AVANT LE PASSAGE DE L'OUTIL, les herbes sont hautes : entre 50 et 60 cm. Au printemps, il s'agit essentiellement de graminées (comme ici, du RGA). Elles laissent ensuite la place à des légumineuses.
LE VITICULTEUR PASSE TOUJOURS UN AUTRE OUTIL AVEC LE ROLOFACA, soit la releveuse-palisseuse (comme ici), soit des disques interceps ou la rogneuse.
APRÈS LE PASSAGE DU ROULEAU, les herbes sont pincées et couchées. Quelque temps après, elles commencent à jaunir.
Hubert Gerber exploite huit hectares, à Nothalten (Bas-Rhin), en Alsace, depuis douze ans. Ses vignes sont depuis toujours enherbées. Jusqu'à il y a cinq ans, il entretenait ses interrangs en les tondant, à raison de quatre passages par saison. Mais en 2005, il décide d'expérimenter un nouveau type de matériel dont il a entendu parler dans des revues techniques : le rolofaca. Il s'agit d'un rouleau plein, donc lourd, muni de lames, en provenance du Brésil. L'outil penche les herbes, puis les pince. Elles se couchent et jaunissent. Elles ne concurrencent plus la vigne. « Comme je ne trouvais pas cet outil sur le marché, j'ai demandé à mon frère, métallier, de m'en créer un », explique le viticulteur. L'outil en question mesure 1,06 m de large et 40 cm de diamètre.
« Il fonctionne très bien, poursuit Hubert Gerber, ravi. Je n'utilise plus que ça pour gérer mon enherbement. Je le passe lorsque les herbes sont en fleur et lignifiées. Suivant les années, j'effectue entre deux et trois passages par saison. Lors du premier tour, à la fin du printemps, il y a essentiellement des graminées. Ensuite, des légumineuses se développent. Il faut alors effectuer un second passage, voire un dernier avant les vendanges afin de bien nettoyer les rangs pour les cueilleurs. » Au total, il effectue donc un à deux passages de moins qu'avec une tondeuse, d'où un gain de temps et d'énergie.
Il faut attendre que les herbes fassent 60 cm de haut
Le revers de la médaille est que, contrairement au fauchage, il faut laisser les plantes monter à 50 ou 60 cm de haut avant de les plier. Visuellement, cela donne des vignes sauvages ou « sales » selon certains. Mais cela ne dérange pas Hubert Gerber. Il livre ses raisins à la cave coopérative et n'a donc pas de clients qui viennent visiter ses vignes. C'est uniquement lors de l'épamprage manuel qu'il avoue être un peu gêné : « Je dois marcher dans les herbes hautes et ce n'est pas très agréable », reconnaît-il. En revanche, il estime ne pas avoir plus de dégâts de gel que ses voisins pratiquant la tonte. Et il a remarqué qu'en laissant l'herbe pousser jusqu'à épiaison, elle concurrence moins la vigne. Lorsqu'on la tond, elle ne cesse de repousser et donc de consommer eau et minéraux.
Hubert Gerber passe le rolofaca avec un tracteur Holder Cultitrac de 50 ch, bien assez puissant. Il a constaté que l'outil est beaucoup plus économe en gasoil qu'une tondeuse : il ne pompe ni hydraulique, ni puissance à la prise de force. Au final, l'exploitant évalue ses économies en carburant à 35 % ! Toujours dans le but de rationaliser les coûts, il combine le passage de l'outil avec d'autres. Il l'emploie soit avec sa releveuse-palisseuse Ero, soit avec sa rogneuse Lagarde. La vitesse de travail fluctue donc en fonction des travaux. « En moyenne, je tourne à 5 ou 6 km/h, avance Hubert Gerber. Mais je vais moins vite avec la palisseuse et plus vite avec la rogneuse. » Il ajoute des disques crénelés buteurs sur les bords du rolofaca, pour travailler certains de ses cavaillons. Il désherbe chimiquement les autres.
« Mes sols sont moins compacts et plus homogènes »
Depuis qu'il entretient ses vignes avec le rolofaca, Hubert Gerber a constaté un changement : « Mes sols sont moins compacts, les racines des plantes plongent plus profondément. La matière organique se mélange mieux à la terre. La structure est plus homogène. Ce paillage permet également de conserver l'humidité et la fraîcheur du sol. » Pour m'en convaincre, il joint la démonstration à la parole : il extirpe un thermomètre à sonde Hanna de sa poche et le plante dans l'un de ses rangs de vigne. L'écran affiche 20,8°C. Cinq rangs plus loin, chez son voisin qui tond ses interrangs, le mercure monte à 26,3°C. La différence de température du sol est donc bien réelle. En revanche, contrairement à ce que l'on pourrait penser, il ne note aucun tassement, malgré le poids du rouleau.
Hubert Gerber apprécie également cet outil pour sa simplicité. Facile à atteler, il ne nécessite aucun entretien, pas même un aiguisage, n'a pas de pièces d'usure et ne tombe pas en panne. Autre atout non négligeable, il n'est pas très cher à l'achat. Il faut compter dans les 3 000 euros HT, pour un rolofaca de base. « C'est un outil simple et économique, résume-t-il. Je ne lui vois que des avantages ! »
Le Point de vue de
Jean Arino, conseiller à la chambre d'agriculture du Gers
« Attention en zone gélive »
« J'ai testé le rolofaca, dans le cadre des essais sur les engrais verts. Cet outil se passe une fois par saison, à l'épiaison, lorsque les plantes font environ 70 cm. Le rouleau les poinçonne et peut les déchiqueter si les couteaux sont très aiguisés.
Il fonctionne bien sur les plantes hautes, à tiges creuses, sensibles à la verse. C'est notamment le cas de la féverole ou du seigle. Son utilisation permet de se passer de tonte. C'est un matériel conseillé en démarche TCS (Techniques culturales simplifiées). Après passage de l'engin, l'herbe n'a plus la capacité de se relever et elle empêche le reste des adventices de se développer. La présence d'un paillis procure une bonne portance au sol.
Et l'herbe peut servir d'engrais vert puisqu'elle se décompose.
En revanche, le gros inconvénient du rolofaca est qu'il faut laisser la végétation se développer avant de pouvoir l'employer. Or, la présence d'herbe entre les rangs fait chuter la température, ce qui augmente les risques de gelée. C'est donc un outil à ne réserver qu'aux zones peu gélives. »