FRANÇOIS BOYER ET SA SŒUR FANNYMOLINIÉ ont soigné l'entrée de la propriété. Ils ont créé cette allée, bordée de cyprès et d'oliviers, de 300 mètres de long qui mène au chai et au caveau. A 100 m de là, ils ont installé une jarre géante et une borne milliaire romaines, en écho à laromanité de Nîmes. De quoi épater les visiteurs.
La jarre géante et la borne milliaire romaines au bord de la route attirent immanquablement l'œil. Cent mètres plus loin, une superbe allée de terre blanche conduit au château Beaubois, à Franquevaux (Gard), en appellation Costières-de-Nîmes. Longue de 300 mètres, bordée de cyprès et d'oliviers, cette allée donne une sacrée allure à l'entrée du domaine.
Fanny Molinié, 36 ans, et son frère François Boyer, 32 ans, viennent tout juste de finir ces embellissements qui font partie de leur stratégie de valorisation. Le site est superbe : en pleine nature, à vingt minutes de Nîmes, il domine les étangs de la petite Camargue. Il y a là un potentiel à mettre en avant pour attirer davantage de clients au caveau, ouvert sept jours sur sept.
L'aménagement de l'entrée est une étape importante de la montée en gamme initiée dès leur arrivée. Frère et sœur débutent comme salariés sur le domaine des parents dans la perspective de le reprendre. Fanny arrive en 1996, François en 1998. En plein accord avec leurs parents, ils décident de relever la qualité des vins, de monter les prix et de créer des cuvées haut de gamme. La stratégie porte ses fruits.
Ils ont augmenté le prix de leur entrée de gamme de 4,5 % par an
Ils réussissent à augmenter de 4,5 % par an en moyenne l'entrée de gamme, le Château Beaubois Expression, pour l'amener à 5,70 €/col TTC aujourd'hui. Ils doublent les ventes en bouteilles à 150 000 cols auxquels s'ajoutent 8 000 Bibs à la place de 800 hl vendus en petit vrac à la tireuse. Ils enregistrent une progression du chiffre d'affaires de 4 à 8 % par an depuis 2000, hormis en 2008.
Ils maîtrisent bien leurs charges, avec une moyenne de 10 % en dessous des confrères de l'appellation. Point capital, ils élaborent leur tarif en fonction des coûts de revient : par exemple, ils savent que leur entrée de gamme leur revient à 2,60 €/col.
« Nos parents ont bien préparé le terrain », estiment-ils. Ceux-ci ont démarré la restructuration du vignoble dès 1989. En vingt ans, la famille a planté ou replanté 40 hectares de vigne alors que le domaine en fait 50. Elle a introduit de nouveaux cépages afin d'élargir la palette et la complexité des vins : mouvèdre, marselan, cinsault, vermentino et viognier.
En 2004, Fanny, responsable du chai, de l'administratif et des ventes, s'adjoint les services de l'œnologue-conseil héraultais Jean Natoli. Il l'aide à asseoir la notoriété des vins. Depuis, elle tient davantage compte de la maturité phénolique de chaque cépage pour vendanger. Au chai, elle est plus méticuleuse.
« Confidence » en blanc et en rouge, des vins vendus à 10 € TTC, voit le jour en 2005. Le rosé Elégance est créé en 2007. Les étiquettes et le packaging sont sobres et modernes. La notoriété est au rendez-vous. Le domaine est cité dans tous les guides et fait l'objet d'articles de presse en France et à l'étranger. Aujourd'hui, les six vins vendus entre 8 et 17 € représentent 20 % des ventes en bouteilles, une part qu'ils entendent porter à 30 voire 40 %.
Très tôt, ils s'attellent à renforcer leur image en communiquant sur le respect de l'environnement. « Il faut en passer par là pour mieux valoriser nos vins », souligne Fanny. Ils adhèrent à la « Charte paysagère » du syndicat d'appellation qui vise à mettre en avant le respect des paysages. Ils rappellent systématiquement qu'ils ont adhéré dès 2001 à la charte d'agriculture raisonnée Terra Vitis et que le domaine a été qualifié en agriculture raisonnée en 2004.
Ils communiquent clairement sur leurs pratiques : depuis 2001, ils recyclent tous les déchets. La même année, ils ont enherbé un rang sur deux, alors qu'avant les sols étaient intégralement désherbés. Depuis 2004, ils emploient la confusion sexuelle contre les tordeuses. Puis ils ont démarré l'enherbement naturel maîtrisé.
Ils expliquent à leurs clients que la suite logique de cette démarche est la conversion en bio qu'ils ont démarrée sur 11 hectares en 2009. Mais « avec le travail du sol intégral, obligatoire en bio, c'est l'inconnu, affirme François. Un tracteur et un outil de travail du sol seront nécessaires pour 25 hectares. » Et il faudra peut-être embaucher pour le travail à la vigne. Le domaine bénéficie toutefois de subventions : 3 200 euros pour investir dans le matériel et 350 €/ha, soit plus de 3 850 euros par an pendant trois ans, d'aide à la conversion. « On ne pourra pas augmenter le prix des vins du jour au lendemain, souligne Fanny. Mais nous commençons à préparer nos clients. »
Avec l'ouverture cet été d'un gîte qui complète l'attractivité touristique, tout est prêt pour vendre en direct l'ensemble de la production. Avec une meilleure valorisation à la clef.
Et si c'était à refaire ? « Nous chercherions des marchés avant d'investir dans la vigne »
« Pendant vingt ans, nos parents puis nous-mêmes, à leur succession, avons investi dans la vigne sans avoir les marchés correspondants.
Nous avons donc longtemps vendu une part importante de nos vins en vrac, en perdant de l'argent. Cela a déséquilibré notre trésorerie jusqu'en 2000, année où la restructuration du vignoble a commencé à porter ses fruits. Si c'était à refaire, nous ferions l'inverse : nous chercherions d'abord des débouchés valorisants. Par ailleurs, en 1989, nos parents ont repris un domaine de 17 ha en viager, en vue de notre installation. Ils ont payé 180 000 euros et ont convenu d'un loyer que nous avons versé jusqu'en 2004. Aujourd'hui, nous négocierions davantage le prix. Enfin, nous aurions dû commencer la conversion en bio il y a une dizaine d'années, de manière à ce que l'ensemble du domaine soit certifié aujourd'hui. »