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GUIDE PHYTOS - MALADIES

Black-rot Une montée en puissance

La vigne - n°201602 - février 2016 - page 32

Le black-rot a fait des dégâts en 2015, en particulier dans le Bordelais et dans le Gard. La lutte contre la maladie passe par une protection précoce et une prophylaxie rigoureuse.

Le black-rot est-il en recrudescence ?

Oui. L'an passé, le black-rot a frappé tôt. En Gironde, « les premières contaminations ont eu lieu vers le 19 avril. Elles ont été plus virulentes sur les parcelles déjà touchées en 2014, année où la maladie était montée fortement en puissance dans la région », explique Carine Delacroix, conseillère viticole à l'Union régionale agricole de Branne-Libourne-Targon. Idem dans le département du Gard. La maladie a éclaté dès avril dans le Sommiérois. « Elle s'est ensuite développée partout, même sur le littoral, ce qui est inhabituel. En juin, les dégâts avaient déjà touché la future vendange », se souvient Cyril Cassarini, conseiller viticole à la chambre d'agriculture du Gard.

Pourquoi une telle virulence en 2015 ?

Le parasite s'est développé sur un inoculum déjà présent, activé par des conditions climatiques favorables : des températures douces et beaucoup d'humidité. Le black-rot a aussi profité de failles dans la protection des vignes. « En 2015, les contaminations de mildiou ont été tardives. Elles ont eu lieu après celles du black-rot. Les viticulteurs n'ont donc pas appliqué en tout début de saison les produits à base de diméthomorphe (DMM) ou de métirame, efficaces aussi contre le black-rot », commente Philippe Raucoules, responsable agronomique vigne chez BASF.

Faut-il démarrer les traitements plus tôt dans les parcelles sensibles ?

Oui. Là où le black-rot a été actif en 2015, il faut démarrer la protection tôt, avant l'arrivée du mildiou et de l'oïdium. En effet, si les périthèces (organes de conservation du champignon) sont mûrs et les conditions météorologiques favorables, la vigne peut être contaminée dès l'éclatement des bourgeons. Pour cette raison, Cyril Cassarini, dans le Gard, recommande d'intervenir fin avril dès que ce stade est atteint « juste avant ou juste après une pluie, avec un IDM associé à du mancozèbe pour une protection robuste ». Jean-Paul Raoux, technicien chez Charrière Distribution, basé dans le Gard, recommande lui aussi d'intervenir tôt. « La maladie a surpris tout le monde l'an passé. En 2016, il faudra traiter dès le stade trois feuilles étalées ».

En Gironde, si les conditions climatiques sont favorables, Carine Delacroix préconise également sur les parcelles touchées en 2015 un « traitement préventif, dès les premières feuilles étalées, avec du métirame ou un mélange de cuivre et de soufre ». Philippe Raucoules est du même avis et conseille lui aussi du métirame (Polyram) solo ou associé à du cymoxanil (Aviso DF), à renouveler dans les 10 jours si des pluies sont annoncées.

La note nationale sur le black-rot 2016(1) ne dit pas autre chose. Dans les parcelles sensibles, elle préconise d'appliquer, du débourrement à la floraison, un dithiocarbamate (mancozèbe, métirame, manèbe), « indépendamment des risques de mildiou et d'oïdium ». Toutefois, elle précise qu'aux doses actuellement autorisées, la durée de protection de ces produits « n'excède pas dix jours hors lessivage » et qu'il est probable que 10 à 15 mm de pluie suffisent à les lessiver. Il faut prendre en compte qu'un délai de 14 jours est obligatoire entre deux applications de Polyram DF (métirame solo). Si vous devez renouveler l'application au bout de dix jours, faites-le avec une autre spécialité commerciale.

Et dans les parcelles moins sensibles ?

Une protection antimildiou et anti-oïdium avec des produits homologués contre le black-rot suffit généralement à contenir le danger dans les parcelles non vulnérables et en l'absence de risque élevé.

À quel stade la vigne est-elle la plus vulnérable ?

De la chute des capuchons floraux à la nouaison, selon Carine Delacroix. « Ce sont des périodes clés durant lesquelles la protection doit être maximale. » Christophe Duvnjak, directeur de la coopérative d'agrofournitures SNB, à Saint-Nicolas-de-Bourgueil (Indre-et-Loire), recommande la plus grande prudence du stade grappes séparées jusqu'à la fermeture de la grappe.

Quels produits sont les plus efficaces ?

