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VIN - POUR APPROFONDIR

Les levures non Sacchanromyces

Olivier Bazalge - La vigne - n°218 - mars 2010 - page 60

Qu'entend-on par levures non Saccharomyces ?

C'est l'ensemble des levures autres que Saccharomyces cerevisiae et uvarumque l'on rencontre sur les pellicules des raisins ou dans les moûts. « Une cinquantaine d'espèces de levures non-Saccharomyces (NS) sont présentes sur les raisins, de manière très fluctuante et indépendamment du cépage ou de la région. Dans le moût, on retrouve plutôt une dizaine d'espèces, car une sélection s'opère du fait de l'ajout de SO2 et surtout en raison de la forte concentration en sucres. Hanseniaspora uvarum et Candida zemplinina sont deux espèces rencontrées presque systématiquement dans tous les moûts », explique Isabelle Masneuf-Pomarède, de l'ISVV Bordeaux.

« Cette microflore levurienne est en évolution constante. Elle varie de manière importante d'une parcelle à l'autre, d'un chai à l'autre, d'une cuve à l'autre et d'une année à l'autre », précise Morvan Coarer, de l'IFV Val de Loire. Les facteurs expliquant leur présence ou leur absence restent à déterminer.

Quelle est la diversité génétique au sein de ces espèces ?

Les espèces sont très différentes sur le plan de la classification. La qualification globale « levures non Saccharomyces » désigne un groupe vaste et très diversifié, sur le plan taxonomique comme sur celui des propriétés technologiques.

Comme pour l'espèce S. cerevisiae, chaque espèce de NS se décline en une multitude de souches différentes. « La variabilité génétique est énorme. Le champ de recherche et de sélection offert par les levures NS est donc immense », explique Arnaud Delaherche, docteur en microbiologie du vin et chef produit chez Lamothe-Abiet.

Quelle est leur physiologie ?

Les levures NS sont globalement aérophiles. Elles ont donc besoin d'oxygène pour se développer. Ce ne sont pas des levures de fermentation. Elles peuvent avoir cette aptitude mais généralement à de très faibles niveaux. Certaines souches de Torulaspora delbrueckii font exception, pouvant produire jusqu'à 8 à 9 % d'alcool.

Comme S. cerevisiae, les levures NS consomment de l'azote et les sucres et acides aminés présents dans le raisin, « mais leur production n'est pas focalisée sur l'éthanol. Elles libèrent très souvent des esters, des acétates, de l'éthanal. Elles se caractérisent par des activités enzymatiques particulières. Et la plupart produisent de l'acidité volatile en quantité élevée », décrit Morvan Coarer. En raison de la multitude d'espèces et de souches de NS, ces levures ont des activités physiologiques très étendues. Cependant, « on peut citer la faible production d'alcool et la cryotolérance comme point commun à beaucoup de NS. Elles se développent mieux à basse température », ajoute Isabelle Masneuf-Pomarède.

Y'a-t-il des conditions physico-chimiques préférentielles pour leur déveleppement ?

« Les levures NS sont majoritaires lors des étapes préfermentaires, notamment durant la macération pelliculaire en vinification en blanc et lors de la macération préfermentaire à froid en vinification en rouge. Leur population est maximale lors du démarrage de la fermentation alcoolique (FA) », écrit Katharina Zott, auteur d'une thèse sur le sujet.

Après encuvage, leur développement est lié aux conditions de température du milieu et à l'ensemencement avec S. cerevisiae.

Pourquoi S. cerevisiae est-elle dominante pendant la fermentation ?

S. cerevisiae prend le pas sur les levures NS pour un ensemble de raisons. Parmi toutes les levures présentes, elle est la meilleure pour fermenter les sucres en alcool dans les conditions du milieu : elle n'est pas limitée par la baisse de l'oxygène disponible, ni par l'augmentation du niveau d'éthanol. Le facteur « killer » peut lui aussi jouer un rôle. Et il faut souligner que, par simple effet de contact, S. cerevisiae peut être fatale aux autres espèces : c'est l'effet « cell-cell contact ». Enfin, la colonisation spatiale du milieu par S. cerevisiae empêche tout simplement le développement d'autres espèces comme Brettanomyces.

