SURFACE PLANTÉE : Avantage au Sud-Ouest et au Midi
Tous ceux qui s'intéressent à la vigne ont en tête les cartes de France qui montrent les aires géographiques où il est possible de produire du vin. Ces cartes - éditées par Benoît France - montrent combien notre pays est riche en terroirs différents. Il suffit de regarder la vallée de la Loire où se côtoient plus d'une cinquantaine d'appellations réparties entre Nantes et Sancerre.
Cartographier les aires des AOC est une chose. Montrer où se trouvent les surfaces effectivement plantées en est une autre. C'est ce travail qu'a effectué FranceAgriMer avec l'Institut agronomique de Montpellier (IAMM) et dont nous publions le résultat ci-contre.
Des données du CVI
Pour ce faire, « nous avons utilisé les informations du volet foncier du CVI (Casier viticole informatisé), explique Aurélie Tostain, statisticienne géographe de l'IAMM. Comme ces données sont à la parcelle, nous les avons agrégées à la commune. » Chacune des communes où il y a au moins 2 ha de vigne est représentée avec une taille différente suivant les surfaces plantées.
Au final, les vignes apparaissent concentrées dans le Languedoc, le Bordelais, les Charentes et autour d'Avignon. Alors qu'on observe un quasi-continuum de vignes des Corbières à la vallée de l'Hérault, la vallée de la Loire est moins viticole que le laissent entendre les cartes des aires géographiées.
Cette nouvelle carte de France est l'un des multiples documents réalisés par l'observatoire viticole de FranceAgriMer et de l'IAMM. Chaque internaute peut la consulter sur le site www.si-vitifrance.com, dans la rubrique « potentiel viticole », puis en cliquant dans « surface en vigne » et enfin dans « France, surface de vigne par commune en 2008 ». Outre la France, chaque bassin et chaque département possède sa propre carte interactive. L'internaute peut d'un simple clic y retrouver les statistiques qui concernent sa commune.
L'ensemble de l'observatoire viticole est organisé autour des quatre thèmes suivants :
le potentiel viticole, comme on vient de le voir,
les mesures structurelles : surfaces restructurées avec la prime par commune et surfaces arrachées avec la prime d'abandon définitif par commune,
la récolte : volume total par commune, volume par type de vin, par couleur et par rendements,
la vinification : volume vinifié par les coops et par les caves particulières.
En consultant toutes ces données, on peut décrire les dix premières communes viticoles de France, celles où les surfaces en vignes sont les plus élevées en 2008. En tête, Narbonne avec 2 769 ha, suivie de Valréas (2 441 ha) et de Saint-Emilion (2 178 ha). Mais à Narbonne, la vigne occupe 16 % de la surface totale de la commune contre plus de 80 % à Saint-Emilion. Le poids de la viticulture y est donc moins important que dans le prestigieux village bordelais.
Deux modèles viticoles opposés
Fait notable et inquiétant : le potentiel viticole de ces dix communes a baissé ou est resté stable de 2003 à 2008. « La situation est la plus favorable à Florensac et à Saint-Emilion. Toutes deux ont su maintenir leurs surfaces », analyse Françoise Brugière, chargée de la prospective à FranceAgriMer. Bien qu'elle se situe dans l'aire d'appellation Picpoul de Pinet, Florensac produit surtout des vins de pays (90 %), avec des rendements moyens assez élevés (70 hl/ha), une proportion de blancs importante (45,8 %) et un poids de la coopération conséquent (67 %). A l'opposé, Saint-Emilion est tenu par les caves particulières (97,5 %) productrices de vins d'AOC rouges (99 %) avec des rendements autour de 44 hl/ha.
Seuls points communs entre ces communes : « Elles ont su lier dynamisme viticole et activité touristique. La première bénéficie de la proximité des plages et l'autre de sa renommée internationale », ajoute Françoise Brugière. A méditer…
VINIFICATION : Le Sud très coop
La partie de l'observatoire viticole intitulée « vinification » compte 278 documents qui détaillent commune par commune le volume vinifié en coopérative et en caves particulières en 2007 et en 2008. On y trouve aussi cette carte de France : en rouge, les communes dont la récolte est en majorité apportée en coopérative, en bleu celles où la vendange est surtout vinifiée par les caves particulières et en jaune celles où les choses sont équilibrées.
« Dans les Charentes, les vins sont presque toujours vinifiés en caves particulières. Même constat dans le Val de Loire et dans le Bordelais même si on note une mixité des modes de vinification dans l'Entre-Deux-Mers », commente Françoise Brugière. A l'inverse, l'Alsace bénéficie d'un bon équilibre des forces. En Bourgogne, les vignerons sont plutôt indépendants en Côte-d'Or, et coopérateurs dans le Mâconnais. Même distinction en Beaujolais : les caves particulières vinifient l'essentiel des volumes dans les crus, situés au nord, alors que dans le reste du vignoble les coopératives sont prédominantes.
Des cartes interactives sur chaque commune
Le poids de la coopération se fait surtout sentir dans le sud de la France. Ce mode de vinification est majoritaire dans la plupart des communes allant des Pyrénées-Orientales au Var. Au total, sur l'ensemble du pays, environ 1 510 communes sont plutôt « coops » contre 1 756 plutôt « caves particulières ».
Grâce à des cartes interactives, on découvre ce qui se passe sur chaque commune. Ainsi, en téléchargeant la carte de la récolte livrée aux caves coopératives en 2008 dans le Vaucluse, puis en promenant son curseur dessus, on apprend qu'il y a deux coopératives à Sainte-Cécileles-Vignes. Celle des Vignerons réunis a vinifié 93 000 hl, dont 68 % de vins d'appellation rouges ou rosés. Sa voisine Cecilia a vinifié 51 700 hl dont 83 % en appellations rouges et rosés. Et la carte de la récolte des caves particulières du Vaucluse en 2008, nous apprend que celles de Saintes-Cécile-les-Vignes ont vinifié 13 600 hl dont 90 % de rouges et de rosés d'AOC.
RENDEMENTS : Trois familles d'AOC
Dans la rubrique « récolte » de l'observatoire viticole, on a accès à des cartes des rendements en AOC, en vins de pays et en vins de table. La carte sur les rendements dans les vignobles d'appellation nous confirme qu'ils sont bien supérieurs au nord qu'au sud de la France. Ils sont en effet très élevés en Champagne (supérieur à 90 hl/ha) et hauts en Alsace (plus de 70 hl/ha de moyenne). Ils sont moyens – entre 50 et 60 hl/ha – dans le Bordelais, le Val de Loire et la Bourgogne. Ils sont plutôt bas - inférieurs à 50 hl/ha - dans tous le Languedoc-Roussillon et dans le sud de la Vallée du Rhône. Ces différences résultent du climat mais aussi des choix opérés par les appellations.
Lorsqu'on a téléchargé une carte départementale des rendements, on a accès à un tableau récapitulatif listant toutes les communes du département avec leur rendement moyen, le volume récolté et la surface en vignes. D'un simple clic, l'internaute peut classer les communes par ordre alphabétique, de rendement, de volume récoltés ou de surfaces en vigne.
A titre d'exemple, en consultant la fiche des rendements moyens de VQPRD en Côte-d'Or pendant la période 2004-2008, il apparaît que Meursault est la commune qui a le plus récolté en 2008 avec 40 297 hl, avec un rendement moyen de 52,5 hl/ha sur la période.
Autre donnée statistique intéressante : la répartition des surfaces par cépages. Le camembert ci-contre permet de visualiser l'extrême diversité de l'encépagement de notre vignoble. « Excepté l'ugni blanc à Cognac, les dix cépages les plus courants sont « internationaux », mais ne représentent que 73 % de la surface totale plantée, commente Françoise Brugière. La catégorie « autres cépages » pèse plus du quart et comprend aussi bien le sauvignon blanc (26 476 ha, soit 3,2 %), le cinsault (20 425 ha, soit 2 %) que le bourboulenc blanc (587 ha, soit 0,1 %). »
On dénombre seulement trois cépages représentant plus de 10 % du vignoble, avec un seul - le merlot - occupant plus de 100 000 ha. Quatorze variétés pèsent entre 1 et 9 % et plus d'une cinquantaine représente moins de 1 % du vignoble !
« Bientôt une cartographie de l'irrigation »
La partie relative à la répartition des surfaces par cépages présente, elle aussi, des cartes interactives mais par variété dominante. Ainsi, pour le Languedoc-Roussillon, seul le cépage carignan est cartographié. Dans la Marne et dans l'Aisne, on ne peut avoir accès qu'au pourcentage de pinot meunier par commune.
Afin d'enrichir leurs données cartographiques, FranceAgriMer et ses partenaires travaillent à un projet de carte recensant les zones irriguées et celles qui pourraient l'être avec les agences de l'eau. « L'objectif est de mettre à disposition des responsables professionnels, des outils pour aider à la prise de décision », explique-t-on à FranceAgriMer.
POIDS DE LA VIGNE : Deux exceptions
Outre la surface en vigne, l'observatoire s'intéresse au poids de la vigne par commune, c'est-à-dire au pourcentage de la surface totale de la commune qui est planté en vigne. La carte de l'évolution du poids de la vigne sur les cinq dernières années montre un recul de la viticulture dans le Languedoc, le Bordelais, la Vallée du Rhône et en Beaujolais. En revanche, la part de la vigne a augmenté dans le cœur des Charentes mais aussi dans l'Aube, en Champagne. Pour le reste - en Provence, dans le Sud-Ouest, en Bourgogne et en Alsace - la situation est stable.
« L'augmentation des surfaces plantées dans l'Aube correspond surtout aux attributions de plantations nouvelles dans le cadre des contingents champenois depuis 1999, explique-t-on au CIVC. Sur la période 2003-2009, 679 ha ont été attribués à l'Aube soit 0,9 % de la superficie de ce vignoble. »
Dans la région de Cognac, l'augmentation du poids de la vigne semble s'expliquer par l'effet des « plantations anticipées ». Elles sont autorisées depuis la campagne 2007-2008 au cours de laquelle, les Charentais ont planté 830 ha. Cette surface se retrouve dans l'observatoire. «La carte fait apparaître l'évolution des surfaces plantées et non des surfaces productives, tempère Françoise Brugière. Or, une plantation anticipée revient à enregistrer une surface en double pendant deux campagnes mais, durant ce délai, une seule surface est productive. »
Lorsque viendra le temps d'arracher les vieilles parcelles, on risque de voir à nouveau le poids des vignes baisser à Cognac.
Tout aussi parlante : la carte des arrachages primés entre 1985 et 2007. « C'est flagrant : la prime à l'abandon définitif concerne surtout le bassin languedocien. Il a perdu en vingt ans le tiers de son potentiel viticole. Malgré cela il reste le plus grand vignoble français », commente l'experte. Parmi les documents mis en ligne, l'internaute a accès au récapitulatif des surfaces arrachées primées par cépage et par campagne depuis 1988.
Le carignan, en tête des cépages arrachés
Ce document indique que le carignan est celui qui a le plus fait les frais des arrachages : près de 49 000 ha en moins depuis 1988. Loin derrière, en deuxième position, arrive l'aramon (près de 13 000 ha arrachés sur la période).
Dans le top 10 des variétés les plus arrachées, on note l'apparition récente de trois cépages « internationaux » : le grenache, le merlot et la syrah. En 2004, 2005 et 2006, les vignerons ont arraché près de 1 000 ha par an des deux premières variétés. Le phénomène est un peu moins frappant pour la syrah. C'est la preuve que face aux difficultés économiques, des exploitations ayant réencépagé raccrochent.
L'analyse du tableau des arrachages peut se faire en parallèle avec celui des surfaces restructurées primées ces dernières années : syrah, merlot et grenache arrivent en tête mais avec un net ralentissement depuis 2005.