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Thérèse-Anne Amy, avocate chez Baker & McKenzie SCP, à Paris « Maîtrisez le risque douanier »

Propos recueillis par Aude Lutun - La vigne - n°218 - mars 2010 - page 85

LA VIGNE : Que vérifient les agents des Douanes lorsqu'ils viennent sur une propriété ?

Thérèse-Anne Amy : Ils s'assurent que vous respectez la réglementation et que votre activité est sans préjudice pour les finances publiques. Le Livre des procédures fiscales, appliqué par les Douanes en matière de contributions indirectes, distingue le droit de contrôle dans les locaux professionnels et le droit de visite en tous lieux, même privés. Dans le premier cas, l'intervention chez les viticulteurs est limitée aux chais et ne peut avoir pour objet que de vérifier les déclarations de récolte ou de stocks et de prélever des échantillons de vendanges, de moûts ou de vins. Dans le second cas, la procédure est encadrée, sauf flagrance, par le juge du tribunal de grande instance du ressort où se trouvent les locaux à visiter.

Comment prévenir les problèmes en cas de contrôle ?

T.-A. A. : Il faut que vous vous organisiez, en interne, pour être en règle en cas de contrôle. Les entreprises méconnaissent souvent le risque douanier. Il faut gérer la douane avec la même exigence que les impôts directs ou la TVA. Or, la réglementation des contributions indirectes est mal maîtrisée, voire méconnue, et le risque financier est sous-estimé. Si le maître de chai est une fonction clé, il ne faut pas négliger le rôle du responsable régie. Pour responsabiliser le personnel et gagner en polyvalence, les entreprises vitivinicoles ont intérêt à consigner les procédures par écrit.

Quelles sont les erreurs à ne pas commettre ?

T.-A. A. : Les viticulteurs ne peuvent pas empêcher les vérifications. Ils doivent déclarer aux agents les quantités de boissons existantes dans les fûts, foudres ou autres récipients. Faire obstacle au bon déroulement du contrôle douanier (refus d'accès au caveau sous prétexte de période d'assemblage ou d'inventaire, refus de répondre systématiquement aux questions) est une grave erreur. Les agents peuvent relever une opposition à fonction, infraction qui rendra plus difficile la suite du contrôle. La coopération est essentielle. Mais le contrôle doit se dérouler dans le respect mutuel. Vous avez des droits, dont celui de faire valoir votre point de vue et votre bonne foi.

Peut-on demander aux Douanes un délai pour fournir les documents nécessaires au contrôle ?

T.-A. A. : Oui. Il ne faut pas hésiter à faire une telle demande quand vous êtes en pleine vinification, quand vous partez à un salon professionnel ou si le responsable de régie est en vacances. Les douanes préviennent rarement de leur venue avant le contrôle, car leur intérêt est de maintenir l'effet de surprise. Cela ne vous permet pas d'anticiper, mais légitime la demande de délai.

Faut-il proscrire Excel ?

T.-A. A. : Oui. La comptabilité-matières (CM) doit être sécurisée. Vous ne devez pas pouvoir effacer une écriture, sinon les Douanes peuvent considérer que la CM est suspecte de fraude et procéder à une reconstitution à partir d'autres justificatifs. L'usage d'Excel, encore très répandu, est à proscrire au profit d'un logiciel conforme aux exigences de la loi.

Peut-on modifier un procès-verbal ?

T.-A. A. : Oui, si le procès-verbal (PV) mentionne des faits ou des propos différents de ceux que vous avez tenus, il faut les faire modifier. En cas de désaccord, la personne contrôlée a le droit d'écrire des remarques en fin de PV dans la case « Déclarations de(s) la personne(s) mise(s) en cause » : « J'ai demandé à faire rectifier telle phrase. Les faits (ou déclarations) qu'il faut retenir sont… » Dès lors, cela ne sert à rien de refuser de signer le PV. Le PV d'infraction, rédigé en fin de contrôle, servira de fondement pour l'avis de mise en recouvrement des contributions indirectes. Il faut le relire attentivement et faire valoir de façon synthétique vos arguments et votre bonne foi !

Quels sont les recours possibles ?

T.-A. A. : En cas d'infraction, un avis de mise en recouvrement (AMR) vous est envoyé. Pour obtenir un sursis de paiement, vous pouvez contester l'AMR et présenter une garantie financière. En cas de désaccord sur l'infraction, il est possible de régler et procéder à une contestation. Un principe : ne jamais faire le mort quand on reçoit un AMR ! Si les douanes rejettent votre contestation, vous pouvez saisir le tribunal de grande instance. Et surtout, pensez à formaliser vos échanges avec les Douanes par écrit.

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PARCOURS

1993-2007 : avocate spécialisée en droit communautaire et réglementation des douanes chez CMS-Francis Lefebvre, puis chez Ernst & Young société d'avocats.

Depuis fin 2007 : accompagne les entreprises lors de leurs contentieux en douane et contributions indirectes chez Baker & McKenzie.

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