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DOSSIER - PRODUCTEURS-NÉGOCIANTS : La tension monte - Enquête dans les régions

ROUSSILLON Des pactes pour la valeur ajoutée

Frédérique Ehrhard - La vigne - n°216 - janvier 2010 - page 42

Producteurs et négociants œuvrent au sein de l'interprofession pour veiller à l'équilibre des marchés de vins doux naturels. Des partenariats se développent autour des vins secs sur des cuvées haut de gamme.

Les vins doux naturels, mieux valorisés que les vins secs, sont plus que jamais essentiels pour la survie de la viticulture du Roussillon. Les négociants achètent 76 % des volumes. La disparition de la Socodivin, spécialisée dans les achats à prix cassés, a détendu les relations avec la production. « Nous partageons aujourd'hui un même objectif de revalorisation des prix », affirme Antoine Cesco, le président de l'ODG du Rivesaltes.

Pas de raison de céder sur les prix du muscat

Producteurs et négociants se retrouvent au sein de l'interprofession pour adapter l'offre à la demande et réguler les stocks. Cette stratégie porte ses fruits. Les cours du muscat-de-rivesaltes ont grimpé de 201 à 213 €/hl avec l'arrivée du millésime 2008. Mais les producteurs restent vigilants. « Les marques de négociants et celles de distributeurs se livrent à une guerre des prix, affirme Roger Torreilles, le président de l'ODG Muscat de Rivesaltes. Il n'y a aucune raison de répondre à la demande des opérateurs qui voudraient acheter pas cher pour gagner des parts de marché. La consommation progresse légèrement en France. L'export se développe. Après deux petites récoltes, le marché devrait rester orienté à la hausse. Gardons le cap ! »

Sur le marché du rivesaltes, l'abandon de l'appellation Grand Roussillon, qui tirait les prix vers le bas, est achevé. L'écoulement des stocks s'est terminé en février 2009. « Trois enseignes ont attendu six mois avant de référencer du rivesaltes à la place du grand roussillon, ce qui a entraîné un retard de ventes de 25 000 hl. Mais il devrait être rattrapé rapidement, car les sorties progressent », précise Antoine Cesco.

Là encore, la bonne entente entre production et négoce a payé. A la place du grand roussillon, qui était vendu 99 €/hl, les producteurs ont commercialisé cette année du rivesaltes à 130 €/hl. « Les négociants apprécient aussi, car ils réalisent de meilleures marges. Pour continuer à tirer ensemble nos produits vers le haut, nous allons maintenant organiser le marché des rivesaltes hors d'âge », ajoute Antoine Cesco.

En vins secs, le premier opérateur sur les côtes-du-roussillon est le groupement Vignerons catalans en Roussillon. Il mise sur des stratégies de marque pour tirer les prix vers le haut. La plus aboutie est Fruité catalan. En 2009, les ventes ont progressé de 1,62 à 1,87 million de cols et le prix moyen en rayon s'est établi à 3,29 € le col, avec 45 % des volumes en rosé, 30 % en rouge et 25 % en blanc.

Pour obtenir les profils de vins nécessaires à cette marque, le groupement a instauré un nouveau fonctionnement avec les caves adhérentes. Toutes n'ont pas souhaité jouer le jeu. Le cahier des charges à respecter est exigeant et seules les meilleures cuvées sont sélectionnées. Le prix payé aux caves est de 85 €/hl pour les trois couleurs. Par comparaison, les prix d'achat du côtes-du-roussillon rosé se situent plutôt à 70 €/hl et ceux du rouge à 60 €/hl.

Sur les côtes-du-roussillon villages, les prix restent peu satisfaisants compte tenu des petits rendements. Des coopératives se sont tournées vers d'autres acheteurs qui ont une stratégie haut de gamme affirmée et un savoir-faire commercial certain. Des partenariats se sont noués autour des côtes-du-roussillon villages suivis d'un nom de commune.

La maison Gérard Bertrand s'est engagée en 2006 pour dix ans avec quatre coopératives qui produisent du Tautavel. En 2009, plus de 5 000 hl ont été commercialisés. Les vins sont rémunérés entre 122 et 160 €/hl. Les volumes commencent à être significatifs, même si l'objectif de 7 500 hl n'est pas encore atteint.

