Au château d'Arcins (à gauche) et au château Barreyres, Œnoview cartographie environ 200 hectares. Les travaux sont ainsi adaptés à la vigueur des parcelles. © CASTEL
Au château d'Arcins (à gauche) et au château Barreyres, Œnoview cartographie environ 200 hectares. Les travaux sont ainsi adaptés à la vigueur des parcelles. © CASTEL
Résultats d'une photographie satellitaire. On aperçoit l'homogénéité des parcelles. Les zones vertes sont les plus vigoureuses, suivies des jaunes, oranges et rouges. Les langues bleues correspondent à un faible développement végétatif.
Depuis cet été, deux des châteaux appartenant au groupe Castel utilisent un système d'imagerie aérienne nommé Œnoview. Il s'agit d'une technique de pointe, pour affiner les choix au vignoble, développée par l'ICV et proposée par Infoterra, filiale d'Astrium services et d'EADS.
Un satellite photographie les parcelles concernées à mi-véraison (entre mi-juillet et début août). Il édite des cartes de végétation, caractérisant la vigueur des zones, ainsi que leur homogénéité.
Au château Barreyres et au château d'Arcins, en Haut-Médoc, quatre intensités nommées indices apparaissent sur les quelque 200 hectares shootés. Les zones rouges correspondent à une faible vigueur, tout comme les bleues. La différence entre les deux est la densité. A l'inverse, les jaunes et les vertes révèlent une bonne vigueur du feuillage, mais une maturité plus tardive.
Baisse de certains intrants de 30 %
« A l'œil nu, on voit la différence entre la zone bleue et la zone verte, plus vigoureuse, explique Patrick Bongard, le directeur technique des châteaux. En revanche, on n'en voit pas entre la jaune et la verte. A présent, nous savons qu'il y en a une. Sur une parcelle globalement de couleur verte, nous avons vu apparaître une langue rouge et bleue. Cela nous a intrigués. En faisant des recherches, nous avons appris qu'une pile de vieux pneus étaient entreposée à cet endroit, il y a plusieurs années ! »
La vision satellitaire permet donc de saisir des variations interparcellaires que l'on n'aurait pas détectées autrement. La précision est de 2 m2, soit tous les quatre pieds.
Chez Castel, Œnoview trouve différentes applications. La première se déroule lors des vendanges. « Avant d'avoir le service Œnoview, nous faisions des suivis de maturité moyens par parcelle. Nous la récoltions lorsqu'elle était globalement mûre. A présent, nous connaissons le nombre de zones de maturité distinctes à l'intérieur d'une parcelle. Ainsi, nous vendangeons séparément les parcelles homogènes et les hétérogènes. »
Les premières sont vinifiées selon un process qui favorise le fruit. Les secondes donnent des cuvées plus structurées. De même, les zones rouges et vertes ont une évolution de la maturité très différente, alors que les bleues et les rouges sont assez similaires. Lorsque c'est possible, Castel isole donc les lots verts et les vinifie à part. Les cuves seront ensuite assemblées.
L'autre poste concerné est celui des intrants. « Les zones rouges sont les moins vigoureuses, poursuit le directeur technique. Ce sont donc celles où nous devons mettre le plus d'engrais. Les parcelles sont toutes géoréférencées. Nous avons équipé nos tracteurs de GPS. Ainsi, sur les zones rouges, de faible vigueur, le chauffeur augmente le débit du distributeur d'engrais. A l'inverse, sur une parcelle vigoureuse, le tractoriste passera à régime moteur plus bas.
De même, pour les traitements antibotrytis, le chauffeur décélère sur les zones de faible vigueur, afin de diminuer le débit du pulvérisateur pneumatique et donc la couverture. Grâce à cela, nous avons économisé près de 30 % d'antibotrytis cette année », se félicite-t-il.
Optimiser la gestion du personnel
Œnoview permettra de mieux gérer le personnel et d'anticiper l'organisation du travail. Les zones vertes étant les plus vigoureuses, ce sont aussi celles qui demanderont le plus de temps de travail lors de l'épamprage, voire de la taille et du relevage.
Patrick Bongard compte renouveler cette prise de clichés l'année prochaine. « Nous souhaitons suivre l'évolution des pratiques culturales entreprises tous les ans. A titre d'exemple, la zone bleue a des faiblesses. Nous l'avons particulièrement chargée en engrais. Nous vérifierons l'année prochaine si elle va mieux. »
Si Patrick Bongard est satisfait de cette technique, il compte néanmoins ne pas l'étendre à tous les châteaux du groupe, car ce n'est pas très intéressant pour de petites structures. Pour les 200 ha des châteaux d'Arcins et Barreyres, la cartographie est revenue à un peu moins de 5 000 euros. Mais ce coût « n'est pas très important en comparaison de ce que ce service apporte ».
Le Point de vue de
Jacques Rousseau, responsable des services viticoles de l'ICV
« De nombreuses applications »
« Œnoview utilise l'imagerie aérienne pour faire une cartographie. Il fonctionne avec des capteurs dans le visible et l'infrarouge. A partir de là, on obtient des indices de végétation et de densité du feuillage. On peut connaître le degré d'hétérogénéité d'une parcelle.
Œnoview peut avoir plusieurs applications. Lors des vendanges, cela permet d'affiner les sélections parcellaires. Depuis trois ans, nous suivons la cave coopérative Mont Tauch. Et nous constatons des tendances lourdes. A vigueur identique, les parcelles hétérogènes donnent des vins moins confiturés, avec des notes végétales et soufrées, ainsi qu'une sécheresse marquée en bouche. Les homogènes sont plus complexes d'un point de vu aromatique, avec des notes d'épices et de confiture.
Œnoview permet aussi d'ajuster la quantité de bouillie : on applique plus d'antibotrytis sur les zones les plus vigoureuses.
De même, il faut leur apporter moins d'engrais. Œnoview peut aussi servir lors de la taille (on laisse plus d'yeux sur les zones vigoureuses), de l'éclaircissage ou également pour l'irrigation. »