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VIGNE

Le Midi en état d'alerte contre l'oïdium

La vigne - n°220 - mai 2010 - page 36

En 2009, des vignerons du Languedoc-Roussillon ont eu du mal à venir à bout de l'oïdium. Tous les conseillers ont recommandé un démarrage plus précoce des traitements afin de sécuriser la lutte. Dans les autres vignobles, il n'en est pas question. Mais en Bourgogne, certains s'interrogent.
OÏDIUM DRAPEAU. Il y a eu un développement rapide et précoce du champignon en 2009 dans le Midi qui a conduit à des échecs. © Y. BUGARET/ INRA

OÏDIUM DRAPEAU. Il y a eu un développement rapide et précoce du champignon en 2009 dans le Midi qui a conduit à des échecs. © Y. BUGARET/ INRA

« En cas d'attaque précoce de l'oïdium, nous avons des grappes fortement touchées et préjudiciables pour la qualité des vins », observe Jacques Rousseau, responsable du département vigne et vin de l'Institut coopératif du vin qui étudie l'impact des attaques d'oïdium sur les déviations organoleptiques. Faut-il pour autant avancer la date de début de traitement contre le champignon sur les parcelles sensibles ? Pour BASF Agro, cela ne fait pas de doute. « Mieux vaut assurer la lutte dès le début, quitte à l'arrêter plus tôt », acquiesce Catherine Gauthier, responsable marketing mildiou, oïdium et herbicides.

« Un gros stock d'inoculum dans certaines parcelles »

En Languedoc-Roussillon, les préconisations iront dans ce sens pour cette campagne. 2009 fut une grosse année oïdium avec des dégâts sur des cépages habituellement tolérants, comme le merlot. « Il y a eu un développement rapide et précoce du champignon qui a conduit à des échecs, reconnaît Emmanuel Rouchaud, chef du service viticulture-œnologie de la chambre d'agriculture de l'Aude. De ce fait, cette année, nous avons conseillé de démarrer les traitements dans les parcelles sensibles dès le stade 5-6 feuilles étalées au lieu de 10-12 habituellement. »

Une préconisation confirmée par Bernard Molot, responsable du pôle Rhône-Méditerranée de l'IFV (Institut français de la vigne et du vin). « Il y a un gros stock d'inoculum d'oïdium dans certaines parcelles, et dans ces situations il va falloir commencer plus tôt », indique-t-il. Dans les autres cas, inutile de changer la date du premier traitement. Toutefois, la vigilance s'impose. « Nous recommandons à tous les vignerons d'observer attentivement dans les parcelles l'apparition des symptômes sur les stades de préfloraison », insiste Emmanuel Rouchaud.

Dans les autres régions viticoles, les conseillers n'ont pas chamboulé leurs préconisations. « En Champagne, nous avons revu notre stratégie de lutte contre l'oïdium en 2004, explique Marie-Laure Panon, chef de projet protection du vignoble au CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne). Nous ne la remettons pas en cause aujourd'hui, afin d'éviter une surconsommation de produits phytosanitaires. » Ainsi, les viticulteurs champenois sont invités à démarrer les traitements entre les stades 7-8 feuilles et 10 feuilles étalées, comme d'habitude.

« Mais nous constatons, sans l'expliquer, que les années paires sont plus sensibles : 2010 constitue donc une année à risque. Dans les situations difficiles, nous conseillerons un traitement de rattrapage à la fin de la floraison mais pas un démarrage plus précoce », ajoute Marie-Laure Panon

Statut quo en Provence

La région Provence-Alpes-Côtes-d'Azur suit la même logique. « Nous allons commencer les traitements au stade 10–12 feuilles étalées, comme d'habitude, répond François Bérud, conseiller viticole à la chambre d'agriculture du Vaucluse. Ce n'est pas parce qu'il y a de grosses attaques, qu'il faut démarrer plus tôt. Il faut surtout traiter mieux ! »

Dans le Var, la stratégie fenêtre n'est pas non plus remise en question. « Avant, les vignerons commençaient très tôt, au stade 2-3 feuilles étalées, relate Matthieu Combier, conseiller à la chambre d'agriculture du Var. Maintenant, nous commençons les traitements autour de dix feuilles en encadrant parfaitement la floraison : les vignerons s'en tirent mieux comme cela. »

En Bourgogne, des explosions d'oïdium sont apparues tardivement en 2009, sans signes avant-coureurs. Cela justifie-t-il d'avancer les traitements ? « Non, répond Pierre Petitot, conseiller à la chambre d'agriculture de Côte-d'Or. Nous restons sur notre préconisation de démarrer les programmes à 7-8 feuilles étalées et nous serons surtout vigilants autour de la période de la fermeture de la grappe. »

Etre vigilant et mieux traiter

Bourgogne Viti Service, un négociant en produits phytos basé à Beaune, s'accorde sur l'attention à accorder à la fin de la campagne de protection. Mais il s'interroge sur le positionnement du premier traitement. « Est-ce que ces problèmes ne viennent pas d'un démarrage trop tardif ? » demande Gilbert Gagnepain, technicien chez BVS. Dans le doute, BVS conseille à ses clients de démarrer plus tôt, dès le stade 5-6 feuilles.

