Ausone : Fier de ses vignobles

Ausone fut un talentueux professeur repéré par Valentinien, empereur romain du quatrième siècle. Originaire de Bordeaux, il fut aussi propriétaire de vignobles. L'un des plus prestigieux château de Saint-Emilion porte toujours son nom.

Decimus Magnus Ausonius naît en 310 à Bazas (Gironde). Son père est médecin, sa mère est issue « d'une des plus nobles et plus anciennes familles de Bordeaux », selon Robert Etienne, auteur d'un ouvrage sur le personnage. Elevé à Bordeaux, il devient grammairien puis rhéteur (celui qui enseigne la rhétorique, l'art du discours) à l'université de la ville, à l'époque très réputée pour la qualité de ses enseignements.

A l'âge de 57 ans en 367, il est appelé à Trèves par l'empereur romain Valentinien pour être le précepteur de son fils, le prince héritier Gratien. Il devient ensuite questeur. Après la mort de Valentinien en 375, Ausone est nommé préfet du prétoire des Gaules en 377, puis consul en 379.

Il célèbre Bordeaux, ses vins et ses grands hommes

Mais « au printemps 380, Ausone et ses proches disparaissent des dignités de la vie politique », remarque Robert Etienne. Et un an après la mort de Gratien à Lyon en 383, Ausone rentre dans sa région natale qu'il encense. « Ô ma patrie ! Toi, célèbre par tes vins, tes fleuves, tes grands hommes, les mœurs et l'esprit de tes citoyens (...) », écrit-il.

A Bordeaux et dans ses villas et domaines des environs, « il va mener la vie d'un professeur retraité (...) et se consacrer à la poésie, à la littérature (...) », commente Robert Etienne.

Signe de sa réussite et de sa position sociales, Ausone aurait possédé au moins huit villas et domaines dans le grand Sud-Ouest, dont la fameuse villa Lucaniacum, la plus somptueuse. Située sur la rive droite de la Dordogne, sans doute à Saint-Emilion ou à Montagne, son emplacement exact a nourri de nombreux fantasmes.

La tradition veut qu'elle ait été située sur les terres du prestigieux château Ausone, premier grand cru classé A de Saint-Emilion. Cependant, rien ne permet de l'affirmer, même s'il y existe bien des vestiges archéologiques d'une importante villa gallo-romaine. De plus, la propriété ne porte le nom d'Ausone que depuis quatre siècles. Le site internet du château précise : « Selon toute vraisemblance, la vieille tour médiévale du château de Villeneuve appartenant au XVIe siècle à François et Geffroy des Lescours (alors propriétaires du château, ndlr) aurait été renommée Tour d'Ausone », en référence au poète.

Mais il n'est pas le seul à se revendiquer de l'illustre personnage. Dans le Bordelais, « chaque village - surtout vinicole - prétend abriter les restes d'une villa du poète, et chacun voudrait rivaliser avec la gloire du château Ausone de Saint-Emilion », commente Robert Etienne.

Les écrits d'Ausone sont riches d'enseignements sur la façon de vivre de ses contemporains, de ses proches et sur sa propre vie. Une villa héritée de son père lui inspire ces vers : « Salut, petit héritage, royaume de mes ancêtres, que mon bisaïeul, que mon aïeul, que mon père a cultivé (...). A moi maintenant les travaux et les soucis : auparavant, le plaisir seul était mon partage (...). »

Il « orne sa villa de Lucaniacum d'une statue de marbre du dieu Liber (dieu très ancien que les Romains ont assimilé à Bacchus), comme pour marquer la mission civilisatrice universelle du vin, commente Robert Etienne. Et lorsqu'il séjourne dans sa villa saintongeaise, il fait venir de ses caves girondines quelques amphores - sinon quelques tonnelets - de vin. »

« Je cherche un vin généreux qui chasse mes soucis »

« Je suis plus fier de mon vignoble bordelais que de mon œuvre littéraire », aurait-il écrit. Chaque matin, il convie à sa table cinq invités. « C'est le compte juste pour tout repas ; au-delà de ce nombre, c'est une cohue », écrit-il. Epicurien, « il ne veut que les plus réputés des produits. Gibier, poisson, viande étaient arrosés de bons vins de propriétaires (...) », affirme Robert Etienne.

« Ô mon cher Lucanius, écrit Ausone au soir de sa vie, je cherche avant tout un vin généreux qui chasse mes soucis, soutienne mes brillantes espérances, et qui, en se répandant dans mes veines, échauffe mon âme et me rende la vigueur de la jeunesse. »

Ausone meurt à l'âge vénérable de 84 ans. Mais laissons-lui le dernier mot : « Toi-même, ne lis cela qu'avec une pointe de vin et de gaité, car il n'est pas juste qu'un poète peu sobre ait pour juge un lecteur à jeun. »