Retour

imprimer l'article Imprimer

GUIDE PHYTOS - MALADIES

Oïdium Ne lâchez rien

La vigne - n°201602 - février 2016 - page 24

En 2015, l'oïdium a de nouveau posé des problèmes dans de nombreuses régions. La lutte contre ce parasite nécessite une vigilance rigoureuse, notamment en début de saison et à la floraison.
SYMPTÔMES D'OÏDIUM SUR SAUVIGNON. Dans plusieurs vignobles, cette maladie est devenue le principal souci des vignerons. © C. WATIER

SYMPTÔMES D'OÏDIUM SUR SAUVIGNON. Dans plusieurs vignobles, cette maladie est devenue le principal souci des vignerons. © C. WATIER

ATTAQUES SUR FEUILLES. Après une contamination, les taches n'apparaissent que deux semaines plus tard. © C. WATIER

ATTAQUES SUR FEUILLES. Après une contamination, les taches n'apparaissent que deux semaines plus tard. © C. WATIER

La maladie est-elle plus virulente ?

Oui, en particulier dans les vignobles septentrionaux. « Les attaques d'oïdium sont aujourd'hui plus régulières et plus problématiques en Bourgogne, en Champagne et en Alsace, alors qu'elles y étaient rares », note Bernard Molot, responsable du pôle Rhône-Méditerranée à l'IFV. Conseiller viticole à la chambre d'agriculture de l'Yonne, Guillaume Morvan confirme : « Depuis 2003, ce parasite est le principal souci des vignerons, devant le mildiou. En 2015, la pression a été très élevée, avec beaucoup de symptômes sur feuilles avant la floraison. »En Alsace, l'oïdium est également plus féroce. « Cela fait trois à quatre ans que la pression est importante, y compris en 2014 alors que le temps était très sec et ensoleillé », commente Jérôme Attard, conseiller viticole à la chambre d'agriculture. En Gironde, Stéphane Giry-Laterrière, référent technique pour la vigne au sein du groupe coopératif Maïsadour, constate, lui aussi, une présence plus régulière d'oïdium là où la maladie n'apparaissait que ponctuellement. « Est-ce lié à une évolution du champignon ou aux pratiques des viticulteurs, qui travaillent désormais avec des doses de produits réduites ainsi que des volumes d'eau plus limités ? », s'interroge-t-il.

Les modèles de prévision sont-ils fiables ?

« Non, répond Bernard Molot. Ils ne sont pas assez précis et ne permettent pas de gérer la protection à la parcelle. Mais ils donnent une idée du profil de risque de l'année. » L'IFV et les chambres d'agriculture ont ainsi recours au modèle Potentiel Système pour l'oïdium, le mildiou et le black-rot.

En Bourgogne, les techniciens utilisent le modèle SOV (Système oïdium vigne) qui établit, en début de campagne, un niveau de risque global pour l'année. « Il ne s'est jamais trompé, indique Guillaume Morvan. En 2015, dès le début de la saison, il a annoncé une forte pression avec un indice de 99 sur 100. Cela s'est confirmé. »

La société Bayer a, de son côté, lancé Movida, un modèle de prévision des risques d'oïdium et de mildiou indiquant quand renouveler les traitements. De même, Promété a lancé Agroclim.

Ces deux modèles ont été plutôt bien accueillis sur le terrain, même si leurs utilisateurs reconnaissent que l'oïdium est plus imprévisible que le mildiou.

Quelle prophylaxie adopter ?

« Le feuillage de la vigne doit être aéré et exposé à la lumière, notamment par un palissage adapté et par l'effeuillage », indique Bernard Molot. En effet, Erysiphe necator, le champignon responsable de l'oïdium, est sensible aux UV.

Faut-il démarrer les traitements plus tôt ?

Oui, selon Stéphane Giry-Laterrière. « Il est risqué de commencer la protection en même temps que celle contre le mildiou. Nous préconisons d'intervenir dès le stade 3 à 5 feuilles étalées - en particulier dans les parcelles à historique d'oïdium ou touchées l'année précédente - avec du soufre à 3 ou 4 kg/ha, en un ou deux passages. » La vigne peut être contaminée dès les premières feuilles étalées. Or, il est très difficile de détecter les symptômes primaires de la maladie, qui peut être présente bien avant le démarrage de la lutte.

« Agnès Calonnec, de l'Inra, a démontré qu'il fallait traiter le plus tôt possible », confirme Bernard Molot. L'expert recommande donc de débuter la protection dès deux à quatre feuilles étalées dans les parcelles présentant plus d'un drapeau par souche. L'oïdium en « drapeau » traduit la présence importante du mycélium sur de jeunes rameaux.

