Gers, Bouches-du-Rhône, Vaucluse, Gard, Savoie et, pour la première fois, la région de Die (Drôme) : en 2015, la flavescence dorée a encore contaminé de nouvelles zones. Désormais, près de 70 % du vignoble français est touché et placé en périmètre de lutte obligatoire (PLO), soit plus de 500 000 ha.
Dans ces zones, la lutte collective, régie par l'État, s'impose. Si elle n'est pas contrôlée, la flavescence dorée se propage de façon exponentielle. Elle entraîne, à terme, la mort des ceps atteints. Pour l'heure, aucune solution curative ne permet de l'éradiquer. Très contagieuse, elle est provoquée par un phytoplasme qui circule dans la sève des pieds atteints. Ce parasite est véhiculé par la cicadelle Schaphoideus titanus qui, en se nourrissant sur un pied malade, le transmet à d'autres ceps.
Quels sont les symptômes de la maladie ?
« La flavescence dorée se caractérise par la présence de quatre symptômes sur le même pied : enroulement des feuilles vers la face inférieure, non-aoûtement des rameaux, desséchement partiel ou total de la grappe et coloration des feuilles. Cette coloration est rouge et très marquée pour les cépages rouges. Elle est jaune, et plus difficile à distinguer, pour les cépages blancs », explique Ana Chavarri, conseillère viticole à la chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône. La totalité du cep peut exprimer ces symptômes ou seulement quelques rameaux. À partir d'août, après la véraison, prospectez vos vignes cep par cep pour repérer de tels symptômes.
Comment éviter les confusions ?
Certains symptômes peuvent être attribués par erreur à des carences en potasse. Ces mauvais diagnostics, comme ce fut le cas dans les Bouches-du-Rhône en 2011, aggravent la propagation de la maladie. La carence en potasse se manifeste par un jaunissement et des brunissures. Toutefois, contrairement à la flavescence dorée, le limbe des feuilles est incurvé vers le haut et non le bas. Les feuilles présentent des nécroses sur les bords et tombent prématurément.
En revanche, les symptômes de la flavescence dorée sont identiques à ceux du bois noir, qui provoque le dépérissement de la vigne. Seule une analyse en laboratoire par une méthode agréée (PCR) permet de différencier les deux maladies. Mais que le pied soit atteint de flavescence dorée ou de bois noir, il faudra de toute façon l'arracher, le bois noir pouvant « masquer » la flavescence dorée.
Quelles sont les mesures de lutte obligatoires ?
Elles sont définies par un arrêté national paru fin 2013 et précisées par des arrêtés préfectoraux. Tout détenteur de vigne située dans un périmètre de lutte doit réaliser, ou faire réaliser par un GDon (groupement de défense contre les organismes nuisibles), une prospection de son vignoble.
En cas de découverte d'un foyer, le propriétaire doit le signaler à la Direction régionale de l'agriculture (Draaf-Sral) et à un technicien de sa chambre d'agriculture ou du GDon. Les ceps atteints et les parcelles contaminées à plus de 20 % doivent être arrachés. Veillez à bien extirper les racines car le phytoplasme y migre durant l'hiver. « Pensez aussi à éliminer les vignes en friche et les repousses sauvages qui sont des réservoirs de maladie », indique Lucie Solier, de la chambre d'agriculture du Gers.
La lutte obligatoire impose également des traitements insecticides contre la cicadelle Scaphoideus titanus. Leur nombre et les dates d'intervention sont communiqués par la Draaf, les GDon et les chambres d'agriculture. Ces traitements sont obligatoires, y compris dans les vignes en PLO ne comptant pas de pieds atteints, et dans les parcelles de vignes mères de greffons et de porte-greffes.
Peut-on aménager la lutte ?
Oui, trois traitements sont généralement obligatoires : deux larvicides et un adulticide. Mais la lutte peut être allégée, ou aménagée par la Draaf, sous réserve que le vignoble soit prospecté (au moins 20 % des parcelles par an), les ceps atteints arrachés et les populations de Scaphoideus titanus surveillées. En fonction du risque, les traitements obligatoires sont alors supprimés ou limités à un ou deux par an.
La surveillance des vignes et la forte mobilisation des viticulteurs portent leurs fruits. En Gironde et en Bourgogne, les applications d'insecticides ont nettement diminué, tout comme l'étendue de la maladie. « En Languedoc-Roussillon, en revanche, et dans la zone Nord Vaucluse-Sud Drôme, l'absence de surveillance et le relâchement dans la réalisation des traitements obligatoires ont aggravé la situation », commente Jacques Grosman, expert national vigne au ministère de l'Agriculture.
Comment vérifier l'efficacité des traitements ?
Après les traitements, les GDon et la Draaf observent les larves de cicadelles S. titanus ainsi que les adultes présents dans les pièges. Vous pouvez également le faire. Pour optimiser l'efficacité des traitements, épamprez la vigne au préalable. En hiver, éliminez les bois de taille qui peuvent héberger des oeufs de cicadelles. Cela permettra de diminuer les populations au printemps.
Quels produits pour préserver les typhlodromes ?
