REMI DI COSTANZO fait attention à l'environnement depuis longtemps. Il utilise le système Œnoview pour apporter des engrais uniquement sur les zones de faible vigueur. Ainsi, il réduit ses apports. © PHOTOS C. DE NADAILLAC
« Dans les années quatre-vingts, on ne travaillait pas du tout comme maintenant, remarque Rémi Di Costanzo, directeur technique des Domaines Henri Martin, à Saint-Julien-Beychevelle (Gironde). Il n'y avait aucun raisonnement vis-à-vis de l'environnement. On appliquait les doses de phytos recommandées. Si, à l'issue d'un traitement, on avait un fond de cuve de 500 litres, on le jetait au caniveau. A partir de 1992, avec l'affaire de la proxymidone aux Etats-Unis, les choses ont commencé à changer. Nous nous sommes posés des questions. »
Les Domaines Henri Martin ont commencé par raisonner l'utilisation de leurs produits phytos, en employant des insecticides à spectre moins large. Puis avec les années 2000, ils ont progressivement délaissé le désherbage chimique, mis en place la confusion sexuelle, diminué le nombre de traitements ainsi que les apports d'engrais et ils ont adapté les doses de bouillie en fonction du couvert végétal. Parallèlement, la commune a installé une station d'épuration des effluents vinicoles. Enfin en 2005, les Domaines Henri Martin ont investi dans un système de traitement des effluents viticoles.
Quantifier dépenses énergétiques et intrants
« Nous avions l'impression de stagner, de ne plus savoir comment poursuivre nos efforts, analyse le directeur technique. Il y a un an, nous avons donc débuté un diagnostic environnemental, avec GCL Développement durable. Nous avons quantifié nos consommations d'énergie, d'eau, d'intrants (produits phytosanitaires, engrais et produits de nettoyage), nos déchets et notre empreinte carbone. Nous sommes allés dans le détail. Cela me semblait plus adapté qu'un bilan carbone qui est représentatif à l'échelle d'une filière. Avec ce diagnostic, nous nous sommes aperçus que nous avions laissé de côté toutes les consommations des bâtiments, car elles nous apparaissaient comme des charges non stratégiques. »
Le diagnostic, établi sur la base des comportements des trois années précédentes, a révélé des consommations d'électricité, d'eau et de fuel très constantes d'une année sur l'autre et de nettes marges de progrès.
En effet, le chai à barriques est éclairé dix heures par jour. Rémi Di Costanzo envisage d'y installer des détecteurs de passage, afin de limiter la consommation d'électricité. De même, jusqu'à présent, le chai était climatisé du premier avril au premier novembre, quel que soit le temps. Cette année, en ce début de mois de mai, la climatisation n'avait pas encore été lancée…
Au niveau de l'eau, les Domaines Henri Martin envisagent de construire un nouveau chai. Ils y prévoiront un système pour récupérer les eaux de pluie afin de préparer les bouillies et de rincer les pulvérisateurs. Par ailleurs, les tractoristes qui lavaient systématiquement leur tracteur après chaque traitement ne le font plus que tous les deux à trois passages. Auparavant, les salariés nettoyaient le sol des plateformes de réception de vendange au jet d'eau. Maintenant, ils balayent ou emploient un souffleur.
Former les chauffeurs à l'entretien pour diminuer les consommations de fuel
L'entreprise consomme beaucoup de fioul. De l'ordre de 40 m3/an pour l'ensemble des propriétés. « Nous avons quatre chauffeurs, explique le directeur. Et ils veulent tout le temps conduire. Quand ils n'ont pas de travail à réaliser dans les vignes, ils vont curer les fossés avec la pelle. Nous allons donc les former à l'entretien des tracteurs pour qu'ils aient d'autres occupations lors des temps morts. Ce sont de petits changements, mais qui permettent de faire un peu plus attention aux ressources énergétiques. Il faut faire évoluer les mentalités. Cela rentre, petit à petit. Nous allons réaliser un suivi de nos consommations sur deux ou trois ans et voir quelles sont les marges d'évolution ». En outre, même si ce n'est pas le but recherché par les Domaines Henri Martin, ces baisses de consommation d'énergies devraient entraîner des économies financières.
Pour l'entreprise, le diagnostic a représenté un coût négligeable : 8 000 euros, dont la moitié pris en charge par des subventions. Cette démarche n'est pas valorisée auprès des acheteurs. « Pour l'instant, les négociants ne nous posent des questions que sur les phytos », conclut Rémi Di Constanzo.
Le Point de vue de
Sébastien Kerner, de l'IFV d'Epernay (Marne)
« 50 % d'eau économisée avec des pistolets »
« Je ne connais pas précisément la méthode de diagnostic utilisée ici. Mais le but d'un diagnostic effet de serre est de limiter la contribution aux changements climatiques en diminuant les émissions de gaz à effet de serre et de réduire la dépendance aux énergies fossiles. Dans le cas des Domaines Henri Martin, les actions entreprises semblent être des mesurettes, mais ce sont en fait des mesures importantes. A titre d'exemple, l'installation de pistolets dans les chais permet de réaliser des économies d'eau de 50 %. De même la baisse de fréquence de rinçage de l'extérieur du pulvérisateur occasionne des gains en eau et en temps. La diminution du poste carburant est également importante.
La conduite économique et le raisonnement du nombre de traitements sont autant de pistes d'amélioration. Mais, le poste le plus impactant reste celui du conditionnement. Un allègement des matériaux, que ce soit le verre ou les cartons, a d'énormes répercussions sur les émissions de gaz à effet de serre. Et en plus, cela diminue le fret vers les clients. »