La résistivité des sols

Qu'est-ce que c'est ?

La résistivité est la capacité d'un volume de sol à s'opposer à la circulation du courant électrique. C'est une grandeur géophysique. Elle s'exprime en ohm-mètre (Ω.m) et peut varier entre 2 000 et 6 000 Ω.m sur les sols viticoles français. Pour les sols hétérogènes, on parle plutôt de résistivité apparente qui correspond à la moyenne des résistivités des terrains traversés par le courant électrique.

De quoi dépend-elle ?

La résistivité varie en fonction de la texture du sol, c'est-à-dire essentiellement la teneur en argiles. Un sol argileux est peu résistant. Sa résistivité avoisine les 10 Ω.m. Au contraire, les sols de graves ou de sables ont une résistivité élevée, parfois supérieure à 1 000 Ω.m.

La profondeur du sol influe aussi : « Un sol superficiel est plus résistant qu'un sol profond » (source : Geocarta). La densité du sol, à savoir sa structure et sa porosité, la nature de la roche mère, le taux d'éléments grossiers, le taux d'humidité ou encore la salinité sont d'autres paramètres de variation.

« Finalement, tout est un peu lié à la réserve en eau du sol », résume Xavier Cassassolles, directeur viticulture chez Geocarta. Plus la teneur en eau est importante, moins la résistivité est grande.

Comment la mesure-t-on ?

En injectant un courant électrique continu d'intensité connue en un point du sol et en mesurant la différence de potentiel électrique à un autre point. « On utilise toujours quatre électrodes, explique Maud Seger, ingénieur en géophysique à l'Inra d'Orléans. Les deux premières injectent le courant qui se propage dans le sol. Les deux autres mesurent la différence de potentiel électrique, ce qui donne accès à la résistivité. » En fonction du positionnement et de la distance entre les électrodes, on peut connaître la résistivité à une profondeur donnée.

On peut aussi la mesurer indirectement en envoyant des ondes électromagnétiques dans le sol. On récupère le courant induit et on en mesure la résistivité.

Avec quels outils ?

Le CNRS a développé un prototype de machine adaptée aux sols agricoles : le Multi-depth Continuous Electrical Profiling ou MuCEP. Il est constitué de deux électrodes d'injection et de trois paires d'électrodes de mesure, associées à un résistivimètre, un radar Doppler pour déclencher les mesures et un système de GPS pour référencer les mesures dans l'espace. Le dispositif est tracté à travers la parcelle étudiée. Il permet de mesurer la résistivité du sol en continu sur trois horizons de profondeurs différentes. Le plus souvent, ces profondeurs sont : 50 cm correspondant à la zone de travail du sol, 1 m, zone d'activité racinaire, et 2 m, pour avoir accès à la réserve utile en eau. On obtient ainsi des cartes de répartition de la résistivité en trois dimensions.

La société Geocarta, détentrice des brevets liés à cette technologie, développe l'ARP (Automatic Resistivity Profiling) sur les sols agricoles, et depuis 2003 en viticulture. C'est la seule entreprise française qui propose un service de mesure et de cartographie de résistivité des parcelles. « Notre matériel de mesure peut être tracté par un quad ou un tracteur dans les vignes larges, ou un enjambeur dans les vignes étroites », décrit Xavier Cassassolles. Les machines s'adaptent aussi à la pente des parcelles.

Quelles sont les applications pratiques ?

La mesure de résistivité est utile pour la viticulture de précision. Elle permet de bien définir les contours des différentes zones homogènes de sol. Une carte de résistivité aide à cibler les endroits où réaliser des fosses pédologiques, des analyses de sols ou des prélèvements de maturité… Elle peut servir à raisonner ses sélections parcellaires. On peut aussi l'utiliser pour optimiser sa plantation, en choisissant le porte-greffe et le clone en fonction des zones de sol observées.

Grâce à l'ARP, couplée à des études pédologiques, la cave des Hauts de Gironde a réalisé une cartographie de grande résolution des parcelles de ses adhérents, afin de zoner leurs potentialités viticoles. « Nous avons pu diminuer fortement les coûts de notre projet d'étude des sols », témoigne Jérôme Ossard, responsable technique de la cave.

Par des suivis de résistivité du sol au cours du temps, on peut aussi étudier l'évolution du régime hydrique, en observant les écoulements préférentiels de l'eau dans le sol. Geocarta réfléchit aussi à pouvoir intégrer cette mesure au pilotage de l'irrigation, à travers le projet Disp'eau. Des études autour de la gestion intraparcellaire des intrants, s'appuyant sur ce zonage et d'autres données sur la plante, sont également en cours.

L'Inra teste d'autres applications, comme la caractérisation de zones de tassement ou de fissuration du sol.

Quand doit-on mesurer la résistivité du sol ?

Aucune période n'est imposée. « Il est préférable que le sol soit un peu humide, conseille néanmoins Maud Seger. Sinon, le contact entre le sol et les électrodes n'est pas toujours bon. » Ainsi, les mesures sont effectuées entre la fin des vendanges et le début du printemps, dans la majorité des cas.

A quels types d'exploitations est-elle destinée ?

Selon Xavier Cassassolles, la mesure de résistivité est intéressante sur des sols hétérogènes, sur des exploitations assez grandes et pas trop morcelées. La démarche coûte environ 200 à 300 euros par hectare. Plus la surface à étudier est petite, plus elle coûte cher. « Pour l'instant, nous avons surtout cartographié des sols de grands domaines bordelais, qui se prêtent bien à notre technologie », argumente-t-il. Ce type de cartographie semble intéressant, pour l'instant, si l'on peut faire de la sélection intraparcellaire. Donc, principalement dans le cas de vendanges manuelles.

Quels sont les avantages de cette méthode ?

Elle est non-destructive, puisqu'il n'est pas nécessaire de creuser de trou dans le sol. C'est une technique de mesure rapide : « Avec le MuCEP, environ cinq minutes sont suffisantes pour mesurer la résistivité du sol sur 100 m », témoigne Maud Seger. Les outils disponibles aujourd'hui permettent de spatialiser la mesure de résistivité, donc d'établir des cartes en deux voire trois dimensions. « C'est une mesure fiable, objective et très précise », indique Xavier Cassassolles. De plus, la carte de résistivité d'une parcelle ou d'une exploitation est valable longtemps. Seules les valeurs mesurées pour l'horizon 0-50 cm sont susceptibles d'évoluer légèrement à l'échelle humaine du temps.

Quelles sont ses limites ?

La principale limite : la seule mesure de résistivité ne suffit pas à caractériser un sol ou un terroir. « Cela ne remplace en aucun cas un diagnostic pédologique, remarque Guillaume Coulouma. Ainsi, la société Geocarta oriente toujours ses clients vers des pédologues et des agronomes pour compléter les études de sols. Guillaume Coulouma précise que si l'enracinement est très profond, la mesure n'atteint pas toujours la zone d'alimentation en eau de la vigne. « Il doit y avoir de gros contrastes de résistivité entre le sol et le sous-sol, pour que la mesure soit vraiment intéressante », ajoute-t-il.