« Seuls, nous n'arrivions à vendre que 600 hl sous le nom Tautavel. En 2008, au sein de ce partenariat, nous en avons vendu 2 500 hl. Et nous ne produisons pratiquement plus de côtes-du-roussillon, moins bien valorisés », souligne Raphaël Grognard, maître de chai à la coopérative des Maîtres vignerons de Tautavel.

« Sans le partenariat, nous serions morts »

« Ce partenariat nous donne des perspectives. C'est sécurisant. Gérard Bertrand nous achète aussi des vins doux naturels et des IGP Pays d'Oc à bon prix. Sans cela, nous serions déjà morts ! » affirme Didier Poumiès, le président. La situation reste malgré tout difficile. Cette coopérative n'a produit que 6 000 hl en 2009, contre 9 000 en 2008. Le rendement est descendu à 21 hl/ha. « Nous avons créé une union avec trois autres caves pour approvisionner notre partenaire. »

Jeanjean, au travers de la maison Cazes, a signé en 2007 un contrat sur dix ans avec trois coopératives qui produisent du Latour de France. En 2009, les ventes ont atteint 1 500 hl. L'objectif reste fixé à 2 600 hl. « Le démarrage a été lent. Mais les ventes commencent à décoller », relève Emmanuel Cazes. Ces vins sont rémunérés entre 110 et 140 €/hl.

« Ces prix nous motivent pour faire des efforts. Mais les volumes progressent lentement et ce n'est pas toujours facile à expliquer aux adhérents. Nous aurions 6 000 hl à vendre dans ces qualités-là, souligne Jean-François Pascot, le président de la cave de Latour de France. Heureusement que nous produisons aussi 1 500 hl de muscat de Rivesaltes et 2 500 hl de rivesaltes. C'est ce qui nous sauve en ce moment. »

Le Point de vue de

Jacques Bayona, président de la cave coopérative de Lesquerde (8 000 hl), dans les Pyrénées-Orientales

« Un partenariat porteur d'espoir »

De gauche à droite : Georges Rognon, directeur de la cave, Jacques Bayona, président et Jacques Berthès, trésorier. © F. EHRHARD

De gauche à droite : Georges Rognon, directeur de la cave, Jacques Bayona, président et Jacques Berthès, trésorier. © F. EHRHARD

« Nous sommes installés sur un beau terroir d'arènes granitiques. En 2008, nous avons signé un partenariat avec la maison Chapoutier.

Dans un premier temps, elle a sélectionné 500 hl de nos côtes-du-roussillon villages Lesquerde payés entre 110 €/hl et 130 €/hl, suivant les qualités. Michel Chapoutier les fait déguster à ses clients, avec des retours très positifs. Il va mettre le millésime 2008 en vente début 2010. Le millésime 2009 est excellent aussi. La maison Chapoutier aurait bien voulu en retenir davantage mais, cette année, nos rendements sont descendus à 27 hl/ha contre 35 à 40 hl/ha habituellement. Michel Chapoutier s'est engagé comme négociant et comme coopérateur en achetant des vignes. Il a apporté un nouveau savoir-faire au niveau des vinifications.

Notre cave produit en moyenne 8 000 hl et vend les deux tiers en bouteille. Nous commercialisons déjà 50 000 cols de côtes-du-roussillon villages Lesquerde sur le marché local. Mais la concurrence est forte et les a priori négatifs envers la coopération aussi. Nous comptons sur la maison Chapoutier pour faire connaître le nom de Lesquerde au-delà du département. Nous n'avons pas le choix, nous devons monter en gamme. Nos rendements diminuent alors que nos coûts augmentent.

Nous devons progresser en sortant des cuvées qui expriment mieux notre terroir et nous repositionner à des tarifs plus élevés auprès d'une nouvelle clientèle. »

73 %

Le poids du négoce 73 % des volumes de vins d'AOC du Roussillon commercialisés en 2008-2009 l'ont été par le négoce, soit 410 210 hl sur 559 000 hl (source : Interprofession)

Les trois premiers acheteurs

1. Vignerons catalans en Roussillon

2. Bourdouil, groupe La Martiniquaise

3. Trilles, groupe Val d'Orbieu

(Evaluation « La Vigne » d'après des sources professionnelles)

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :