Qu'est-ce que c'est ?
C'est une maladie virale de la vigne qui entraîne la décoloration et le recroquevillement des feuilles dont les bords externes s'enroulent vers le bas. Connue depuis le XIXe siècle, elle touche tous les vignobles du monde.
Quelles en sont les conséquences ?
L'enroulement n'entraîne pas la mort des pieds de vigne. En revanche, il n'y a pas de rémission des plants malades. Les conséquences de la maladie varient selon les cépages et l'espèce de virus. Elles peuvent être graves à long terme. « Les baisses de rendement sont de 10 à 15 % en moyenne, explique Etienne Herrbach, chercheur à l'Inra de Colmar. Elles atteignent parfois 30 à 40 %. »
Au niveau qualitatif, la maladie provoque surtout des retards de maturation, allant jusqu'à deux ou trois semaines. Cela peut provoquer une baisse du degré alcoolique ou affecter la couleur des rouges.
Sébastien Besse, ingénieur agronome de l'Agroscope de Changins, en Suisse, a mesuré des indices de polyphénols totaux et des concentrations en anthocyanes plus faibles dans des moûts de pinots noirs infectés par le virus par rapport à des moûts issus de pieds sains. « Mais les recherches sont encore peu nombreuses sur ce point-là », estime Etienne Herrbach.
Quels sont les agents responsables ?
Des virus sont à l'origine de l'enroulement. On les appelle GLRaV, pour Grapevine Leafroll associated Virus ou virus associés à l'enroulement de la vigne. Ces virus filamenteux appartiennent à la famille des clostéroviridés. Depuis les années quatre-vingt, les chercheurs en ont mis neuf en évidence, notés GLRaV-1 à 9. Par la suite, ils se sont aperçus que le GLRaV-8 n'était pas un virus, mais un simple artefact, signale Etienne Herrbach. « On l'a donc exclu de la liste. Deux nouveaux virus viennent en revanche d'être détectés en Grèce », ajoute-t-il.
Seuls GLRaV-1, 2 et 3 sont présents en France, GLRaV-1 et 3 étant les plus répandus. Paul Gugerli, chercheur en Suisse, a montré que le GLRaV-1 sévissait plutôt dans les régions septentrionales et le GLRaV-3 sous climat méditerranéen.
Quand ils infectent la plante, ces virus obstruent les vaisseaux du phloème (qui transportent la sève élaborée). Les produits de la photosynthèse ne peuvent plus circuler des feuilles jusqu'aux baies.
Comment se propage-t-il ?
La première cause de propagation de l'enroulement est le matériel végétal contaminé. Le bouturage et le greffage de la vigne ont entraîné une dissémination de cette virose dans le monde, par le biais de porte-greffes et de greffons infectés par le virus.
Cependant, l'enroulement peut aussi se propager au sein d'une parcelle, ou entre vignes voisines. Dans ces cas-là, les vecteurs sont des insectes : des cochenilles. Celles-ci se nourrissent de la sève en piquant la plante. Elles peuvent alors transmettre les virus contenus dans leur salive. « En France, les cochenilles ne transmettent que GLRaV-1 et 3. Le vecteur du GLRaV-2 est inconnu », note Etienne Herrbach.
Quatre espèces de cochenilles sont identifiées comme vectrices des virus de l'enroulement : Parthenolecanium corni, Pulvinaria vitis, Heliococcus bohemicus et Phenacoccus aceris. Elles se répartissent en deux familles. Les cochenilles à carapace, dont les larves sont mobiles mais l'adulte fixe, transmettent le GLRaV-1. Les cochenilles farineuses, dont tous les stades sont mobiles, propagent les GLRaV-1 et 3. Ces dernières sont préoccupantes notamment en Bourgogne et dans les pays méditerranéens. P. corni, P. vitis et H. bohemicus sont présentes en Champagne, en Bourgogne et en Alsace. P. aceris est particulièrement fréquent en Bourgogne. Jean Le Maguet, dans la thèse1 qu'il réalise à l'Inra de Colmar, a montré une très bonne corrélation entre la présence de cette cochenille au vignoble et l'expansion de l'enroulement viral. Ce qui confirme que cette espèce de cochenille en expansion est bien vectrice du virus.
L'enroulement est-il en expansion ?
Oui, il semble qu'il y ait plus de virus et plus de cochenilles. « Le sud de la Bourgogne est de plus en plus touché. Le phénomène devient même inquiétant », constate par exemple Etienne Herrbach. « C'est sans doute parce qu'on s'intéresse plus au sujet. Mais aussi à cause du réchauffement climatique. Ou encore parce que l'on utilise moins d'insecticides contre les vers de grappe, qui avaient un effet sur les cochenilles. »
Comment reconnaître l'enroulement ?