Pour toutes ces raisons, « au cours de la fermentation alcoolique d'un moût levuré, la population des NS se maintient entre 1 et 10 % des levures totales », explique Isabelle Masneuf-Pomarède.

Quelles espèces présentent le plus d'intérêt œnologique ?

Certaines espèces comme Hanseniaspora occidentalis ont des capacités désacidifiantes intéressantes. T. delbrueckii produit peu d'acidité volatile, a de bonnes capacités fermentaires et fabrique de l'acétate d'isoamyle à l'odeur de banane.

Katharina Zott a montré que certaines espèces sont capables de former les thiols volatils à partir de leurs précurseurs présents dans le moût. Ainsi, T. delbruekii et Metschnikowia pulcherrima se révèlent intéressantes pour la libération du 4MSP (4-méthyl-4-sulfanylpentan-2-one) aux notes de buis et du 3SH (3-sulfanylhexan-1-ol) qui rappelle le pamplemousse.

Quelles espèces sont disponibles sur le marché et pour quels vins ?

A l'heure actuelle, les préparations commerciales de NS ne sont pas nombreuses. Begerow a lancé une levure « sauvage », Lallemand et Chr. Hansen proposent chacun une souche de T. delbruekii. Chr. Hansen propose également un mélange de S. cerevisiae avec Kluyveromyces thermotolerans.

Outre les capacités de libération des thiols, les fabricants mettent en avant que leurs levures NS contribuent à la complexité aromatique des vins et augmentent leur rondeur en bouche. Lallemand recommande l'utilisation de sa Torulaspora sur vins blancs. Chr. Hansen explique que les résultats se révèlent également intéressants sur vins rouges.

De plus, sur les vins blancs moelleux issus de vendanges tardives, l'emploi de T. delbruekii entraînerait une production d'acidité volatile moindre.

L'intégration au moût se fait par co-inoculation ou en inoculation séquentielle. Dans ce dernier cas, les fabricants préconisent de réactiver la levure NS dans de l'eau entre 25 à 30°C. La réactivation et l'intégration à la cuve s'effectuent ensuite de la même manière que pour une S. cerevisiae. Les doses d'emploi sont de 15 à 20 g/hl. L'inoculation du moût en S. cerevisiae se réalise 24 à 48 heures après, lorsque la densité a chuté de 10 à 15 points.

Chez Chr. Hansen, il faut compter 40 €/kg pour les mélanges S. cerevisiae /NS et 80 €/kg pour la Torulaspora pure destinée à l'inoculation séquentielle.

Quelles sont les limites à leur utilisation ?

Pour l'heure, les limites liées à l'utilisation de levures NS en vinification sont de deux ordres. D'un côté, l'étendue du champ de recherche et de sélection des souches est immense. Les chercheurs font face à un domaine plus vaste encore que celui offert par S. cerevisiae.

L'autre limite touche à la technologie de production. Le séchage, en particulier, est une étape de production cruciale durant laquelle la viabilité des levures est difficile à préserver.

Des propriétés fermentaires séduisantes

Les non saccharomyces peuvent transformer les précurseurs soufrés en thiols volatils Crédit photos:Microflora

Les non saccharomyces peuvent transformer les précurseurs soufrés en thiols volatils Crédit photos:Microflora

HANSENIASPORA UVARUM se rencontre dans presque tous les moûts.

HANSENIASPORA UVARUM se rencontre dans presque tous les moûts.

CERTAINES SOUCHES de Metschnikowia pulcherrima se révèlent intéressantes pour la libération de thiols volatils.

CERTAINES SOUCHES de Metschnikowia pulcherrima se révèlent intéressantes pour la libération de thiols volatils.

Les non Saccharomyces restent viables pendant la fermentation

Les non Saccharomyces restent viables pendant la fermentation

Elles sont présentes dans tous les moûts. Les chercheurs s'y intéressent de plus près depuis une dizaine d'années. Elles font aujourd'hui leur apparition dans des préparations commerciales. Revue de leur intérêt en vinification.

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