer en association avec un autre fongicide, notamment cuprique.

- Adama (ex-Makhteshim-Agan) lance une nouvelle gamme à base de folpel : Momentum F (folpel et fosétyl-Al, avec une nouvelle formulation granulée), Momentum Trio (folpel, cymoxanil et fosétyl-Al) et Calgary (folpel et dimétomorphe).

QUOI DE NEUF ? LE GOÛT DE MILDIOU IDENTIFIÉ

- Les baies atteintes de rot brun donnent aux vins rouges des notes de pêche cuite, lierre, poivron et géranium. Sur les merlots, cet impact est perceptible en bouche dès 5 % de grappes attaquées dans la vendange. Au-delà de 10 %, la qualité des vins est dépréciée selon des travaux réalisé par la chambre d'agriculture de Gironde.

- Début 2015, l'ISVV de Bordeaux révélé l'identité de la molécule responsable des notes de fruits cuits : la gamma-nonalactone. Elle se forme durant la fermentation alcoolique. Alexandre Pons, chercheur, a découvert que la teneur en gamma-nonalactone dans les vins augmente avec le taux de baies atteintes par le mildiou. Sur le merlot, elle est détectable au niveau analytique dès 2 % de baies touchées et se perçoit à la dégustation dès 5 %. Sur le cabernet-sauvignon, en revanche, ce n'est qu'à partir de 20 % de baies atteintes que l'effet devient perceptible. D'autres molécules seraient également impliquées dans les défauts provoqués par le mildiou. Il s'agit de l'IBMP et de la (Z)-1,5-octadien-3-one, responsable des notes de lierre et de géranium.

ET EN BIO ? DU CUIVRE BIEN POSITIONNÉ

Vignes traitées au cuivre. © CRAPON/GFA

Vignes traitées au cuivre. © CRAPON/GFA

En bio, l'important est d'être bien couvert avant chaque pluie, en pratiquant plusieurs passages avec du cuivre à doses limitées. Le Prev-Am est aussi un allié.

- En bio, le positionnement du premier traitement est crucial. Pour fixer la date d'intervention, Agnès Boisson, conseillère viticole au Sedarb (Service d'écodéveloppement agrobiologique et rural de Bourgogne), recommande de prendre en compte le stade de la vigne. « Si au moment de la maturité des oeufs d'hiver les vignes sont au stade pointe verte, on peut laisser passer la première pluie potentiellement contaminatrice. Dix jours après, si des précipitations sont annoncées lors de la sortie théorique des taches, le premier traitement doit être fait. » La technicienne conseille de démarrer « avec au moins 300 g/ha de cuivre métal, puis de monter jusqu'à 600 g/ha, pas plus en encadrement de floraison. Le plus important est d'être couvert avant chaque pluie, si besoin en faisant plusieurs passages à doses limitées ».

- En cas de pluies répétées, de forte pression et de pousse rapide, Agnès Boisson recommande d'intervenir toutes les semaines. « Le dernier traitement est à pratiquer durant la première décade d'août, poursuit la conseillère. Pour ce dernier passage, nous conseillons d'appliquer un mélange comprenant 2/3 de sulfate de cuivre ou d'hydroxyde, et 1/3 d'oxyde de cuivre, plus résistant au lessivage, à une dose de 400 à 600 g/ha. »

Dans le Midi, Nicolas Constant, de SudVinbio, préconise de débuter la protection « avec 600 à 800 g/ha de cuivre et de réaliser l'application, si possible, avec des panneaux récupérateurs ou des jets projetés ». Selon lui, pour positionner le premier traitement, deux choix s'offrent au viticulteur. « S'il est très réactif et que le risque est modéré, il peut attendre la sortie des premières taches. Si le risque est moyen ou fort, il peut ouvrir le parapluie plus tôt en associant du cuivre (200-300 g/ha) à son premier anti-oïdium. » Après la nouaison, Nicolas Constant recommande de baisser la dose de cuivre « à 200-400 g/ha, selon la vigueur, et si la pression le permet », et de réaliser un dernier traitement fin juillet.

- Les viticulteurs bio peuvent également utiliser le Prev-Am (huile essentielle d'orange douce) en association avec du cuivre à dose réduite. « Il donne de bons résultats en début de saison ou sur le mildiou sporulant », constate Bernard Taïx, directeur technique des Établissements Magne, dans l'Hérault. En Bourgogne, Agnès Boisson le recommande « en cas de forte pression et sur mildiou déclaré ».

- Certains vignerons bio appliquent aussi des décoctions d'ortie et de prêle. Est-ce efficace ? « Nous avons expérimenté des tisanes de ces plantes en association avec du cuivre à chaque traitement, commente Agnès Boisson. Nous avons observé une efficacité légèrement supérieure au cuivre seul, mais pas significative. »

- D'autres alternatives au cuivre sont-elles possibles ? L'IFV et l'Itab ont testé des huiles essentielles, mais les résultats n'ont pas été probants. L'université de Tours, la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire et le Groupe de recherche en agriculture bio (Grab) étudient, quant à eux, l'intérêt de très faibles doses de sucre. En 2013, les essais ont montré une amélioration de l'efficacité de l'hydroxyde de cuivre à 150 g/ha avec du fructose (100 mg/l de bouillie ou ppm). Lors d'un autre essai, en 2014, à Madiran, les vignes traitées avec du fructose (100 ppm) allié à du cuivre (150 à 350 g/ha) ont montré moins de symptômes de mildiou, en particulier sur feuilles.

- Les recherches se poursuivent. L'enjeu est de taille car les produits cupriques vont faire l'objet en France d'une réévaluation, qui pourrait conduire à la révision des doses autorisées. Actuellement, les applications de cuivre sont limitées à 6 kg par ha et par an, en moyenne sur cinq ans. Or, il est question d'abaisser ce seuil à 4 kg par ha et par an.

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