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VIN

Pourquoi les Brett causent encore autant de dégâts

Cécile Vuchot - La vigne - n°215 - décembre 2009 - page 48

Les précautions à prendre pour éviter la multiplication des Brettanomyces sont connues. Malgré cela, trop de cuvées sont marquées par des notes phénolées. Voici pourquoi, selon des œnologues de terrain.
LES BRETT SONT PRÉSENTES SUR LES RAISINS dès le vignoble. Pour limiter leur multiplication, il faut améliorer l'hygiène pendant la récolte en lavant les bennes entre chaque transport et en veillant à la propreté de tout le matériel en contact permanent avec les raisins. © J.-M. NOSSANT

LES BRETT SONT PRÉSENTES SUR LES RAISINS dès le vignoble. Pour limiter leur multiplication, il faut améliorer l'hygiène pendant la récolte en lavant les bennes entre chaque transport et en veillant à la propreté de tout le matériel en contact permanent avec les raisins. © J.-M. NOSSANT

1. Des levures omniprésentes et robustes

Les Brettanomyces sont présentes dès le vignoble sur les raisins. Elles ensemencent la cave à chaque entrée de vendange, même sur des lots très sains. Ensuite, elles se développent dans les moûts et dans les vins dès qu'une période favorable se présente : manque de SO2, absence d'une population dominante de levures (S. cerevisiae) ou de bactéries lactiques (O. Œni), présence de sucre…

Les Brett sont relativement résistantes au SO2. Souvent, on fixe le seuil de 30 mg/l de SO2 libre comme un minimum à maintenir pour empêcher leur développement. Enfin, ces levures se contentent de peu. Quelques centaines de milligrammes de sucre leur suffisent. Elles peuvent donc se développer dans des vins qui paraissent secs.

Il existe donc trois étapes à risque de développement des Brett : une fin de fermentation alcoolique languissante, un démarrage tardif de la fermentation malolactique et, enfin, la période d'élevage et de conservation en bouteille.

2. Durant les vendanges, l'hygiène est insuffisante

« L'hygiène en cave a progressé ces dernières années, mais ce n'est pas le cas à la récolte ! » regrette Laurent Vial, œnologue-conseil de l'ICV Béziers. Le manque d'hygiène des matériels de récolte favorise un ensemencement naturel des moûts en Brett ! Plus les vendanges sont tardives, plus l'hygiène fait défaut et plus les vins sont sujets au développement de Brett. Il faudrait rincer les bennes entre chaque transport et désinfecter une fois par semaine le matériel au contact permanent des raisins. Si l'on fait appel à un prestataire, il est prudent de porter ces exigences au cahier des charges.

3. Trop de fermentations patinent

« Lors des beaux millésimes, le sulfitage à l'encuvage est souvent insuffisant, met en garde Nicolas Constantin, œnologue d'Inter-Rhône. La vendange saine incite à peu sulfiter. Mais comme les degrés sont élevés, certaines fins de fermentation sont difficiles, avec des problèmes microbiens. » « Le manque de maîtrise de la température est un facteur aggravant de ces fins difficiles », rappelle Lionel Grin, œnologue-conseil de la chambre d'agriculture de Gironde, dans le Blayais.

A l'inverse, un sulfitage excessif à l'encuvage peut être en cause. Il empêche le développement des bactéries lactiques après la fermentation alcoolique et laisse la porte ouverte aux Brett. « On a vu ce cas en 2005 », témoigne Christophe Coupez, responsable du centre œnologique de Pauillac (chambre d'agriculture de Gironde). C'était un millésime chaud et relativement acide. L'acidité a renforcé l'activité du SO2 à l'égard des bactéries lactiques.

Pour augmenter les chances d'enclencher rapidement la malo, rien ne vaut l'inoculation en bactéries malolactiques. Mais ce procédé n'est pas répandu. La co-inoculation l'est encore moins. Et pourtant, cette technique fonctionne très bien sur les vins rouges. Elle serait même « la solution anti- Brett la plus efficace, car elle permet une maîtrise des fermentations et un sulfitage précoce », selon Arnaud Delaherche, expert en microbiologie chez Lamothe-Abiet.