« Dans les parcelles sans drapeaux mais touchées les années précédentes et sur les secteurs moins sensibles, il faut traiter dès 4 à 6 feuilles étalées », ajoute-t-il.

En Bourgogne, on ne partage pas cette stratégie. « Ce n'est pas utile dans notre région, note Guillaume Morvan. Nous conseillons de traiter dès 7 à 8 feuilles étalées avec du soufre à la dose de 4 ou 5 kg/ha, ou plus tard à 9 ou 10 feuilles, pour les parcelles sensibles et 10 à 11 feuilles pour les autres, avec Prosper/Hoggar (spiroxamine), un produit curatif. »

Comment gérer les renouvellements ?

Prenez en compte le délai de rémanence du produit appliqué, la présence ou non de symptômes dans vos vignes et le risque parasitaire. « En cas de forte pression, d'humidité et de pousse rapide de la vigne, il faut resserrer les cadences, et avoir une très bonne qualité de pulvérisation sur les feuilles et les grappes », insiste Stéphane Giry-Laterrière. « Pour bien des vignerons, c'est la lutte antimildiou qui commande le renouvellement des traitements. Mais si le risque mildiou diminue, ils relâchent trop les cadences. L'oïdium contamine alors la vigne mais les taches n'apparaissent que deux semaines après. Il est alors trop tard pour réagir. La lutte anti-oïdium doit être dissociée de celle contre le mildiou », prévient Bernard Molot.

Quels produits utiliser à la floraison ?

Du début de la floraison jusqu'à la nouaison, la vigne est très sensible à l'oïdium. Roger Ferret, responsable marketing et communication chez Sapec Agro, préconise donc, juste avant cette période, de « positionner en préventif un IDM - du penconazole (Douro) - qui assurera une protection fiable pendant 14 jours ». En Gironde, Stéphane Giry-Laterrière conseille « Luna Sensation (association de fluopyram et de trifloxystrobine), qui donne de très bons résultats. Nativo (trifloxystrobine et tébuconazole) est aussi très performant ».

« En 2015 nous avons préconisé, en cas de symptômes importants sur les feuilles, de renforcer la protection à la floraison avec un traitement au soufre mouillable à 5 kg entre deux applications de produits de synthèse, explique Guillaume Morvan. En l'absence de symptômes, le Talendo/Késys (proquinazid) est intéressant en début de floraison. » En Alsace, Jérôme Attard recommande de la spiroxamine, suivie, après la fleur, de Talendo, dont la durée d'action peut aller jusqu'à 21 jours. Bernard Molot préconise Luna Sensation, « qui offre une durée de protection de 21 jours, y compris en situation de forte pression oïdium, moyennant plusieurs conditions : absence de black-rot car ce produit ne tient pas 21 jours contre cette maladie, absence de résistance aux SDHI, et une pulvérisation pneumatique face par face à une vitesse d'avancement de moins de 5 km/h. On peut ainsi économiser un point d'IFT dans le cas de deux traitements à 21 jours ».

Quand faut-il faire des poudrages ?

« En encadrement de la floraison, ou entre deux traitements de synthèse lorsque la pression est très forte », indique Roger Ferret. « Sur les parcelles à problèmes ou à historique, un poudrage est très efficace à la floraison. Certains vignerons en font un deuxième au stade petits pois », constate StéphaneGiry-Laterrière. Pour Bernard Molot, le soufre en poudre « se justifie du début de la floraison jusqu'à la fermeture de la grappe, si l'on n'assure pas une pulvérisation optimale. Le poudrage au soufre est la seule méthode d'application où l'on peut traiter autrement qu'en face par face et à plus de 5 km/h, en l'absence de vent ».

Que faire en cas d'attaque déclarée ?

Positionner du soufre en poudre ou de la spiroxamine, selon Bernard Molot. « Grâce à son effet vapeur, le soufre en poudre a une action stoppante et permet un bon recouvrement des feuilles et des grappes », détaille Roger Ferret. Selon Guillaume Morvan, « le soufre mouillable ou Prosper (spiroxamine) donnent de bons résultats en rattrapage si moins de 10 % des grappes sont touchées ».

Mais pour Stéphane Giry-Laterrière, « la spiroxamine n'est pas suffisante en cas d'oïdium déclaré sur grappes, tout comme le Karathane (meptyldinocap) dans sa nouvelle formulation. En curatif, je conseille de l'Armicarb associé à 2 ou 3 kg/ha de soufre plutôt que d'autres produits ».

Comment limiter les résistances ?

