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DOSSIER - Raisonné-bio : Le match

Rendements et qualité : mieux en raisonné

La vigne - n°220 - mai 2010 - page 32

En bio, les rendements sont moindres. Et, certaines années de forte pression maladie, la qualité des raisins peut être mise à mal.

Qui garantit de bons rendements ?

Sur le terrain, tout le monde s'accorde à dire que les rendements en bio sont souvent moindres. « En règle générale, ils sont inférieurs de 10 à 15 %. Mais tout dépend de l'âge des vignes et de la pression parasitaire », affirme André Chatenoud, le président du syndicat des vins bios d'Aquitaine.

Les essais confirment ces observations. Le CIVC a mis en évidence une baisse des rendements de 25 % en moyenne en bio par rapport à la viticulture raisonnée. « Le corollaire, c'est que les rendements sont plus réguliers en bio », souligne Arnaud Descôtes.

Dans l'essai du Beaujolais, les expérimentateurs ont également noté un poids des sarments inférieur de 20 à 30 % en bio par rapport à la viticulture raisonnée et conventionnelle. « Nous avons eu une grosse baisse de vigueur en bio par rapport aux autres modes de conduite. Cela peut s'expliquer par l'introduction du travail du sol. La parcelle d'essai n'avait jamais été travaillée auparavant. Nous avons entamé cette démarche. On a détruit des racines de vignes. De plus, nous avons démarré en 2003, une année où la vigne a été stressée par la sécheresse », analyse Bertrand Chatelet. Cette baisse de vigueur s'est ressentie sur les rendements qui ont été amputés de moitié dans le bio. « Dans ce mode de conduite, les grappes sont moins nombreuses et plus petites », ajoute Bertrand Chatelet.

Pour le mildiou, Bertrand Chatelet explique que les années de forte pression, il a eu plus de difficulté à maîtriser la maladie en bio. Mais globalement il n'y a pas eu de destruction de récolte. En Bourgogne, en 2008 c'est une attaque de mildiou qui a pénalisé les rendements de 32 % en bio. En revanche, en 2009, il n'y a pas eu de différences selon les modes de production.

Nos voisins suisses ont également mis en évidence le poids des baies plus faible en bio qu'en viticulture intégrée, entraînant une récolte plus faible. Les différences ont été particulièrement marquées lors des années sèches, alors qu'en millésime humide, les écarts n'ont pas été perceptibles.

RÉSULTAT : Avantage à la viticulture raisonnée.

Qui préserve le mieux l'état sanitaire des raisins ?

Les suivis « Biofilière » du CIVC montrent que le millésime et le terroir ont un effet supérieur au mode de production sur les attaques de botrytis. Néanmoins, en tendance, l'interprofession observe plus d'attaques dans les parcelles en bio. « De 2002 à 2007, l'intensité moyenne de la maladie était de 3 % en viticulture durable et de 8 % en bio, annonce Arnaud Descôtes, responsable environnement au CIVC. Certes, la vigueur est plus faible dans les vignes en bio, mais on n'a pas d'antibotrytis efficace. »

Dans le Beaujolais, les expérimentateurs observent des résultats inverses. « Cela est lié à la faible vigueur des vignes et à la moindre compacité des grappes en bio », commente Bertrand Chatelet.

En Bourgogne, sur les trois années d'essai, seule 2008 fut problématique. Cette année-là, fin août, la parcelle bio présentait 12,8 % d'attaque de mildiou et celle en raisonnée 2 %.

En Suisse, les chercheurs observent que la lutte contre le mildiou et l'oïdium est satisfaisante dans les deux modes de production. Mais les années de forte pression d'oïdium, les traitements en bio sont moins efficaces qu'en viticulture intégrée.

RÉSULTAT : Variable selon les années et les régions.

Y a-t-il un effet sur la maturité ?

Passer en bio modifie-t-il la maturité des raisins ? L'étude biofilière du CIVC montre qu'il n'y a pas de différence de degré potentiel à la vendange entre le bio et le raisonné.

