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VIGNE

Ils augmentent les rendements pour rester rentables

Frédérique Ehrhard - La vigne - n°220 - mai 2010 - page 38

Sur certains segments de marché, on peut améliorer les rendements tout en répondant aux critères de qualité demandés. Des vignerons du Midi ont fait ce choix. Ils irriguent, allongent la taille et soignent la fertilisation. Témoignages.

Le Point de vue de

« Nous allons nous concentrer sur moins de surface »

Pierre Calmettes, vigneron coopérateur à Sainte-Eulalie (Aude), 35 ha principalement en IGP Pays d'Oc © F. EHRHARD

Pierre Calmettes, vigneron coopérateur à Sainte-Eulalie (Aude), 35 ha principalement en IGP Pays d'Oc © F. EHRHARD

Son constat

« Nous subissons les prix du marché. Mais nous retrouvons une marge de manœuvre et une rentabilité en augmentant les rendements. Depuis que nous irriguons, nous avons aussi la satisfaction de pouvoir mener jusqu'au bout de belles grappes au lieu de les voir se dessécher sans arriver à mûrir ! L'an dernier, nous avons arraché 10 ha de vieilles vignes.

Maintenant, nous allons nous concentrer sur moins de surface, avec plus de rendement sur les parcelles restantes. Cette année, nous allons irriguer 7 ha de plus, et commencer à pratiquer la taille rase de précision. Ainsi, nous devrions maintenir notre production tout en libérant du temps pour soigner le travail du sol. »

Ses investissements

« J'ai commencé à irriguer en 2005. En 2009, j'avais 5 ha en goutte-à-goutte, alimentés par le Bas Rhône Languedoc. L'eau me coûte 100 €/ha. Cette année, je vais équiper 7 ha de plus grâce à une avance à taux zéro de ma coopérative, remboursable en quatre ans. »

Son expérience

« En 2005, nous avons irrigué une première parcelle de merlot qui descendait à 50 hl/ha les années sèches. Depuis, elle donne régulièrement plus de 100 hl/ha.

En 2009, j'ai même obtenu 110 hl/ha à 13,5°, payés à 43 €/hl. L'irrigation m'a permis d'éviter les blocages de maturité et d'avancer les vendanges de cinq jours. Pour arriver à ces rendements, j'ai aussi allongé la taille, en gardant onze yeux par baguette. Cette année, j'ai fait des essais de guyot double avec deux baguettes de six à sept yeux. Je veux voir jusqu'où je peux aller en gardant la même qualité. Je récolte ces raisins de nuit. Ma coopérative les vinifie en rosés. En 2009, elle les a classés en catégorie 1 et payés au même prix que s'ils avaient été vinifiés en rouge. Moins concentrés mais fruités, ils correspondaient à la qualité qu'elle recherche. Je produis aussi du cabernet-sauvignon à 80 hl/ha, alors que sans irrigation, je descendrais vite à 60 hl/ha les années sèches. Ce cépage est vinifié en rouge. Comme au merlot, je lui apporte 10 à 15 U/ha d'azote au débourrement et autant juste avant véraison. Avec la ferti-irrigation, j'ai pu réduire les doses par deux.

Sur les sols maigres, j'amène aussi du fumier. La végétation reste verte plus longtemps après les vendanges. Au fil des années, les ceps récupèrent de la vigueur et le rendement devient plus homogène à l'intérieur des parcelles. »

Le Point de vue de

« Je préserve le potentiel jusqu'au bout »

Guilhem Vigroux, vigneron coopérateur à Villeveyrac (Hérault), 24 ha principalement en IGP Pays d'Oc

Guilhem Vigroux, vigneron coopérateur à Villeveyrac (Hérault), 24 ha principalement en IGP Pays d'Oc

Son constat

« En 2002, les cabernets-sauvignons étaient valorisés à plus de 100 €/hl. A ce prix-là, ébourgeonner pour respecter une limite de 70 hl/ha ne posait pas de problèmes. Mais avec des vins payés à 42 €/hl comme aujourd'hui, ce n'est plus pareil ! Je préfère garder toutes les grappes, bien les nourrir et récolter 90 hl/ha. Tant que nous restons dans des qualités qui correspondent au marché visé, nous n'avons aucune raison d'empêcher nos vignes d'exprimer leur potentiel. Sur un marché mondialisé, ce n'est pas en réduisant les rendements que nous ferons remonter les prix. C'est en optimisant les rendements que je retrouve une rentabilité. »

Ses investissements

« En neuf ans, j'ai porté ma surface irriguée goutte-à-goutte à 21 ha. L'eau me coûte 100 €/ha et l'équipement des parcelles 800 à 1 200 €/ha. »

Son expérience

« Nous n'avons pratiquement plus d'orages l'été. Dans ces conditions, sur nos sols argilo-calcaires peu profonds, les grappes se dessèchent et ont du mal à finir de mûrir.

