Une équipe de recherche de la faculté d'œnologie de Bordeaux a mis en évidence le rôle tenu par deux acides volatils, les acides isobutyrique et isovalérianique, dans la perception des notes phénolées d'un vin contaminé par Brettanomyces. Cette perception était jusqu'à présent considérée comme dépendante de la seule concentration en éthylphénols, avec un seuil fixé à 426 μg/l dans la littérature.
Vingt-six vins passés au crible
Les chercheurs ont commencé par soumettre cinquante et un vins commerciaux à un jury. Un résultat les a interpellés : plus du tiers des vins décrits comme « non phénolés » par les dégustateurs contenait plus de 400 μg/l d'éthylphénols. « Cela nous a confirmé que le seuil de détection reste une valeur statistique, explique Gilles de Revel, à la direction de l'équipe ayant mené les travaux. Car nous savions de manière empirique que ce seuil varie avec la matrice vin (le type de vin, NDLR) considérée. »
L'équipe s'est alors mise à analyser finement les teneurs en acides et esters de vingt-six de ces vins : cinq décrits comme « très phénolés », six « peu phénolés », et quinze « non phénolés ». Ainsi, elle a pu trouver une corrélation directe entre la teneur en éthylphénols d'un vin et sa teneur en acides isobutyrique et isovalérianique.
« Dans le vin, ces deux acides volatils sont issus du métabolisme de Brettanomyces. Mais d'autres levures, dont Saccharomyces cerevisiae, sont aussi capables d'en produire. La corrélation observée suggère que ces deux acides résultent de l'activité physiologique de Brettanomyces », poursuit Gilles de Revel.
Cela induit-il pour autant une influence des acides isobutyrique et isovalérianique sur la perception phénolée ? Pour le vérifier, les chercheurs ont ajouté à un vin phénolé des quantités croissantes de ces deux substances. C'est ainsi qu'ils ont démontré leur effet masquant des notes phénolées. Ils ont mesuré que l'augmentation du seuil de perception des éthylphénols par les dégustateurs pouvait aller jusqu'à un facteur 3. « Ce facteur d'augmentation est variable selon le type de vin, précise Gilles de Revel, il est toutefois intéressant de voir que le même micro-organisme synthétise les molécules responsables d'un défaut et celles qui masquent ce défaut. »