En respectant les restrictions d'utillisation. Les IDM, les QoI et les AZN (proquinazid et quinoxyfène) sont concernés par la résistance. Pour préserver leur efficacité, il est indispensable d'alterner les familles et les modes d'action. La note nationale Vigne 2015 recommande de ne pas appliquer les IDM plus de deux fois (trois en cas de black-rot) et de façon non consécutive. Les QoI solo sont déconseillés contre l'oïdium, sauf en cas de black-rot après fermeture de la grappe.

Les spécialités à base de proquinazid, de quinoxyfène, de boscalid, de fluopyram (SDHI), de métrafénone, de pyriofénone ou de cyflufenamid sont limitées à deux applications.

Quand arrêter la protection ?

À la fermeture de la grappe si l'état sanitaire est bon. « Il faut observer les grappes avant qu'elles ne se ferment, afin de voir si l'oïdium est présent à l'intérieur ou pas », conseille Guillaume Morvan.

Le dernier traitement est à réaliser 10 jours après la fermeture, avec du soufre mouillable entre 8 et 12 kg selon le niveau d'attaque. Jérôme Attard « préconise d'aller faire le point à fermeture dans les parcelles sensibles. À ce stade, l'oïdium peut encore repartir s'il y a eu une faille dans la protection trois semaines avant. En cas de symptômes, on doit maintenir la protection jusqu'à la véraison avec du soufre. »

Par quel produit finir ?

Par du soufre mouillable ou en poudre conseille Roger Ferret. Stéphane Giry-Laterrière recommande lui aussi le soufre, puis « un traitement à la bouillie bordelaise RSR à 2 kg/ha, sur la moitié supérieure du feuillage vers le 15 ou 20 août, contre le mildiou mosaïque et les cléistothèces », les organes de conservation hivernale de l'oïdium.

Pour Bernard Molot, trois produits peuvent être appliqués si 10 à 30 % des grappes sont oïdiées à la fermeture de la grappe : « du soufre en poudre ou, en présence d'un risque de black-rot, un IDM ou Luna Sensation (fluopyram et trifloxystrobine), à la fois actif contre l'oïdium et le black-rot ». L'expert de l'IFV conseille ensuite un traitement cuprique à la véraison.

QUOI DE NEUF ? L'ARRIVÉE DE LA PYRIOFÉNONE

- Une matière active jusqu'ici inédite en vigne a fait son apparition sur le marché des anti-oïdium : la pyriofénone. Développée au Japon par ISK Biosciences et unique représentante de la famille des benzoylpyridines, elle rentre dans la composition de Kusabi, commercialisé par Belchim Crop Protection. Kusabi assure, selon la firme, une activité translaminaire rapide, complétée par un « effet vapeur ». Il possède un effet préventif et curatif. Sa persistance est de 14 jours.

- DuPont a lancé Talendo Extra à base de proquinazid et de tétraconazole, deux molécules déjà utilisées en viticulture mais jusqu'ici jamais associées dans une spécialité anti-oïdium. Le proquinazid solo est, lui, toujours proposé par DuPont dans Talendo, Talius et Késys.

- Certis commercialise un nouveau soufre, le Cosavet DF. De formulation WG (granulés dispersibles), il permet, selon l'entreprise, plus d'efficacité et de confort d'utilisation.

- Sapec Agro attend l'homologation d'une nouvelle association inédite, penconazole et krésoxim méthyl, qui permettra une lutte conjointe contre l'oïdium et le black-rot.

- Koppert développe une substance à base d'huile de paraffine et précise que « les essais mis en place en vigne contre l'oïdium sont très positifs et prometteurs ».

GILLES FÈVRE, VIGNERON SUR 42 HECTARES, À FONTENAY-PRÈS-CHABLIS (YONNE) « 15 % de mes parcelles ont subi des attaques »

GILLES FÈVRE, VIGNERON SUR 42 HECTARES, À FONTENAY-PRÈS-CHABLIS (YONNE)

GILLES FÈVRE, VIGNERON SUR 42 HECTARES, À FONTENAY-PRÈS-CHABLIS (YONNE)