Les IDM et les QoI assurent une protection robuste. Résistants au lessivage, ils offrent 14 jours de protection. Selon les experts, mieux vaut les réserver pour la période pendant laquelle la vigne est la plus sensible (floraison-fermeture de la grappe). « Les strobilurines (QoI) sont très efficaces contre le black-rot. Mais, au vu des résistances de l'oïdium à ces produits, une seule application contre le black-rot est recommandée de la fermeture à la véraison. Le krésoxim méthyl (Stroby DF) est à utiliser en prévention, tandis que la pyraclostrobine (gamme Cabrio) agit en curatif durant la phase d'incubation de la maladie. Attention toutefois, aucun produit n'est efficace une fois la maladie installée », détaille Philippe Raucoules. Les IDM sont, eux, limités à trois applications. Et la note nationale précise de privilégier les produits associés à des matières actives appartenant à d'autres familles chimiques. Les dithiocarbamates sont également très efficaces contre le black-rot.

Quand faut-il arrêter les traitements ?

« Il ne faut rien lâcher avant la véraison complète », insiste Cyril Cassarini, qui conseille pour le dernier traitement du mancozèbe ou un IDM si c'est encore possible, en veillant au délai avant récolte. ChristopheDuvnjak préconise de son côté d'arrêter la protection « à la fermeture de la grappe si aucun symptôme n'est présent. Dans le cas contraire, il conseille de poursuivre la protection jusqu'à la véraison en utilisant du mancozèbe, du DMM, du métirame ou un IDM (Score). »

Comment réduire l'inoculum en fin de saison ?

« En 2015, des rafles contaminées en 2014 et laissées dans les parcelles ont contribué à générer d'énormes foyers de black-rot. Les sarments atteints doivent être brûlés. Les rafles, les baies momifiées et même, dans l'idéal, les vrilles sont à enlever, y compris dans les parcelles qui ont eu seulement quelques symptômes », insiste Carine Delacroix. Philippe Raucoules appelle à être particulièrement vigilant dans les parcelles taillées mécaniquement : « Des sarments et des baies momifiées restent en place après le passage de la machine. Il faut les enlever. »

(1) Note rédigée par l'IFV et sept chambres d'agriculture (17, 26, 30, 33, 44, 69, 84).

ET EN BIO ? L'ASSOCIATION CUIVRE ET SOUFRE DOIT ÊTRE APPLIQUEÉ TRÈS TÔT

- Aucun produit n'est homologué en AB contre le black-rot. Les viticulteurs bio sont démunis. Et, l'an passé, dans le Gard et le Vaucluse, certains d'entre eux ont subi de lourdes pertes de récolte du fait de la forte pression de la maladie. Toutefois, plusieurs expérimentations tendent à montrer que l'association du cuivre et du soufre a un effet. Pour 2016, Nicolas Constant, ingénieur-conseil à SudVinbio, préconise ainsi de débuter les traitements cuivre-soufre (au moins 400 g de cuivre et 8 kg de soufre) très tôt, dans les parcelles touchées en 2015, soit « dès le stade deux ou trois feuilles étalées, si un épisode contaminant est annoncé : pluie (même minime) et température supérieure à 9 °C ». En Bourgogne, Agnès Boisson, conseillère viticole au Sedarb, indique qu'il ne faut pas hésiter à démarrer les traitements dans les parcelles fortement touchées l'année précédente dès lors que la maturité des périthèces (les ponctuations noires où hiberne le champignon du black-rot Guignardia bidwellii) est acquise. Et ce, même si la protection contre le mildiou n'a pas encore démarré.

Vu en 2015 Des symptômes en coups de fusil

Feuilles tachées en coups de fusil dans le Libournais. © CA GIRONDE

Feuilles tachées en coups de fusil dans le Libournais. © CA GIRONDE

Les premiers symptômes de black-rot apparaissent souvent sur les feuilles au mois de mai. Les taches peuvent survenir en grand nombre et sur une seule partie du feuillage. Ce sont des symptômes en « coups de fusil », comme sur cette vigne photographiée en mai 2015 dans le Libournais. Ils sont le signe d'une sévère attaque.

Vu en 2015 Des attaques sur les rafles

Des rafles atteintes à Faugères, dans l'Hérault, en juin 2015. © P. PARROT

Des rafles atteintes à Faugères, dans l'Hérault, en juin 2015. © P. PARROT

Le black-rot peut aussi toucher les rafles, comme en témoigne cette photo prise le 1er juin 2015, à Faugères, dans l'Hérault. Dans ce département, ainsi que dans le Gard, les viticulteurs ont dû faire face à une très forte pression de la maladie. Sur cette rafle contaminée, on aperçoit bien le liseré noir qui entoure les tissus nécrosés. C'est un des symptômes typiques du black-rot.

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