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VENDRE - Conseils de pros

Comment reconquérir le marché britannique

Mathilde Hulot - La vigne - n°221 - juin 2010 - page 64

Le Royaume-Uni est un marché très dur. Pour regagner des positions, il faut miser sur notre image tout en la dépoussiérant pour souligner l'inventivité et le savoir-faire des vignerons français.
Après les vins de marketing faits pour les Britanniques, les amateurs cherchent des vins qui ont quelque chose à dire. La France peut revenir dans le jeu. © A. AUTEXIER

Après les vins de marketing faits pour les Britanniques, les amateurs cherchent des vins qui ont quelque chose à dire. La France peut revenir dans le jeu. © A. AUTEXIER

1. Privilégiez le secteur traditionnel

La grande distribution représente plus de 70 % du marché du vin. « Elle reste attirée par la France, mais les Anglais achètent surtout des vins du Nouveau Monde, constate Sally Easton. Dans le top 10 des marques, il n'y a que des vins de Californie, d'Australie, d'Afrique du Sud et du Chili. JP Chenet la première marque française n'arrive que treizième. » Les vins français sont plus cher que la moyenne. Et les Français sont réticents à réaliser les promotions réclamées par les distributeurs.

En restauration, c'est différent. Les sommeliers soutiennent encore la France, même si elle a perdu 15 % de parts de marché en cinq ans pour atteindre 23 %.

2. Misez sur l'image de la France

Après les vins de marketing faits pour les Britanniques, les amateurs cherchent des vins qui ont quelque chose à dire. Les distributeurs veulent en essayer d'autres que ceux de cépage du Nouveau Monde. La France peut revenir dans le jeu. « Vous avez la chance d'exprimer l'histoire et la culture de votre pays, fait remarquer Doug Wregg. Dans le monde, quand on dit vin rouge, on pense encore bordeaux. Cette image est très puissante ! Gardez votre identité. Le terroir est une idée française. Eloignez-vous des concepts lisses et sans saveur. »

Le directeur commercial des Caves de Pyrène ajoute que « les vignerons français savent se remettre en question. La France a été le point de départ de nombreuses innovations comme la micro-oxygénation ou les vins naturels. Il faut en jouer. »

A nous « de rajeunir les concepts de petits vignerons et de vins de terroir, et de les proposer comme des nouveautés. C'est le terrain sur lequel nous avons une crédibilité », martèle Hervé Henrotte. Doug Wregg conseille également de vanter tous les efforts et les investissements réalisés ces dernières années dans les vignes et dans les caves.

3. Vantez l'art français de marier mets et vins

« La France maîtrise fort bien les accords mets et vins, ajoute Sally Easton. Comme le muscadet et les fruits de mer ou le claret de bordeaux et l'agneau. Le Nouveau Monde n'a rien d'équivalent. A vous de jouer sur ce plan-là qui fonctionne aussi bien en restauration qu'en supermarché. »

4. N'ayez pas de complexes

Les petites appellations intéressent les sommeliers. Un corbières, un cahors, un savennières, voire même un irouléguy de qualité irréprochable et régulière ont de grandes chances de revenir sur les cartes de vin. Ne soyez donc pas complexé si vous produisez une appellation qui n'est pas très exportée en Grande-Bretagne.

5. Travaillez avec votre distributeur

Importateurs et distributeurs cherchent à se distinguer les uns des autres. Ils ont donc des politiques d'approvisionnements bien définies. Bibendum cherche les « grosses maisons connues de la presse ». Berkmann Wine Cellars veut des bons rapports qualité prix pour la restauration. Les Caves de Pyrène privilégient les vins bios, sans soufre. A vous de trouver celui qui vous correspond.

Ensuite, aidez-le à vendre. « Pour qu'il soit motivé, il faut lui faire gagner de l'argent », souligne Hervé Henrotte. Cela suppose de participer à des dégustations, d'effectuer des tournées… Les Caves de Pyrène organisent tous les ans une dégustation appelée « Real Wine Tasting » avec soixante vignerons. « Le producteur fournit les vins, paye son voyage et son hôtel. Il se tient derrière une table, sert son vin et l'explique aux acheteurs et aux journalistes », résume Doug Wregg qui lance les invitations.