« L'année dernière, j'ai effectué mon premier traitement contre l'oïdium en même temps que celui contre le mildiou, dès six à sept feuilles étalées. Dans les parcelles à historique, j'ai appliqué de la spiroxamine à 40 % de dose, comme le préconisait la chambre d'agriculture au vu de la végétation. Dans les autres, j'ai appliqué du soufre mouillable, à la dose de 6 kg/ha environ. Puis, j'ai maintenu une protection constante. Mi-juin, comme la pression était forte, j'ai intercalé un traitement au soufre à 5 kg/ha, dirigé sur les grappes, entre deux traitements. Cela n'a pas suffi, quelques parcelles à historique ont été contaminées. J'ai alors appliqué en plein de l'Inox (meptyldinocap) puis, 4 jours après, du soufre à 5 kg/ha en localisé. Une semaine plus tard, je suis repassé à l'Inox en plein. Au final, sur 42 hectares, 15 % de mes vignes présentaient des attaques d'oïdium sur les feuilles et sur les grappes. Le décrochage de la protection sur certaines parcelles pourrait s'expliquer par l'apparition de souches résistantes due à l'utilisation trop récurrente du même IBS, le Systhane (myclobutanil). Dans mes vignes conduites en bio, qui ont reçu uniquement du soufre, j'ai eu nettement moins de symptômes. En 2016, je pense donc commencer avec deux ou trois applications de soufre dont une avant le premier traitement classique contre le mildiou et l'oïdium. »

ET EN BIO ? LE SOUFRE EST INCONTOURNABLE

LA PULVÉRISATION DE SOUFRE EN POUDRE doit être suivie d'un temps sec pendant au moins deux jours. © M. CAILLON

LA PULVÉRISATION DE SOUFRE EN POUDRE doit être suivie d'un temps sec pendant au moins deux jours. © M. CAILLON

- Le soufre est l'élément clé, et souvent le seul, de la protection anti-oïdium des vignerons bio. En début de saison, ceux-ci appliquent du soufre mouillable à dose variable selon les parcelles. « Nous préconisons de réaliser le premier traitement avec 7 à 8 kg/ha de soufre mouillable au stade 7 à 8 feuilles étalées. Sur les secteurs sensibles à l'oïdium, on peut intervenir plus tôt, dès 3 à 4 feuilles étalées, avec 10 kg de soufre mouillable », indique Agnès Boisson, du Sedarb, en Bourgogne. Elle conseille ensuite d'augmenter la dose à « 10 à 12 kg de soufre à la floraison, selon la sensibilité de la parcelle ».

- Dans le Midi, Nicolas Constant de Sudvinbio recommande de démarrer la protection « à 10-12 feuilles étalées avec 3 à 5 kg de soufre mouillable, ou à 3-4 feuilles étalées dans les parcelles sévèrement attaquées les années précédentes ». De la préfloraison à la fermeture de la grappe, l'ingénieur conseille de passer à 6 kg/ha de soufre mouillable, « et jusqu'à 8 à 10 kg/ha dans les parcelles sensibles, si la pression est forte ».

- Ces applications de soufre mouillable sont à renouveler tous les 10 à 12 jours, selon la pression, et après un cumul de pluie de 20 mm.

- En complément du soufre mouillable, Agnès Boisson conseille le soufre en poudre (dose homologuée : 25 kg/ha), « notamment pour faciliter la chute des capuchons floraux en cas d'humidité. Mais, pour être efficace, le poudrage doit être suivi d'un temps sec pendant au moins deux jours ». Nicolas Constant, lui, est réservé sur l'intérêt du soufre en poudre : « Les essais n'ont pas mis en évidence une efficacité supplémentaire par rapport au soufre mouillable. Les vignerons peuvent maîtriser l'oïdium uniquement avec ce dernier, à condition de l'appliquer à des cadences régulières. »

- Outre le soufre, les viticulteurs bio peuvent aussi utiliser Prev-Am et Armicarb. « Je conseille Prev-Am (huile d'écorce d'orange) seul aux premières feuilles étalées, en cas d'oïdium à drapeaux, avec une bonne qualité de pulvérisation, explique Nicolas Constant, de Sudvinbio. Après le stade boutons floraux séparés, les vignerons qui souhaitent réduire leurs doses de soufre peuvent appliquer ce produit avec 4 kg ou 6 kg de soufre mouillable. Mais dans ce cas, l'efficacité est légèrement inférieure à celle du soufre employé à pleine dose (12,5 kg/ha). »

Bernard Molot, de l'IFV Rhône-Méditerranée, recommande de « réserver Prev-Am et Armicarb aux situations de pression faible à moyenne, en préventif, en début de saison ». En Bourgogne, Guillaume Morvan conseille Armicarb à la floraison : « À 3 kg/ha associé à 2 kg/ha de soufre mouillable, l'Armicarb donne de bons résultats à ce stade, en deux traitements. » Pour Jérôme Attard, de la chambre d'agriculture d'Alsace, « en conventionnel comme en bio, le Prev-Am est intéressant en curatif sur oïdium déclaré, associé à 6 kg/ha de soufre mouillable ».

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :