Retour

imprimer l'article Imprimer

GUIDE PHYTOS - MALADIES

Botrytis Avant tout la prévention

La vigne - n°201602 - février 2016 - page 34

La pourriture grise a été plutôt discrète en 2015. Lorsque le risque est faible, la prophylaxie suffit à la contrôler.
LA POURRITURE GRISE se développe plus facilement sur les grappes compactes. © P. ROY

LA POURRITURE GRISE se développe plus facilement sur les grappes compactes. © P. ROY

Comment prévenir la maladie ?

D'abord en limitant la vigueur de la vigne, par l'enherbement, le raisonnement de la fertilisation et de la taille. « Celle-ci doit permettre une aération des grappes en favorisant leur bonne répartition sur le plan de palissage », indique Adeline Mallet, conseillère viticole à la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire. Dans le même but, soignez les travaux en vert : ébourgeonnage, rognages et éclaircissage.

Dans tous les cas, effeuillez. « L'opération doit être réalisée assez tôt, au stade grain de pois ou même après la nouaison », explique Éric Capredon, expert technique vigne chez Euralis. Jean-Luc Dedieu, de Bayer, conseille d'intervenir « entre la nouaison et la fermeture de la grappe uniquement sur la face soleil levant pour éviter les risques d'échaudage ». Souvent avec cette pratique, « pas mal de vignerons parviennent à maîtriser la maladie, sans aucun traitement », constate Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or. Veillez cependant à limiter les blessures des baies lors de l'effeuillage.

Comment bien évaluer le risque ?

Les vignes les plus sensibles à la maladie sont celles qui sont vigoureuses, situées à proximité d'une zone humide, ou qui présentent des baies blessées. Celles plantées avec des cépages aux grappes compactes sont également plus vulnérables. De même pour les parcelles aux sols profonds, ou les secteurs peu exposés au vent où l'humidité persiste. Pour évaluer le risque « le vigneron doit aussi prendre en compte l'historique de sa parcelle sur plusieurs années, la fréquence de la pourriture grise et l'intensité des attaques », indique Pierre Petitot.

Mais le climat est déterminant. Par temps sec et chaud, la pourriture grise ne se développe pas, même si la parcelle est prédisposée à la maladie.

En Aquitaine, l'Inra a développé l'indicateur de risque « potentiel de réceptivité des baies » (PRB). Il permet d'évaluer la sensibilité des baies au botrytis dès la fermeture de la grappe. Le résultat est publié dans le Bulletin de santé du végétal. Celui d'août 2015 a ainsi indiqué « une faible sensibilité potentielle », tout en insistant sur le fait que cela « reste un indicateur de tendance dont l'interprétation doit être pondérée et relativisée par les conditions climatiques en fin de saison et les facteurs de risques complémentaires (tordeuses, grêle...) ».

À cette lecture, des vignerons ont fait l'impasse sur les antibotrytis. C'était sans compter sur la météo : « Des attaques fulgurantes se sont déclenchées en août puis en septembre avec les pluies, et les vendanges ont dû parfois être accélérées », rapporte Éric Capredon.

Quand faut-il traiter ?

Les stratégies sont variables d'une région à une autre. En Bourgogne, dans les secteurs moyennement sensibles : « Un traitement au stade A (chute des capuchons floraux) suffit. Son efficacité est de 30 à 60 % selon le produit choisi, indique Pierre Petitot. De plus en plus de vignerons interviennent uniquement à ce stade puis pratiquent un effeuillage entre la nouaison et la fermeture de la grappe. Pour les parcelles plus sensibles, nous conseillons deux traitements, au stade A puis à la veille du stade B (fermeture de la grappe) ». Pour ces applications, il préconise du fludioxonil (Geoxe), du boscalid (Cantus) ou du fenhexamid (Teldor). Faut-il envisager un troisième traitement au stade C (véraison) ? Pour le technicien, cela ne présente pas d'intérêt. Cela n'améliore pas l'efficacité et risque de favoriser la présence de résidus dans les vins.

En Indre-et-Loire, Adeline Mallet recommande elle aussi « un traitement au stade A puis un autre au stade B avec du cyprodinyl et du fludioxonil (Switch), du boscalid (Cantus), du fenhexamid (Teldor) ou du pyriméthanil (Scala) ».

En Gironde, Éric Capredon conseille, quant à lui, « au moins un traitement, au stade A, avec du cyprodinyl et du fludioxonil (Switch), qui permet une souplesse dans le positionnement, et un autre au stade C (mi-véraison), dans les parcelles à risques si la pression est élevée ».

Pour cette dernière intervention, il recommande plutôt du fenhexamid, ou un produit de biocontrôle, le Serenade.

Dans le Gard, « les viticulteurs réalisent parfois un ou deux traitements aux stades A et/ou C, pour sécuriser la récolte du chardonnay et le préserver de l'oxydation », relève Jean-Paul Raoux, technicien chez Charrière Distribution. Dans tous les cas, le traitement doit être bien localisé sur les grappes.

Comment gérer le risque de résistance ?