Pensez aussi à appeler votre importateur de temps en temps pour prendre de ses nouvelles. Renseignez-vous pour savoir s'il ne cherche pas un nouveau produit. Avertissez-le de vos nouveaux tarifs. L'essentiel est d'entretenir les relations.

7. Organisez des voyages

Doug Wregg suggère de faire venir des sommeliers et des cavistes à la propriété. Organisez de tels voyages avec votre distributeur. Partagez les frais. « Cela coûte autant qu'un dîner dans un restaurant londonien », l'authenticité en moins.

Vous pouvez aussi inviter votre distributeur pendant les vacances ou à une autre occasion. Une fois qu'il aura vu votre domaine, il en parlera mieux.

8. Rencontrez les consommateurs

« Essayez de suivre vos bouteilles jusqu'au bout, préconise Hervé Henrotte. Pour cela, organisez des dégustations, lors d'un winemaker's diner. » C'est un dîner dans un restaurant qui achète vos vins. Le restaurateur fait part de votre venue à ses clients. Vous parlez de vos vins pendant toute la soirée. Le restaurateur les poussera à consommer ensuite.

L'investissement est minime si vous prenez un vol low cost et un bed & breakfast. Pas besoin de parler très bien l'anglais. Soyez sympathique et abordable.

9. Pensez à l'environnement

La proximité est un atout essentiel à l'heure où l'on parle d'empreinte carbone. Les Britanniques y sont très sensibles. Le seul fait d'être très proches d'eux est un bon point.

Le Point de vue de

Pierre Chollet, responsable export d'Accents du Sud-Ouest

« Nous sommes très présents sur le terrain »

Pierre Chollet, responsable export d'Accents du Sud-Ouest

Pierre Chollet, responsable export d'Accents du Sud-Ouest

« Accents du Sud-Ouest est une structure moderne et unique créée en 2000 par huit vignerons du Sud-Ouest pour exporter leurs vins. En Grande-Bretagne, nous travaillons avec vingt-trois clients en tout. Nos ventes y ont connu une forte croissance entre 2005 et 2007, grâce à notre importateur qui a fait une percée en restauration et à la chaîne de distribution Waitrose qui nous a pris de nouveaux produits. Puis nous avons ressenti une vraie baisse entre septembre 2008 et août 2009. En ce début d'année 2010, on peut vraiment parler de reprise. Notre travail de terrain paie. Nous sommes très présents en Grande-Bretagne, soit les vignerons, soit les commerciaux d'Accents du Sud-Ouest.

Nous participons à l'International Wine Challenge et aux Decanter World Wine Awards. Dès que nous obtenons une médaille, nous le faisons par des actions de communication, comme l'apposition de stickers sur les bouteilles. Nous avons également fait un travail sur les prix. Nous avons baissé nos vins très chers, sans aller jusqu'à compenser la hausse des taxes décidée fin 2008. Et nous avons lancé des vins moins chers. Dernier point : nos vins sont bien positionnés. Le Sud-Ouest propose des vins de bon rapport qualité prix. Les Anglais appellent cela le « value for money ». Le prix moyen est de 4 € HT départ. Le cœur de nos ventes varie de 1,70 € départ hors taxe (exemple, la palette de côtes-de-gascogne) à 7 € un madiran, un cahors ou un jurançon doux. Cette bouteille à 7 €, le distributeur peut la vendre 15 € au restaurateur et le vin se retrouve à moins de 50 £ sur table.

Cet article fait partie du dossier

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Sally Easton,

Sally Easton, consultante, journaliste et enseignante, propriétaire de www.winewisdom.com

Hervé Henrotte

Hervé Henrotte, chef de projets vins et spiritueux à Ubifrance

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Doug Wregg, directeur commercial et marketing des Caves de Pyrène

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