Au départ, les feuilles se décolorent. Puis, au début de l'été, les feuilles à la base des rameaux de cépages rouges se couvrent de tâches rougeâtres qui s'élargissent sur toute la feuille, sauf autour des nervures principales. Les cépages blancs sont atteints d'un jaunissement, plus difficile à diagnostiquer. Le limbe des feuilles s'épaissit ensuite et s'enroule vers sa face inférieure. Enfin, les symptômes gagnent toutes les feuilles. En automne, les feuilles plus atteintes brunissent et se nécrosent. Ces manifestations sont plus ou moins prononcées selon les cépages. De plus, l'intensité du phénomène peut varier d'une année à l'autre sur un même pied.
La plupart du temps, la maladie ne se manifeste pas sur les porte-greffes. Elle se détecte donc difficilement. Par conséquent, les risques de dissémination par le matériel végétal sont accrus.
En l'absence de symptômes, il est possible de réaliser un diagnostic en greffant le porte-greffe sur une variété indicatrice sensible : c'est l'indexage. Les tests sérologiques Elisa sont également répandus pour la sélection sanitaire du matériel végétal. Enfin, les diagnostics moléculaires se développent grâce aux techniques de PCR (multiplication d'ADN).
Peut-on le confondre avec d'autres maladies ?
Les décolorations du limbe peuvent gêner le diagnostic. Sur les cépages rouges, les symptômes de l'enroulement viral ressemblent aux dégâts causés par des piqûres de cicadelles, notamment celle de la grillure. Les phytoplasmes de la flavescence dorée ou du bois noir conduisent aussi à des symptômes proches. Enfin, on peut confondre l'enroulement avec certaines carences minérales, comme des carences en magnésium, en bore, ou en potassium.
Ces dernières, ainsi que des symptômes liés à des phytoplasmes, engendrent également des confusions sur les cépages blancs.
Peut-on lutter contre l'enroulement ?
Oui. D'abord en maîtrisant bien la qualité sanitaire du matériel végétal. C'est l'objectif de la certification. Pour réduire encore les risques de transmission par le matériel végétal, il est important d'améliorer les connaissances génétiques sur les virus responsables, de même que les techniques de détection.
En outre, des informations complémentaires sur la biologie des cochenilles, sur leur habitat, leurs prédateurs naturels…, apporteront peut-être aux viticulteurs des moyens de lutte efficace contre la propagation de l'enroulement au champ. La lutte biologique contre ces insectes, utilisée en Californie, n'en est qu'à ses premiers pas en France.
La maladie se manifeste sur les feuilles
LES SYMPTÔMES Sur pinot noir, les bords des feuilles se couvrent de taches rouges en début de saison (à gauche). Sur cépage blanc, les taches sont jaunes (à droite). A l'approche de l'automne, les feuilles s'enroulent vers leur face inférieure. © INRA COLMAR
LES SYMPTÔMES Sur pinot noir, les bords des feuilles se couvrent de taches rouges en début de saison (à gauche). Sur cépage blanc, les taches sont jaunes (à droite). A l'approche de l'automne, les feuilles s'enroulent vers leur face inférieure. © INRA COLMAR
LES VECTEURS Les cochenilles peuvent transmettre les virus en piquant la vigne. P. corni (1), P. vitis (4) et H. bohemicus (2) sont fréquentes en Champagne, Alsace et Bourgogne. Une thèse vient de prouver que P. aceris (3) était bien vectrice du virus. © INRA COLMAR
LES VECTEURS Les cochenilles peuvent transmettre les virus en piquant la vigne. P. corni (1), P. vitis (4) et H. bohemicus (2) sont fréquentes en Champagne, Alsace et Bourgogne. Une thèse vient de prouver que P. aceris (3) était bien vectrice du virus. © G. HOMMAY
LES VECTEURS Les cochenilles peuvent transmettre les virus en piquant la vigne. P. corni (1), P. vitis (4) et H. bohemicus (2) sont fréquentes en Champagne, Alsace et Bourgogne. Une thèse vient de prouver que P. aceris (3) était bien vectrice du virus. © INRA COLMAR
<p>L'enroulement semble en expansion. Les connaissances sur les virus responsables de cette maladie et sur les insectes vecteurs progressent.</p> <p>Les chercheurs viennent d'identifier une nouvelle cochenille causant sa propagation.</p>