En revanche, elle met en évidence une acidité totale des moûts toujours un peu supérieure dans les parcelles bio. « Les pH sont un peu plus bas, de l'ordre de 0,05 unité. C'est loin d'être négligeable », rapporte Arnaud Descôtes. Selon lui, cette différence pourrait être liée à la présence systématique d'enherbement dans les parcelles conduites en bio.

De son côté, Bertrand Chatelet ne note aucun écart d'acidité ni de pH entre les deux modes de conduite.

« En revanche, comme les rendements sont bien plus faibles en bio, les moûts sont plus riches en polyphénols. Ils contiennent 10 à 15 % de tanins de plus que ceux issus des viticultures traditionnelles et raisonnées », précise-t-il. Mais la richesse en sucre est la même dans tous les cas.

En Bourgogne, on n'a pas trouvé de différence qualitative.

RÉSULTAT : Difficile de se prononcer.

Y a-t-il un effet sur le profil des vins ?

Dans le programme Biofilière du CIVC, environ 150 dégustations à l'aveugle ont été réalisées pendant une dizaine d'années. Ces dégustations ont porté sur des vins clairs, puis sur des champagnes, un, deux et trois ans après tirage. « Une fois sur deux, les dégustateurs ont trouvé des différences significatives entre les vins bios et ceux de la culture raisonnée (durable). Toutefois, aucune préférence ne se dégage. Fraîcheur, nervosité, notes de pâtisserie et une tendance à l'évolution caractérisent les vins bios. Gras, rondeur et notes toastées décrivent plutôt les vins issus de la viticulture durable », remarque Arnaud Descôtes.

En Bourgogne, les premiers vins ne seront vinifiés qu'en 2010. Il faudra attendre encore quelques années avant d'avoir des résultats.

RÉSULTAT : Oui d'après les observations en Champagne.

Y a-t-il un effet sur la présence de contaminants ?

Le CIVC a recherché certains contaminants endogènes (ochratoxine A, carbamate d'éthyle, amines biogènes) ou exogènes (résidus de produits phytosanitaires, éléments métalliques) dans les vins des parcelles qu'il suit dans le cadre de son programme Biofilière. « Tous les feux sont au vert », se réjouit Arnaud Descôtes.

Le CIVC a détecté des traces de résidus de produits phytos dans pratiquement tous les lots de vins issus de la viticulture raisonnée. « Mais les teneurs sont extrêmement faibles, de l'ordre de 1 % de la LMR raisins », indique Arnaud Descôtes. Parfois, des traces infimes ont également été retrouvées dans les lots de vins bios.

S'agissant des métaux lourds, les teneurs en cuivre dans les moûts issus de raisins bios sont de l'ordre de 6 mg/l contre 1,5 mg/l en viticulture durable. « Mais une fois les vinifications terminées, les concentrations sont extrêmement faibles et il n'y a plus de différences », note Arnaud Descôtes.

Quant aux autres paramètres, les valeurs sont identiques en bio et en viticulture raisonnée (durable). Elles sont faibles ou très faibles et restent toujours inférieures ou égales aux valeurs habituellement retrouvées dans les champagnes.

Dans les autres régions, les expérimentateurs ne se sont pas penchés sur la question.

RÉSULTAT : Non pas d'effet.

Trop risqué de réduire de 50 % les phytos

Dans l'essai où elle compare le bio au raisonné, la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire a introduit une modalité « viticulture Ecophyto 2018 » où elle a pour objectif de réduire d'au moins 30 % les produits phytosanitaires, pour arriver à 50 % au terme de l'essai, comme le plan Ecophyto du gouvernement. Tous les traitements ont été réalisés en pulvérisation face par face avec assistance d'air. Au final, les expérimenteurs ont économisé 42 % de quantité de matière active en moyenne sur trois ans par rapport à la viticulture durable. Ils ont gagné un passage. En 2007 et 2009, la protection phytosanitaire a été satisfaisante. Mais en 2008, la pression de mildiou a été exceptionnelle. La partie de la parcelle conduite en « viticulture Ecophyto » a subi une perte de récolte de 27 %. « Tout le monde est unanime pour dire que la réduction de 50 % des phytos est un objectif très ambitieux. En viticulture, nous avons peu de chance d'y arriver. Une réduction de 10 à 30 % est peut-être jouable mais pas tous les ans », pense Philippe Crozier, de la chambre d'agriculture.

