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AU COEUR DU MÉTIER

En Gironde, chez la famille Larrieu « A nous de faire découvrir nos vins aux particuliers »

Colette Goinère - La vigne - n°222 - juillet 2010 - page 28

Le château des Mailles produit des sainte-croix-du-mont très bien notés. Malgré cela, il est entraîné par la baisse des ventes de son appellation. Pour redresser la barre, Laurence Larrieu et ses parents vont de salon en salon.
LAURENCE LARRIEU et ses parents produisent essentiellement des sainte-croix-du-mont. Leurs vins sont bien notés, mais souffrent du manque de notoriété de leur appellation. Ils n'ont pas d'autre solution que d'aller à la rencontre des onsommateurs pour les faire goûter et les expliquer. « Après, ils ne les oublient plus », soutient Martine Larrieu, la mère de Laurence. © PH. ROY

LAURENCE LARRIEU et ses parents produisent essentiellement des sainte-croix-du-mont. Leurs vins sont bien notés, mais souffrent du manque de notoriété de leur appellation. Ils n'ont pas d'autre solution que d'aller à la rencontre des onsommateurs pour les faire goûter et les expliquer. « Après, ils ne les oublient plus », soutient Martine Larrieu, la mère de Laurence. © PH. ROY

LA CUVÉE LAURENCE, le fer de lance du château, produite à raison de 2 000 bouteilles par an, est élevée en barrique neuve pendant un an. Le reste des sainte-croix-du-mont du château est élevé en cuve de ciment. © PH. ROY

LA CUVÉE LAURENCE, le fer de lance du château, produite à raison de 2 000 bouteilles par an, est élevée en barrique neuve pendant un an. Le reste des sainte-croix-du-mont du château est élevé en cuve de ciment. © PH. ROY

L'EFFEUILLAGE commence dès début juillet. Il porte uniquement sur la face au soleil levant. © PH. ROY

L'EFFEUILLAGE commence dès début juillet. Il porte uniquement sur la face au soleil levant. © PH. ROY

Une belle couleur ambrée avec des notes de fruits confits, d'amandes grillées et de miel. Une finale intense. Un sauternes ? Pas du tout. C'est la cuvée Laurence 2005 du château des Mailles, un sainte-croix-du-mont, coup de cœur du « Guide Hachette » 2009. « Nous sommes meilleurs et bien moins chers que certains sauternes », constate Daniel Larrieu, propriétaire de château des Mailles, 30 hectares dont 25 en sainte-croix-du-mont. La propriété, depuis 170 ans dans la famille, est exposée plein sud sur un coteau argilo-calcaire.

Ici, les cépages, les méthodes de vendanges et de vinification sont identiques à celles de Sauternes. Epamprage et effeuillage se font à la main. Fin septembre, une vingtaine de saisonniers vendangent, une à une, les baies atteintes par la pourriture noble. Un tri sélectif qui exige de passer trois à quatre fois dans les rangs. Un travail méticuleux qui paye : les médailles pleuvent sur le château des Mailles. Dernière en date : l'or au premier concours des vins de Lyon pour la cuvée Laurence 2006.

Reste la question de taille : comment convaincre que l'on est très bon, sans avoir la notoriété du sauternes ? Daniel Larrieu, son épouse Martine et leur fille Laurence ont une réponse : faire goûter leur vin, établir un contact direct avec le consommateur.

10 000 euros de frais de salon pour vendre 10 000 bouteilles

A l'initiative de Laurence, devenue gérante en 2006, la famille enchaîne les salons « vins et gastronomie ». En octobre, elle sera au Salon du chocolat, à la Teste-de-Buch, en Gironde. Du 5 au 7 novembre, elle ira au Salon vins et terroirs à Toulouse et à celui de Bourges, le même week-end. Ensuite : direction Brest, Vannes puis Irun. Bref, une quinzaine de salons par an. A chaque fois, « nous faisons preuve de pédagogie. Nous expliquons notre appellation. Quand les gens ont goûté notre vin, ils ne l'oublient plus », explique Martine Larrieu.

Le château consacre 10 000 euros par an aux salons où il vend 10 000 bouteilles.

Une stratégie qui commence à rapporter. Depuis 2006, un millier de nouveaux clients est venu grossir le fichier, le portant à 4 000 adresses. Mais le plus difficile c'est de les fidéliser. Aussi, les Larrieu n'hésitent pas à leur adresser mailings et relances.