4. Des vinificateurs tardent à soutirer

Les soutirages de fin de fermentation alcoolique ne sont pas toujours réalisés assez vite. Or, ils sont un bon moyen d'éliminer les Brett sans abaisser les populations de bactéries lactiques. Ces levures sont en effet plus denses que les bactéries. De ce fait, elles chutent assez rapidement en fond de cuve. Pour s'en débarrasser, l'ICV préconise deux soutirages espacés de deux à trois jours. La centrifugation est aussi très intéressante pour réduire la population de Brett. D'autres régions préfèrent le filtre-presse. Efficace et respectueux du vin, il est en fort développement dans le Bordelais.

5. Suivis microbiologiques insuffisants

La majorité des vinificateurs n'effectue pas de suivi microbiologique. Du temps où il fallait attendre dix jours pour obtenir un dénombrement de Brett, cela pouvait se comprendre. Mais les délais de réponse ont été fortement raccourcis avec l'arrivée de nouvelles techniques, dont la PCR quantitative (voir encadré). « Nous la proposons depuis deux ans. Nos clients sont séduits par la sécurité qu'elle offre », se réjouit Christophe Coupez. La PCR permet de détecter des Brett avant l'apparition d'odeurs phénolées. Il est alors possible d'agir avant une déviation. Car ensuite, il est trop tard !

De même, les analyses microbiologiques après mise en bouteilles devraient être plus courantes, car elles permettent de s'assurer du devenir du vin.

Le coût de ces analyses est un autre frein. Mais que pèsent 80 ou 100 euros face au nombre de bouteilles auxquelles on évite une catastrophe commerciale et financière ? Et ce budget d'analyses peut être réduit en ciblant les situations à risque (les Brett se développent sur certaines parcelles…).

6. La mode non interventionniste pousse à prendre des risques

« On observe une mouvance non interventionniste », remarque Nicolas Constantin. Ce constat est également réalisé à Bordeaux et en Languedoc-Roussillon. Or, « ces vins peu ou pas sulfités, non filtrés, sont d'excellents milieux de culture pour les micro-organismes ». Certains vignerons reconnaissent que leur vinification « non interventionniste » échoue quand le caractère phénolé des vins anéantit toute notion de terroir. Rappelons qu'il faut zéro Brett à l'embouteillage pour être sûr qu'aucun goût phénolé n'apparaîtra durant le vieillissement. « Cela ne signifie pas une filtration traumatisante », insiste Christophe Coupez. On choisit le média filtrant selon la filtrabilité du vin et son niveau de contamination.

Quant au sulfitage, il faut maintenir au moins 0,5 à 0,6 mg/l de SO2 actif. Certaines souches de Brett survivent même dans des vins en renfermant 0,7 mg/l. Seule la flash pasteurisation ou une filtration serrée en vient à bout. Ces procédés peuvent être appliqués en routine sur une chaîne d'embouteillage. A chacun de mesurer les risques qu'il prend !

Trois techniques pour détecter rapidement ces levures

La PCR quantitative est ultra spécifique. Elle quantifie l'ADN de Brett présentes dans un vin. Le résultat est disponible sous 48h, contre sept à dix jours avec un dénombrement sur boîte de Pétri. La PCR détecte même les levures « viables non cultivables », impossibles à observer en boîtes de Pétri, mais qui se développent dès que les conditions deviennent favorables. Le seuil de détection est très bas : cinq germes par litre. Une analyse coûte 80 à 100 euros.

La cytométrie de flux est proposée à un prix plus attractif (30 euros). Elle fournit une réponse tout aussi rapide. Son seuil de détection de cinquante cellules par millilitre de vin est suffisant au moment des assemblages ou pour réajuster le niveau de SO2, mais pas pour des contrôles avant la mise en bouteilles. Cette technique peut être couplée à la PCR quantitative.

L'épifluorescence fournit des résultats en quelques heures pour une trentaine d'euros. Elle est surtout utilisée pour décider du type de filtration à employer avant la mise en bouteille.

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