Le Point de vue de

« Des revenus plus constants en viticulture raisonnée »

Didier Vazel, président de Terra vitis et vigneron, à Martigné-Briand (Maine-et-Loire)

Didier Vazel, président de Terra vitis et vigneron, à Martigné-Briand (Maine-et-Loire)

« Avec Terra vitis, nous avons une approche globale. Nous limitons le plus possible les impacts sur l'environnement tout en maintenant une récolte correcte en quantité et en qualité. Notre objectif est de garantir la rentabilité de nos exploitations pour pouvoir les transmettre à nos enfants. En bio, la baisse des rendements est significative. Les essais réalisés dans le Beaujolais montrent que le niveau de récolte y est deux à quatre fois inférieurs par rapport à la viticulture raisonnée et conventionnelle. Cette baisse résulte d'une moindre vigueur liée au travail du sol. A cela s'ajoutent les pertes engendrées par les attaques de mildiou, d'oïdium ou encore de blackrot les années où le climat est favorable à ces maladies. Les bios ne disposent que de produits de contact qu'il faut renouveler à chaque pluie. Ils n'ont aucune possibilité de rattrapage.

En raisonnée, nous avons plus de choix au niveau des intrants et nous pouvons opter pour des produits avec une bonne persistance d'action. C'est plus sécurisant. Cela nous assure des volumes quasi proches des rendements des décrets d'appellation et donc une rémunération plus constante. Il est vrai qu'aujourd'hui les pertes de récolte que peuvent avoir les bios sont compensées par une meilleure valorisation des vins. Mais tout dépend des circuits de distribution. Et, est-ce que cela va durer si l'offre en bio augmente ? »

Le Point de vue de

« Il faut supporter les surcoûts »

Jean-Michel Borja, président de la cave de Clairmont (Drôme) © J.-C. GRELIER/GFA

Jean-Michel Borja, président de la cave de Clairmont (Drôme) © J.-C. GRELIER/GFA

« Ma femme, notre fils et moi-même avons converti nos 38 ha de vignes en bio en 1997. Nous adhérons à la SCA cave de Clairmont où nous représentons 30 % des apports. Suite à notre conversion, nous n'avons pas subi de baisse significative des rendements, mais ils n'étaient déjà pas très élevés (40 à 45 hl/ha).

En revanche, les années très difficiles comme 2002 ou 2008, nous avons dû faire plus de tri, du fait d'importantes attaques de botrytis. Faire du bio demande une vigilance accrue, aussi bien pour les aspects sanitaires que pour l'entretien du sol et du végétal. Ce n'est pas facile lorsqu'on gère une grosse exploitation, notamment pour les traitements : il nous faut deux jours et demi pour tout traiter. Nos coûts de production ont augmenté de 25 à 30 %. Une part importante de cette hausse est liée aux charges de mains-d'œuvre, plus lourdes. Le coût des achats de matières premières est aussi plus élevé. Les aides à la conversion ont été les bienvenues. Cependant, sans l'opportunité d'un contrat pluriannuel garantissant la vente des vins bios, cette conversion aurait été plus hasardeuse. Ce contrat est établi avec un négoce local. Il ne dégage pas une plus value importante, mais il permet d'absorber les surcoûts dans un cadre sécurisé à moyen terme. Et une petite partie de notre production est mise en bouteilles par la cave. Elle constitue un complément de gamme bien valorisé. »

Cet article fait partie du dossier Raisonné-bio : Le match

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