Reste que la qualité de la pulvérisation prime avant tout. « Beaucoup de viticulteurs qui commencent au stade 4-5 feuilles étalées n'ont pas moins d'oïdium dans leur parcelle, insiste Marie-Laure Panon. La grande majorité des échecs est due à la pulvérisation et au non-respect des cadences. »

Les attaques précoces sont les plus préjudiciables

L'ICV (Institut coopératif du vin) et BASF Agro ont évalué l'impact de l'oïdium sur la qualité des vins. Ils ont travaillé sur le carignan en 2006 et 2007 et sur le chardonnay en 2007 et 2008. Premier constat : dès 9 à 13 % de baies touchées dans un lot vinifié, des arômes indésirables apparaissent dans les vins. La concentration en arômes phénolés comme l'eugénol (clou de girofle) ou le zingérone (gingembre) est multiplié par 1,6 lorsqu'il y a 13 % d'oïdium. Elle est multipliée par 2,2 à 2,7 lorsqu'il y a 30 % de baies touchées. Les attaques d'oïdium favorisent aussi les arômes herbacés et de champignons. Elles entraînent des pertes d'acide tartrique, une hausse du pH et de la teneur en polyphénols. Tout cela entraîne une instabilité de la couleur et une fragilité microbiologique. L'ICV a soumis les vins à un jury.

Dès 8 % d'oïdium, les dégustateurs décèlent des arômes atypiques animaux, végétaux ou de moisi. Ils notent une sécheresse en bouche.

Ces défauts deviennent plus marqués au-delà de 13 % d'oïdium. Sans compter qu'à ce taux, aucune correction œnologique n'est possible. En revanche, à 4 % d'oïdium, les dégustateurs jugent les vins comparables au témoin, voire plus concentrés. Les grappes attaquées à plus de 50 % et présentant des baies nanifiées sont celles qui nuisent à la qualité. Elles résultent d'attaques précoces. S'il y en a plus de 10 % à la récolte, la qualité des vins est pénalisée. EN revanche, la présence de grappes avec juste un petit feutrage blanc sur quelques baies n'est pas préjudiciable. Ce qui signifie que des attaques tardives sont tolérables.

Le choix du premier traitement est décisif

L'objectif du premier traitement est de sécuriser l'efficacité de l'ensemble du programme. « Nous recommandons de démarrer la lutte avec des matières actives ayant un effet stoppant contre l'oïdium », indique Emmanuel Rouchaud, chef du service viticulture-œnologie de la chambre d'agriculture de l'Aude. La note nationale oïdium précise que ces substances sont les suivantes : soufre poudre, tébuconazole (Corail), penconazole (Topaze), krésoxim-méthyl (Stroby DF), pyraclostrobine (Cabrio) et trifl oxystrobine (Consist, Flint). En revanche, il faut éviter les produits comme le quinoxyfen (Legend, Elios) dont l'action est strictement préventive. « Ces choix sont importants surtout si le premier traitement est tardif, démarrant au stade bouton floraux séparés, explique Bernard Molot, responsable du pôle Rhône-Méditerranée de l'IFV. Si les viticulteurs faisaient les bons choix de produits dès le début, s'ils traitaient avec un pulvérisateur bien réglé, nous n'aurions pas besoin de démarrer plus tôt les traitements, même en cas de fortes attaques d'oïdium l'année précédente. »

Le Point de vue de

Jean-Marc Calmet, vigneron sur 55 hectares à Arzens, dans l'Aude

« J'ai démarré dès le stade 4-5 feuilles étalées »

Jean-Marc Calmet, vigneron sur 55 hectares à Arzens, dans l'Aude

Jean-Marc Calmet, vigneron sur 55 hectares à Arzens, dans l'Aude

« En 2009, pour la première fois, environ 10 hectares de merlot ont été attaqués par l'oïdium. Les dégâts étaient sévères : près de la moitié de ma récolte a été touchée. Nous ne connaissons pas la cause exacte, même si les analyses du laboratoire de la Protection des végétaux de Bordeaux ont montré une légère résistance aux IDM (également dénommés IBS 1), de 16 à 17 %.

De ce fait, cette année, j'ai démarré mon programme plus tôt, dès 4-5 feuilles étalées avec Karathane. Objectif : nettoyer la parcelle. J'ai ensuite changé mon programme en réduisant les IDM. Ainsi, Corail passe à une seule application au lieu de deux. Avant, je l'utilisais en premier traitement. Là, après le premier traitement au Karathane, j'ai appliqué Prosper qui sera suivi de Flint. Les produits Elios et Collis encadreront la fleur. Je finirais par Corail puis, éventuellement, Talendo en fonction de la pression sur la parcelle. Sur mes autres parcelles, je n'ai pas eu de dégâts l'an dernier. J'ai décidé de ne rien changer et de démarrer la lutte au stade 8-10 feuilles, avec Corail. »

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