« Quelle que soit la stratégie, l'emploi d'un seul produit par famille chimique et par an est impératif. Mais l'alternance pluriannuelle pour toute famille chimique concernée par une résistance spécifique est fortement recommandée », souligne la note nationale vigne de 2015. Le pyriméthanil, le cyprodinil, le boscalid, et le fenhexamid sont concernés par une résistance spécifique. Dans ce cas, le botrytis ne résiste qu'au seul groupe chimique auquel appartient le produit. Le fludioxonil y échappe mais, comme les autres, il est confronté à la résistance multiple. Il s'agit d'une résistance croisée entre tous les antibotrytis spécifiques. Celle-ci est présente dans tous les vignobles, mais la fréquence des souches résistantes reste relativement stable. À ce jour, il n'y a pas de baisse de l'efficacité des produits antibotrytis.

ET EN BIO ? TROIS PRODUITS HOMOLOGUÉS

- Trois produits de biocontrôle sont homologués contre la pourriture grise et sont utilisables en viticulture bio : Armicarb (bicarbonate de potassium), Botector et Serenade Max (micro-organismes). Pour être efficaces, tous trois doivent être appliqués sous un climat humide mais sans pluies.

- Serenade se positionne en préventif lorsque la température est supérieure à 15 °C. Yves Meschberger, technicien chez Alsace Appro, l'a testé : « Son positionnement est délicat et doit être réalisé au moment précis où le botrytis commence à se développer. » Lorsqu'il est appliqué dans les bonnes conditions, « il donne de bons résultats et permet de traiter au plus près des vendanges, sans risque de résidus », explique Éric Capredon, d'Euralis.

- Le Botector s'applique à une température inférieure à 25 °C et à trois jours de distance d'un autre traitement phyto. « Il se positionne en préventif lors de conditions favorables au botrytis », précise Johanna Sigel, chef marché vigne chez De Sangosse qui commercialise le produit.

- Armicarb s'applique en curatif. Bernard Taïx, directeur technique des Établissements Magne (Hérault), l'a référencé : « Il est délicat à utiliser, mais si toutes les conditions sont réunies (température, hygrométrie, etc.), il peut atteindre 70 % d'efficacité sur du botrytis développé. » La chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire a testé ces trois produits pendant plusieurs années. Les résultats sont mitigés. Elle les préconise « en complément des mesures préventives, en situation de pression tardive ». La Bourgogne les a aussi expérimentés. « Ils n'ont pas montré un bon rapport coût/efficacité », commente Agnès Boisson, conseillère viticole au Sedarb. Celle-ci préfère donc mettre en avant la prophylaxie en préconisant un effeuillage face soleil levant, à partir de la chute des capuchons floraux. Elle souligne aussi qu'il est important de ne pas travailler les sols après la fermeture de la grappe en année humide « pour éviter le relargage tardif d'azote, facteur de botrytis ».

QUOI DE NEUF ? L'ARRIVÉEDU PROLECTUS

- Philagro lance Prolectus, un antibotrytis à base de fenpyrazamine, une nouvelle matière active développée par Sumitomo. Selon Philagro, il a une action translaminaire qui permet une bonne diffusion du produit dans la grappe. Il s'applique aux stades A ou B et est très résistant au lessivage.

- Sumi Agro attend l'homologation de 3 AEY, antibotrytis à base de terpènes micro-encapsulés (géraniol, eugénol et thymol). Selon la firme, les terpènes perturbent le fonctionnement du champignon et assèchent la surface des baies par leur évaporation. Il serait à positionner en curatif, au début de la présence du botrytis. Ce produit pourrait être appliqué en fin de saison, après un antibotrytis conventionnel appliqué au stade A.

QUOI DE NEUF ? SUSPENSION DE LUNA PRIVILÈGE

- Des phénomènes atypiques de distorsion de croissance ont été constatés sur feuilles et sur grappes (déformation des feuilles, coulure, millerandage), en 2015, par des viticulteurs en Allemagne, en Suisse et en France. Selon toute vraisemblance, ces dégâts sont liés à l'application de l'antibotrytis Luna Privilège/Luna Prime (fluopyram) en 2014. Ils se rencontrent lorsque le viticulteur a appliqué le produit après la fermeture de la grappe, en condition pluvieuse, a indiqué Bayer. La firme a préconisé en 2015 de ne pas utiliser ce produit au-delà de ce stade, puis a décidé de retirer temporairement du marché Luna Privilege/Luna Prime, pour la campagne 2015-2016. Selon Bayer, 14 000 ha en France ont reçu du Luna Privilege/Luna Prime en 2014 et 2 % de cette surface ont été touchés par des dégâts, dans le Val de Loire et en Champagne. Les viticulteurs concernés seront indemnisés.

- Un autre produit a été retiré du marché, et cette fois définitivement : le Sekoya de Syngenta à base de fluazinam. Pour les viticulteurs, il est prévu un délai d'écoulement des stocks jusqu'au 23 décembre 2016. D'après Syngenta, entre 50 000 et 60 000 ha en moyenne recevaient du fluazinam en France.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :