A l'entrée en pépinière, les bois des porte-greffes peuvent être porteurs de champignons pionniers des maladies du bois. Aucun test de routine ne permet pour l'instant de les repérer facilement. « Pour réduire les risques d'introduction, nous renouvelons régulièrement notre parc de vignes mères pour que les bois soient issus de vignes jeunes, moins porteuses de ces champignons. Nous protégeons les grosses plaies de taille. Et en cours de végétation, nous éliminons tous les ceps qui présentent des symptômes foliaires ou un manque de vigueur », explique Pierre-Marie Guillaume, des pépinières Guillaume, à Charcenne (Haute-Saône).
Cryptonol, cuivre et traitement à l'eau chaude
Dans cette entreprise, les porte-greffes et les greffons sont désinfectés par trempage dans un fongicide, le cryptonol. Cette molécule, en sursis, sera encore utilisable en 2010. « Nous cherchons des alternatives plus respectueuses de l'environnement. Sur certains lots, nous réalisons avant le greffage un traitement associant trempage au cuivre et traitement à l'eau chaude. Il permet d'éliminer une partie des champignons associés aux maladies du bois, s'il y en a », précise Pierre-Marie Guillaume. Les plants finis peuvent eux aussi être traités à l'eau chaude, si le vigneron le demande. « C'est une précaution de plus, mais cela retarde le débourrement. Si les conditions de plantation ne sont pas idéales, il peut y avoir quelques pertes. »
Pour favoriser la reprise, les plants peuvent être mycorhizés, là encore à la demande du vigneron. « Les maladies du bois s'expriment plus fortement sur des ceps en situation de faiblesse. Nous menons des essais depuis onze ans sur la mycorhization. Dans les terres séchantes ou caillouteuses, nous constatons au fil des années une meilleure santé des plants mycorhizés au départ. C'est une mesure préventive qui s'ajoute aux autres. Pour réduire l'impact des maladies du bois, nous devons mettre en œuvre une somme de solutions plutôt que chercher l'arme absolue », affirme Pierre-Marie Guillaume.
Les pépinières Daydé, installées à Gaillac, dans le Tarn, testent depuis 2009 l'utilisation de l'ozone avec l'Esa de Purpan. « Nous trempons des porte-greffes et des greffons dans un bain traité à l'ozone, pour réduire la contamination de surface avant le greffage. Nous réalisons la stratification dans de la sciure. Puis durant l'élevage en pépinière, nous testons différents traitements en végétation avec des fongicides, ainsi que des applications de plusieurs souches de champignons antagonistes qui pourraient occuper le terrain et freiner les contaminations ultérieures », détaille Hubert Cros, le responsable commercial. Des essais de trempage dans un bain traité à l'ozone ont également été réalisés sur des plants finis. Leur évolution sera suivie après plantation.
Des plants protégés
De leur côté, les pépinières Plassier, de La Chapelle-Basse-Mer, en Loire-Atlantique, mènent des essais depuis un an avec une équipe du CNRS de Poitiers. « Nous testons un fongicide que nous avons modifié pour qu'il aille au niveau des bois, ainsi que des procédés de stimulation des défenses naturelles des plants. Mais, nous n'en sommes qu'au début », souligne Jean-François Chollet, du CNRS.
Les pépinières Mercier, à Vix, en Vendée, réalisent régulièrement des tests sur le matériel végétal. « Nous pouvons identifier la présence de huit champignons pionniers des maladies du bois. Mais pour évaluer s'ils sont morts ou vivants, nous devons les mettre en culture. C'est long. Nous attendons beaucoup de la mise au point dans le programme national d'un outil de diagnostic quantitatif utilisable en routine », relève Miguel Mercier.
A l'entrée en pépinière, cette entreprise repère très peu de champignons. Mais au cours du processus de fabrication des plants, ils peuvent se disséminer et contaminer d'autres bois. « Nous testons différentes méthodes de désinfection de l'eau de réhydratation et de stratification pour réduire les risques de ces deux étapes sensibles », précise Michel Mercier.
L'entreprise cherche aussi à protéger les plants finis. En 2005 et 2007, elle a testé une souche de Trichoderma atroviride avec la société Agrauxine. Sélectionnée par l'Inra, celle-ci a été homologuée en 2009 pour protéger les plaies de taille de l'eutypiose (spécialité commerciale Esquive). Dans leurs essais, les pépinières Mercier ont inoculé la même souche à des plants par un procédé spécifique. Les prélèvements réalisés au cours de l'élevage sous serre à huit et quinze mois ont montré qu'elle se maintenait et se développait.
Des champignons pionniers des maladies du bois ont ensuite été inoculés dans des plants traités avec cette souche de Trichoderma et dans des plants non-traités. La comparaison entre les deux lots montre que le champignon antagoniste réduit la colonisation par les quatre champignons pathogènes inoculés, avec des intensités variables de l'un à l'autre.
« Nous allons poursuivre en réalisant, dans plusieurs régions, un suivi de parcelles établies avec des plants traités, pour voir comment cet effet de protection biologique évolue au fil des années », ajoute Miguel Mercier.
Pas de garanties pour l'instant
Les pistes explorées par les pépiniéristes pour obtenir des plants indemnes de champignons pionniers des maladies du bois semblent prometteuses.
Cependant, pour le moment, ils ne peuvent pas garantir que le résultat est atteint. Il faudra attendre encore quelques années pour cela, le temps que des tests quantitatifs fiables soient disponibles et que les essais en cours livrent leurs résultats. Mais cela n'empêche pas les viticulteurs de tester ces plants, qui pourraient se révéler d'une plus grande longévité que les autres. Les pépiniéristes proposent à leurs clients des traitements en option, qu'il s'agisse de l'eau chaude, de l'inoculation par des souches de Trichoderma ou de la mycorhization. Le surcoût est de l'ordre de 10 à 20 %. Chacun jugera si le jeu en vaut la chandelle.
Un programme national d'essais
Le ministère de l'Agriculture a sélectionné cinq programmes de recherche sur les maladies du bois. L'un d'eux porte sur la mise au point de procédés de production de plants indemnes de champignons pionniers de ces maladies. Il est coordonné par la chambre d'agriculture de Gironde et associe de nombreux partenaires autour de l'IFV.
« Notre premier objectif est de mettre au point un test PCR permettant de détecter la présence de ces champignons et d'évaluer leur quantité. Avec cet outil, nous pourrons identifier les étapes de la fabrication comportant des risques de contamination, et chercher comment les limiter », explique Laurent Bernos, de la chambre d'agriculture de Gironde. Ce programme démarre en 2010 et devrait mobiliser plus de 600 000 euros sur trois ans, dont 380 000 euros apportés par l'Etat.