Dans le reportage intitulé « le vin est-il toujours un produit naturel ? », diffusé le 1er octobre, « Envoyé Spécial » a tenté de démontrer qu'on leurrait le consommateur en lui servant, non pas un produit traditionnel, mais un produit élaboré de façon industrielle. Les producteurs ont vivement réagi au reportage, mais les organisations professionnelles sont restées plus discrètes.
S'aventurer sur la question de la transparence de la fabrication du vin semble une affaire délicate. En France, le vin se veut être un produit « à part », « qui fait rêver ». Alors, on hésite à donner tous les détails techniques de sa production, de peur de choquer le consommateur ou de l'amener à assimiler le vin à un « simple » produit agroalimentaire. D'un autre côté, le fait de rester secret peut aussi susciter le doute. Et attirer les attaques des personnes mal informées.
Les œnologues de France ont longuement discuté de ce thème lors de leur congrès annuel. Pour éviter de nouvelles attaques, ils ont décidé de parler ouvertement de leurs méthodes de travail. Ils réfléchissent à une manière simple de faire comprendre au consommateur que leurs interventions sont indispensables à l'obtention d'un vin de qualité. Que les œnologues s'occupent de communiquer sur les pratiques œnologiques et de les défendre, n'est-ce pas le bon sens ?
Le Point de vue de
CONTRE
« Le consommateur de vin veut qu'on le fasse rêver »
« Je ne pense pas qu'il soit utile de donner au consommateur des informations trop techniques. Le vin est un produit de croyance. Il comporte une part de mystère qu'il est préférable de conserver. Ce que veut le consommateur, c'est qu'on le fasse rêver. De plus, en général, il n'a pas de formation en œnologie. Il n'est donc pas forcément capable de comprendre tout ce qu'on lui raconte sur les pratiques œnologiques. Lui parler d'enzymes ou de collage peut créer un doute et freiner son acte d'achat.
La transparence, elle, est assurée par tous les organismes de contrôle, qui donnent les garanties sur la qualité et l'aspect sanitaire. Le secteur du vin est très surveillé, donc le consommateur doit avoir confiance. Cela n'empêche pas d'expliquer des choses. Mais il faut rester sur ce qui apporte une part de rêve. Donner des informations sur le travail du vigneron, son amour du métier. On peut aussi communiquer sur les difficultés du travail, sur les risques encourus à cause des aléas climatiques… sur tout ce qui justifie les différences de prix entre les vins.
Même si le vin est un produit naturel, le consommateur ne doit pas croire que tout se fait tout seul. »
Le Point de vue de
POUR
« Il vaut mieux ne pas se cacher et expliquer les choses simplement »
« Il me paraît essentiel de communiquer sur les pratiques des œnologues auprès du consommateur. En effet, nous ne devons pas avoir honte d'utiliser des procédés ou des produits œnologiques, dans la mesure où ils sont autorisés par la législation.
D'autant plus quand nous les utilisons au moment opportun, à bon escient et avec les bonnes doses. De toute façon, contrôler le processus d'élaboration du vin est obligatoire si l'on ne veut pas qu'il évolue en vinaigre.
Je pense qu'il vaut mieux ne pas se cacher et expliquer les choses simplement. Cela éviterait peut-être de se retrouver acculé par des journalistes qui cherchent à nuire à l'image du vin. Aussi, nous travaillons sur un programme qui prendra la forme de fiches explicatives. Chacune d'entre elles décrira une pratique ou un produit œnologique avec des mots simples et compréhensibles par les néophytes. Les fiches seront à disposition des œnologues, des responsables techniques ou, éventuellement, des sommeliers. Ces derniers pourront s'appuyer sur cet outil pour communiquer sur l'élaboration du vin. Bien sûr, il ne s'agit pas de prendre les consommateurs pour des enfants, ou de les faire retourner à l'école. Le but est d'être transparent sur nos pratiques et de leur donner les points essentiels pour comprendre la fabrication du vin. »