Dans quelles conditions la maladie s'exprime-t-elle ?
La pourriture acide se caractérise par la forte odeur de vinaigre émanant des raisins atteints. Le risque apparaît après la véraison et dépend des conditions climatiques. En 2015, la maladie ne s'est pas développée dans les vignobles grâce à un temps sec et ensoleillé en fin de saison. À l'inverse, 2014 a été marquée par de fortes attaques. « Elles ont été favorisées par les conditions humides et les températures douces », se souvient Philippe Mangold, responsable vigne à la coopérative d'approvisionnement Bourgogne du Sud. Les cépages à grappes compactes et à peau fine sont les plus sensibles à la maladie.
À quoi est-elle due ?
Elle est liée à la prolifération de levures et de bactéries acétiques dans les grappes. Ces micro-organismes sont véhiculés par de petites mouches : les drosophiles. Les larves de cet insecte se développent dans les baies, et les adultes propagent la maladie. Plusieurs espèces de mouches sont impliquées, dont Drosophila suzukii, qui est originaire d'Asie et est arrivée en France en 2009.
Faut-il craindre la mouche Drosophila suzukii ?
Oui, car elle est capable de percer les raisins intacts pour y pondre ses oeufs. Tandis que les mouches habituellement associées à la pourriture acide, Drosophila melanogaster ou Drosophila simulans, attaquent, elles, les baies mûres, blessées ou pourries. En 2014, D. suzukii a été détectée dans la plupart des vignobles français. Mais « sa présence dans les raisins n'a été confirmée qu'en Aquitaine et en Provence. Des dégâts directs n'ont été observés que sur des baies bien mûres (raisin de table) », précise une note nationale de 2015 issue des chambres d'agriculture, de la DGAL, de l'IFV et de l'Inra.
Comment lutter contre ce ravageur ?
D'abord par des mesures prophylactiques : maîtrise de la vigueur, aération des grappes, palissage adapté, relevage soigné et effeuillage « entre nouaison et fermeture de la grappe », préconise Pierre Petitot, conseiller viticole de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or. En 2014, la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire a montré que l'effeuillage réduisait de 56 % la fréquence d'attaque de pourriture acide.
« Il faut aussi éviter tout ce qui peut blesser les grappes en luttant contre les tordeuses, l'oïdium et le botrytis », ajoute Philippe Gabillot, conseiller viticole à la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire.
Éloignez des vignes les déchets d'éclaircissage, de récolte ou de cave. Surveillez les populations de mouches à partir de la véraison par des piégeages (bouteilles rouges de type Badoit perforées et remplies d'un mélange de vinaigre de cidre, de vin rouge, d'eau et de produit vaisselle). Enlevez les grappes touchées et enfermez-les dans un sac ou un récipient en plastique afin de tuer les larves et les mouches.
Les insecticides sont-ils efficaces ?
Il n'existe pas de produit homologué contre la pourriture acide. Des insecticides sont autorisés sur les drosophiles, mais ils ne sont pas actifs sur les oeufs. En outre, ils ne sont pas adaptés au cycle de Drosophila suzukii. « Je suis dubitatif sur leur efficacité, déclare Philippe Mangold, de Bourgogne du Sud. Nous avons testé en 2014, au début de la véraison, des pyréthrinoïdes et du spinosad (Musdo 4). Les résultats n'ont pas été satisfaisants. »
En Côte-d'Or, des vignerons ont appliqué en 2014 du spinosad. « La rémanence du produit est courte, et les traitements n'ont pas été concluants », ajoute Pierre Petitot. De son côté Jean-Luc Dedieu, chef de marché vigne chez Bayer, assure que le Decis Protech « est efficace sur les mouches adultes et les larves, avec quatorze jours de persistance ».
De bons résultats en Suisse avec l'argile
L'argile (kaolin) a été autorisée en Suisse en 2015 contre D. suzukii. « C'est le produit le plus efficace en viticulture. Le spinosad et le pyrèthre se dégradent trop vite. L'effet du kaolin dure bien plus longtemps », assure Maurice Clerc, de l'Institut de recherche de l'agriculture biologique en Suisse (FiBL). En France, les Bourguignons ont testé des filets antimouches. « Mais ils sont chers et peu adaptés aux surfaces importantes et morcelées », note Pierre Petitot, de la chambre d'agriculture de Côte-d'Or. En Suisse, ils ne suscitent pas non plus beaucoup d'intérêt. « La couverture des vignes avec des filets à mailles fines, comme pour le piégeage de masse, n'est pas adaptée, les surfaces viticoles étant trop grandes et les coûts bien trop élevés », commente Maurice Clerc.