Des insecticides organophosphorés, pyréthrinoïdes ou néonicotinoïdes sont homologués contre la cicadelle de la flavescence dorée. Mais ils n'ont pas tous le même impact sur les typhlodromes. La chambre d'agriculture du Rhône a montré en 2014 que deux applications de pyréthrinoïdes pénalisaient fortement les typhlodromes et qu'il était nécessaire de varier les familles chimiques. « Les produits récents, comme Luzindo et Reason (voir encadré), sont à privilégier », conseille Lucie Solier. À base de thiamétoxam, ces deux produits sont des néonicotinoïdes. « La plupart des pyréthrinoïdes sont plutôt larvicides et souvent utilisés pour le premier traitement, commente Jean-Baptiste Drouillard, expert technique de la vigne chez Syngenta. Les typhlodromes peuvent s'accoutumer à ces produits, mais seulement au bout de quelques années. En revanche, Reason et Luzindo, efficaces sur les larves et les cicadelles adultes, sont rapidement absorbés par la vigne puis ingérés par les cicadelles. Ils ne sont pas accessibles aux typhlodromes et sont donc très sélectifs. »
Luzindo - homologué aussi contre les tordeuses - et Reason ne peuvent être appliqués qu'après floraison, soit en deuxième ou troisième traitement.
« Si vous appliquez du thiamétoxam pour préserver les auxiliaires et les pollinisateurs, veillez à traiter tôt le matin ou le soir et à éliminer les plantes en fleurs dans les vignes pour ne pas attirer les abeilles », ajoute Ana Chavarri.
QUOI DE NEUF ? D'AUTRES VECTEURS
- Dictyophara europea, une autre cicadelle, est susceptible de transmettre la flavescence dorée. Signalée en Suisse et en Italie, elle n'est pas considérée comme un vecteur important de la maladie.
- Orientus ishidae est aussi à surveiller : des tests en Italie et en Suisse ont montré qu'elle pouvait être porteuse du phytoplasme de la maladie. « On ignore encore si elle peut infecter la vigne, précise Mauro Germini, chercheur à l'Agroscope de Cadenazzo, en Suisse. Cette cicadelle est surtout connue pour vivre dans les saules et les noisetiers. » Elle a été observée en 2010 en Alsace.
- La cicadelle de l'aulne, ou Oncopsis alni, peut elle aussi transmettre la maladie à la vigne, mais elle ne la pique qu'occasionnellement.
QUOI DE NEUF ? TROIS HOMOLOGATIONS
- Syngenta a lancé Reason en 2015, à base uniquement de thiamétoxam. Cette matière active était déjà présente en association avec le chlorantraniliprole dans Luzindo, un anticicadelle homologué aussi contre les tordeuses. « Avec Reason, nous proposons un thiamétoxam solo homologué spécifiquement pour les cicadelles. Il est destiné aux vignobles où les dates des applications visant la cicadelle de la flavescence et celles visant les tordeuses concordent rarement », explique Jean-Baptiste Drouillard, de Syngenta.
- Belchim a, de son côté, obtenu une extension d'usage sur la vigne de son insecticide Fury 10 EW contre la cicadelle de la flavescence dorée et les tordeuses. À base de zétacyperméthrine, cette pyréthrinoïde ne peut être utilisée qu'une fois par an.
- Certis propose Trebon 30 EC, une solution à base d'étofenprox. Elle est homologuée contre les cicadelles (flavescence dorée, grillures et metcalfa) et les tordeuses. Sa persistance d'action est de 21 jours.
ET EN BIO ? SEUL LE PYRÉVERT EST HOMOLOGUÉ
- En viticulture biologique, un seul produit est homologué pour lutter contre la flavescence dorée. Il s'agit du Pyrévert, à base de pyrèthre naturel. Son efficacité est irrégulière et inférieure à celle d'un insecticide conventionnel. « Pour une action optimale, évitez de traiter aux heures les plus chaudes. Ne mélangez pas le produit avec du cuivre ou du soufre. Appliquez-le sur les larves à raison de trois applications espacées de dix jours. Les traitements ont un effet cumulatif », conseille Nicolas Constant, ingénieur-conseil à SudVinbio. Respectez les dates d'intervention indiquées dans les arrêtés préfectoraux. « La qualité de pulvérisation est essentielle, ajoute Agnès Boisson, conseillère viticole au Sedarb, en Bourgogne. Le Pyrévert est efficace sur les larves et les cicadelles adultes présentes lors du traitement, à condition que son application soit bien ciblée sur ces insectes situés sur la face inférieure des feuilles. » Pensez à épamprer avant les traitements.
- Le Pyrévert impacte-t-il les typhlodromes ? Il souffre de cette réputation. Pour cette raison, des vignerons bio refusent de traiter. Mais le Pyrévert est classé neutre à faiblement toxique. « Il est rapidement dégradé et son impact peu durable », note Josquin Lernould, de la chambre d'agriculture de l'Hérault. De son côté, la chambre d'agriculture du Rhône a montré en 2014 que le Pyrévert était plus respectueux des typhlodromes que les pyréthrinoïdes de synthèse.
- À noter qu'un vigneron bio qui utilise un insecticide de synthèse de façon ponctuelle, dans le cadre d'un plan de lutte obligatoire, perd sa certification AB uniquement sur les parcelles qui ont été traitées. « Et une fois qu'il n'emploiera plus d'insecticides de synthèse, l'organisme certificateur, agissant au nom de l'Inao, pourra décider de lui redonner la certification agriculture biologique (AB) au bout d'un ou de deux ans, explique Olivier Catrou, responsable du pôle agriculture biologique à l'Inao. En revanche, si le vigneron utilise en permanence un insecticide conventionnel, il perdra sa certification pour l'ensemble de sa production et devra s'engager à nouveau en conversion pour trois ans. »