Qu'entend-on par pesticides et résidus ?
Le terme pesticide désigne communément les produits phytosanitaires. Une fois appliqués sur la vigne, ces produits évoluent qualitativement et quantitativement au cours du temps. Le « résidu » est alors la quantité de substance active (ou de ses métabolites) qui reste sur la partie consommable de la plante, au moment de la récolte.
Quels résidus peut-on retrouver dans les vins ?
« Sur la centaine de molécules actives autorisées en vigne, un tiers peut se retrouver dans le vin, cuivre et soufre compris, explique Magali Grinbaum, responsable des analyses de résidus de l'Institut français de la vigne et du vin (IFV). Quinze sont plus récurrentes : le diméthomorphe, l'iprovalicarbe, l'azoxystrobine et l'acide phosphoreux, le métabolite du fosétyl-Al, pour les antimildious. L'iprodione, le pyriméthanil, le fludioxonil, le cyprodinil, pour les antibotrytis. Quelques antioïdiums et quelques insecticides. Mais beaucoup ne se retrouvent que sous forme de traces. » De plus, on ne retrouve jamais de résidus d'herbicides.
En 2005, la direction générale de l'alimentation (DGAL) du ministère de l'Agriculture a rendu le rapport du plan de surveillance résidus en viticulture, établi sur quatorze années, de 1990 à 2003, dans tout le vignoble français. Les auteurs concluent que « dans le cadre de traitements effectués conformément aux bonnes pratiques agricoles, la situation résidus raisin-vin est excellente ». Ils constatent que les Limites maximales de résidus (LMR) sur raisin sont respectées dans 99,7 % des situations. Sur la base de plus de 3 000 analyses réalisées en quatorze campagnes, ils estiment « le taux de transfert parcelle-raisin égal à 50 % », et celui du raisin au vin à 60 %. Par conséquent, le taux global de transfert de la parcelle au vin avoisine les 30 %.
En clair, sur dix substances actives appliquées par un viticulteur respectant les bonnes pratiques, cinq risquent d'être décelées à l'analyse sur raisin et trois d'être retrouvées dans les vins, particulièrement des antibotrytis et des antimildious.
En respectant les délais de traitement, pourquoi retrouve-t-on des résidus dans les vins ?
A cause de la persistance et de la stabilité des matières actives. La présence des antibotrytis s'explique également par le fait que les derniers traitements peuvent être proches de la date des vendanges. Les caractéristiques physicochimiques de chaque molécule font ensuite le reste, selon leur facilité à se solubiliser dans le milieu hydroalcoolique que constitue le vin.
Les pratiques de vinification et la couleur influent-elles sur la quantité de résidus ?
L'IFV a mené plusieurs expérimentations sur la réduction des résidus par des traitements œnologiques. Bentonite, colle de poisson, gélatine, albumine ou noir végétal permettent de diminuer la teneur de certains résidus, mais restent sans effets sur d'autres.
De même, en blanc et rosé, le débourbage facilite la précipitation de résidus, mais « il n'y a pas de différences systématiques entre couleurs, signale Magali Grinbaum. Lorsque c'est le cas, à traitement égal à la vigne, le nombre de molécules retrouvées sur les vins blancs et rosés est moins important que sur les vins rouges, rarement le contraire. »
Pascal Chatonnet, du laboratoire Excell, estime « le facteur géographique plus marqué que le facteur couleur ».
Enfin, Magali Grinbaum a récemment étudié l'incidence des vinifications par chauffage sur la dégradation des molécules phytosanitaires : température ou durée de chauffage n'ont aucune influence sur la dégradation du folpel en phtalimide ou sur celle de la procymidone en 3,5 DCA.
En revanche, les dithiocarbamates se dégradent en éthylène thiourée (ETU) dans les vins issus de vendanges chauffées. Toutefois, sur le terrain, la teneur en ETU dans les vins reste négligeable parce que tous les viticulteurs ne traitent pas aux dithiocarbamates et que les caves assemblent généralement les vins issus de thermotraitement avec des cuves vinifiées classiquement. Cette pratique fait baisser la teneur en ETU des cuvées finales.
Y a-t-il un danger pour le consommateur ?
« Aujourd'hui, le risque pour le consommateur est nul, car les quantités de résidus détectées sur les vins sont de l'ordre du microgramme par litre alors que les LMR fixées sur raisin sont de l'ordre du milligramme par kilo, souligne Magali Grinbaum. L'évaluation du risque est basée sur la notion de Dose journalière acceptable (DJA), la dose sans effet journalière divisée au moins par 100. C'est la référence toxicologique. Elle est établie par molécule. En se basant sur une consommation moyenne de quatre verres de vin par jour, les quantités de résidus ingérés à ce jour sont en moyenne comprises entre 0,1 et 1 % de la DJA, selon les molécules. »
Faut-il aller vers le « zéro résidu » ?
Comme l'indique Pascal Chatonnet, « les quantités de résidus présentes dans les vins sont très faibles, sans problème sur le plan toxicologique. Mais comment expliquer que l'on retrouve une dizaine de molécules dans les vins ? Il ne faut y tolérer que deux à trois fongicides. » Pour parvenir à ce résultat, Pascal Chatonnet souligne l'intérêt des mesures prophylactiques : « Maîtrise de la vigueur et de l'azote et aération du feuillage sont des facteurs de diminution de l'emploi de pesticides. »
On peut aussi baisser les doses de matière active. Mais l'efficacité des traitements peut être affectée. Et en diminuant le nombre de molécules employées, c'est le risque de résistance des pathogènes qui est accru.
Quelles sont les exigences des acheteurs de vin ?
Fabien Gross, acheteur grand sud pour les Grands Chais de France, explique son fonctionnement. « Le sujet est délicat et peut faire peur à certains producteurs, les petits surtout, quand cela concerne un achat spot sur un petit lot. Nous fixons des exigences alignées sur les valeurs de LMR européennes dans nos cahiers des charges, avec nos partenaires. Nous demandons une analyse complète une fois par an sur le principe de l'échantillon moyen constitué au prorata des volumes en cuverie. S'il y a un doute sur la traçabilité d'une cuve ou un bruit de fond incohérent à l'analyse, on demandera une analyse sur un lot précis. Il faut prendre en considération le coût de ce type d'analyse. »
En France, la grande distribution se montre ferme sur le nombre de molécules retrouvées sur les produits MDD : pas plus de deux ou trois. A l'export, des clients peuvent exiger le zéro résidu.
Quels sont les coûts et délais pour une analyse ?
Entre 200 et 300 euros, selon les laboratoires, pour une analyse multirésidus couvrant la trentaine de résidus que l'on peut retrouver dans les vins. Le calendrier de traitement du demandeur est important pour lui proposer de cibler la recherche des seules molécules pouvant passer dans le vin. L'analyse sera moins chère s'il n'y a qu'un seul résidu à rechercher.
Une bouteille d'échantillon est suffisante, avec un délai pour les résultats variant de trois à dix jours.
Des analyses à l'échelle du microgramme
Analyseur de type HPLC, au laboratoire Inter-Rhône, qui permet de retrouver notamment le carbendazime.
Selon les données disponibles à ce jour, les vins contiennent des résidus de pesticides à des doses inoffensives pour le consommateur. Malgré cela, ce sujet provoque régulièrement des polémiques. Etat des lieux, pour que la raison l'emporte sur l'émotion.