Au global, le domaine écoule 20 000 bouteilles auprès des particuliers et 7 000 à 8 000 auprès des cavistes. « Nous avons toujours vécu avec le particulier. Mais autrefois, il achetait une caisse de douze. Maintenant, il part avec un coffret de trois bouteilles », regrette Daniel Larrieu.

En 1983, il monte une SCEA avec ses parents. Il lance une production de rouges et de blancs secs, agrandit la propriété de 7 ha et achète de nouveaux matériels. En 1990, il est le premier dans la commune à investir dans un groupe de froid. La même année, il refait un chai pour augmenter sa capacité de stockage. En 1999, il construit un troisième bâtiment de 400 m : son nouveau chai de vinification et d'embouteillage.

De 1985 à 1998, sainte-croix-du-mont vit un âge d'or. « Dans le village, chacun a ravalé la façade de sa propriété. Nous avons investi dans de l'immobilier, sur le bassin d'Arcachon », confie Daniel Larrieu.

Puis les affaires ralentissent. Les cours chutent. Moins de particuliers se pressent à la propriété. Aussi, depuis 2004, deux négociants viennent chercher du sainte-croix-du-mont en bouteille au château. Mais ils l'achètent 2 500 € le tonneau de 900 l contre 3 000 € en 1992. Le prix des rouges baisse également. Aujourd'hui, le château en écoule 300 hectos aux deux tiers en vrac, « à 750 € le tonneau, souligne Daniel Larrieu. On ne couvre pas nos frais », lâche-t-il.

Ces difficultés n'arrêtent pas Laurence. En 2006, elle prend la gérance du château. Elle achète 2,5 ha de vigne à 10 000 €/ha en bordeaux rouge. On est loin des 30 000 €/ha qu'il fallait payer dans les années quatre-vingt. Elle investit aussi dans deux nouvelles bennes à vendange et un pressoir pneumatique pour extraire en douceur.

L'année suivante, elle adhère au réseau « France Passion », un club de camping-car. Elle aménage une aire de 100 m pour quatre camping-cars avec vue directe sur château d'Yquem, le célèbre Sauternes. En échange d'une mise à disposition gratuite de l'aire, les visiteurs s‘engagent à acheter les produits de la propriété.

Laurence s'implique aussi au sein de son appellation, dont elle devient trésorière et membre de la commission promotion. Un engagement corporatif. Pour ne pas perdre une miette de l'évolution de la filière. Et agir… pour l'avènement d'un nouvel âge d'or.

Et si c'était à refaire ? Je recommencerais avec autant de conviction

« Je reprendrais l'exploitation sans hésitation en continuant l'œuvre de mes parents et en ayant la même stratégie qui consiste à attraper le client pour lui faire goûter notre produit et le convaincre. J'ai développé les salons. C'était salutaire pour notre entreprise et pour moi-même aussi. Je suis d'un naturel très réservé. Cela m'a permis d'aller vers les autres en expliquant notre savoir-faire. En revanche, je regrette d'avoir investi 51 000 euros en 2007 dans deux bennes à vendange, un pressoir pneumatique et une cuve inox. Si j'avais attendu l'été 2008, j'aurai pu bénéficier d'une aide de l'Europe à hauteur de 40 %. De même, au niveau du syndicat de Sainte-Croix-du-Mont, la communication n'est pas assez forte et dynamique. Seule une poignée de viticulteurs est très motivée.

Mais je reconnais qu'il est difficile de gérer sa propriété et de s'investir dans le collectif. »

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L'EXPLOITATION

Main-d'œuvre : les parents et leur fille, trois ouvriers en CDI, vingt saisonniers pour les vendanges.

Surface : 30 hectares, dont 25 ha en sainte-croix-du-mont, le reste en bordeaux

Cépages : sémillon, sauvignon, cabernet-franc et merlot (5 %).

Mode de taille : guyot simple.

Densité : reconversion de 3 300 pieds/ha à 5 000 pieds/ha.

Production : 1 100 hectos dont 850 de liquoreux.

Les ventes : 60 % au négoce, 30 % aux particuliers, 10 % aux cavistes et à la restauration, un peu d'export.

Les prix

Sainte-croix-du-mont : 7,90 € à 13,20 € aux particuliers.

Bordeaux : 4,70 € à 6 € aux particuliers.

Les résultats

CA 2009 : 249 700 €.

L'essentiel de l'offre

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