Alors j'irrigue pour préserver le potentiel. Les sorties de grappes restent variables, mais j'obtiens un rendement et une qualité plus régulière. Je pilote l'irrigation en fonction de l'état de la végétation. J'apporte 25 à 35 U/ha d'azote et de potasse en ferti-irrigation en deux fois entre le débourrement et la véraison, ainsi que du compost un an sur deux. Après les vendanges, j'amène de la potasse et de la magnésie pour aider les vignes à reconstituer leurs réserves. L'an dernier, j'ai atteint une moyenne de 92 hl/ha. Le grenache, rentré de nuit à 12,5 °, a été vinifié en rosé. En première année de récolte, il a donné 80 hl/ha. Le merlot, vinifié en rouge, a dépassé les 110 hl/ha. Les raisins sont moins concentrés qu'à 90 hl/ha. Mais la coopérative est équipée en thermoflash, ce qui facilite l'extraction et permet de répondre aux critères des acheteurs. »

Le Point de vue de

« Je retrouve une marge de manœuvre »

Philippe Verdier, vigneron coopérateur à Capestang (Hérault), 31 ha principalement en IGP Pays d'Oc © F. EHRHARD

Philippe Verdier, vigneron coopérateur à Capestang (Hérault), 31 ha principalement en IGP Pays d'Oc © F. EHRHARD

Son constat

« En rouge, avec 70 hl/ha payés à 40 €/hl, je ne m'en sortais pas. J'ai retrouvé une rentabilité en rosé, avec 100 hl/ha payés à 38 €/hl.

Mais je ne cherche pas systématiquement le rendement maximal. Par exemple, sur le chardonnay, je vise seulement 70 hl/ha, pour rester en catégorie 1 du paiement de ma coopérative. Je tiens compte des critères de qualité demandés et je veille à ne pas dépasser une moyenne de 90 hl/ha sur l'exploitation, pour rester dans l'IGP Pays d'Oc. Pour produire des vins sans IG avec des rendements plus élevés, j'attends que l'itinéraire technique et la demande des acheteurs soient calés. »

Ses investissements

« J'ai commencé l'irrigation en 2002. Actuellement, j'irrigue 12 ha au goutte-à-goutte avec le réseau du Bas Rhône Languedoc. L'eau me coûte 130 €/ha. Je prévois d'irriguer 8 ha de plus dans deux ans dans le cadre d'une extension du réseau menée par la coopérative. »

Son expérience

« Avec l'irrigation, j'ai augmenté mes rendements de 30 %. J'arrive à 100 hl/ha à 12,5° en syrah et à 90 hl/ha à 14° en grenache. Ma coopérative, Les Vignerons du pays d'Ensérune, vinifie ces deux cépages en rosé. Les techniciens de la cave suivent de près la maturité pour déclencher la récolte quand la concentration recherchée est atteinte. Elle est moindre que pour les rouges, ce qui me permet de vendanger quelques jours plus tôt. Pour arriver à ces rendements, je taille les vignes un peu plus long, à huit yeux par baguette.

Le cabernet-sauvignon est vinifié en rouge. Je le mène en taille rase de précision (TRP) depuis 2010, ce qui m'amène également à garder plus d'yeux. Sur ces trois cépages, je fais deux apports de 15 à 30 U/ha d'azote au débourrement et après la floraison, ainsi qu'un à deux apports de potasse. Sur le cabernet-sauvignon, j'avais des carences de potasse que je n'arrivais pas à combler avec des engrais foliaires. J'ai résolu le problème avec la ferti-irrigation.

Après les vendanges, j'apporte aussi 30 à 45 U/ha d'azote, pour soutenir la reconstitution des réserves. Le débourrement est plus régulier l'année suivante. »

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