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VIN

Professionnels et amateurs n'ont pas les mêmes goûts

Cécile Vuchot - La vigne - n°222 - juillet 2010 - page 52

Les professionnels préfèrent les vins puissants, quand les amateurs apprécient avant tout la douceur et les notes fruitées. C'est le principal résultat d'une minutieuse étude australienne.
LES CONSOMMATEURS apprécient les arômes fruités. En bouche, ils rejettent l'amertume, le caractère asséchant et l'astringence marquée. Seuls quelques-uns jugent positivement les cabernets-sauvignons aux notes vertes et mentholées. © PHOTONONSTOP

LES CONSOMMATEURS apprécient les arômes fruités. En bouche, ils rejettent l'amertume, le caractère asséchant et l'astringence marquée. Seuls quelques-uns jugent positivement les cabernets-sauvignons aux notes vertes et mentholées. © PHOTONONSTOP

Les consommateurs jugent-ils les vins comme les experts ? Pour l'Institut australien de recherche sur le vin (AWRI) cette question est cruciale, car on confie généralement à des jurys de professionnels la mission d'apprécier l'intérêt de nouveaux itinéraires de vinification ou de sélectionner des cuvées. Il est donc nécessaire de savoir s'il existe un écart entre leur jugement et celui des consommateurs, faute de quoi on risque de mettre en marché des vins que le public n'apprécierait pas.

Un panel de deux cents consommateurs

Après un minutieux travail de notation et de sélection, l'AWRI a retenu six cabernet-sauvignon et autant de syrahs des millésimes 2002 et 2003 (voir encadré). Des vins vendus entre 10 et 35 dollars australiens et représentatifs de la diversité des styles du pays. Parallèlement, l'organisme de recherche a demandé à une société de Sydney (Australie) de recruter des consommateurs. Cette société a réuni deux cents hommes et femmes entre 18 et 65 ans, buvant au moins une fois par semaine du vin rouge, aussi bien du cabernet-sauvignon que de la syrah et achetant des bouteilles dans la gamme de prix étudiée. Chaque personne testée s'est plié à un exercice très simple : noter chacun des douze vins sur une échelle de neuf points, allant d'« extrêmement désagréable » à « extrêmement agréable ». Ensuite, l'AWRI a mis leurs notes en relation avec celles d'un jury d'experts.

Professionnels et consommateurs sont d'accord sur un point : tous ou presque donnent de mauvaises notes à deux vins légèrement marqués par des arômes de Brettanomyces. Au moment de les sélectionner, les chercheurs de l'AWRI avaient perçu leur caractère particulier, mais ils les avaient jugés acceptables. Et pour cause : quelques professionnels attribuent à ces vins-là une note relativement élevée. L'expérience montre qu'il vaut mieux ne pas suivre leur jugement, car les consommateurs ne partagent pas du tout leur avis !

Autre enseignement, les meilleurs vins pour les experts ne sont pas les meilleurs aux yeux du panel. Le cépage n'entre pas en ligne de compte. Les professionnels placent au-dessus tous les vins puissants : très colorés, riches en arômes fruités, astringents et marqués par des notes boisées. Ces vins sont les plus chers.

A l'inverse, les consommateurs rejettent le caractère « asséchant » et l'astringence marquée. Beaucoup perçoivent le goût boisé comme un défaut. En fait, les personnes testées apprécient avant tout les saveurs sucrées, les notes de confiserie et les arômes fruités. Elles rejettent aussi totalement l'amertume, alors que les experts l'acceptent tant qu'elle est légère.

Quelques amateurs de cabernet-sauvignon typés

Mais les deux cents personnes choisies pour l'étude n'ont pas toutes les mêmes goûts. L'AWRI a réussi à les classer en quatre groupes selon leurs préférences. Le premier groupe comprend trente personnes, soit 15 % du panel. Leurs points communs ? Ils apprécient les vins offrant de la douceur et des notes de caramel. En outre, ils rejettent nettement l'acidité et la verdeur.

Le deuxième groupe comprend trente-huit consommateurs (19 %). Ce sont des amateurs de cabernet-sauvignon aux notes vertes, mentholées et de cassis, typiques de ce cépage. Ils notent ces vins nettement mieux que tous ceux de syrah. L'acidité ne les rebute pas.

Les quarante-deux personnes (21 %) du troisième groupe ont mal noté tous les vins poivrés. Enfin, le dernier groupe est le plus important, avec quatre-vingt-dix personnes (45 %). Tous apprécient les notes florales, de confiserie et de fruits rouges. Ils rejettent les vins fumés, tout comme les vins dépourvus de structure tannique et ceux qui, à l'inverse, sont trop astringents.

Cette étude confirme l'intérêt de tester ses vins auprès des consommateurs. Les auteurs soulignent également la diversité de leurs goûts. Ils en concluent que les producteurs doivent choisir entre deux stratégies : soit se concentrer sur un style de vin, soit rechercher la diversité. Dans le premier cas, il faudra tout faire pour maintenir ce style afin de ne pas décevoir les clients habitués. Dans le second cas, il faudra savoir expliquer la diversité.

Un échantillon de douze vins constitué en trois étapes

Première étape

L'AWRI décide de travailler sur des vins de cabernet-sauvignon et de syrah vendus entre 10 et 35 dollars la bouteille. Les chercheurs dégustent 90 vins du commerce des millésimes 2002 et 2003. Ils écartent ceux jugés trop similaires ou atypiques. Ils retiennent vingt bouteilles (dix de chaque cépage) représentatives des styles australiens et sans défauts marqués.

Deuxième étape

Treize experts dégustent ces vingt bouteilles dans des conditions très rigoureuses. A l'issue de ce travail, ils se mettent d'accord sur une fiche de description comportant quatre attributs visuels (intensité de la couleur, intensité des nuances rouge, violacée et marron), vingt-six arômes (fruits rouges, cassis, floral, végétal, cuir, réduit, basse-cour, etc.) et treize sensations en bouche (chaleur, persistance, astringence, amertume…). Puis, ils notent tous les vins selon ces critères, sur une échelle de un à dix.

Troisième étape

L'analyse des fiches montre qu'il reste des vins qui se ressemblent beaucoup. L'échantillon peut passer de vingt à douze bouteilles (six de chaque cépage), tout en conservant la même diversité de styles.

Le Point de vue de

Magali Weiss, responsable marketing du négoce La maison des Terroirs vivants, à Villeneuve-lès-Béziers (Hérault)

« Les consommateurs ont préféré un vin fruité »

Magali Weiss, responsable marketing du négoce La maison des Terroirs vivants, à Villeneuve-lès-Béziers (Hérault)

Magali Weiss, responsable marketing du négoce La maison des Terroirs vivants, à Villeneuve-lès-Béziers (Hérault)

« Nous venons de faire tester notre nouvelle gamme de vins bios par des consommateurs. Les résultats ont été très instructifs. Parmi les cinq vins que nous avons présentés à ce panel, trois étaient primés lors de concours professionnels. Or, le vin le mieux noté par les personnes questionnées ne faisait pas partie de ce groupe de tête. Nous n'avions même pas jugé utile de le présenter à un concours. Pour faire le test, la société IDVin à Paris a réuni un échantillon de dix personnes achetant régulièrement du vin en grande distribution. La sélection de ce panel a pris quatre semaines. Il s'agit d'un groupe de citadins, à majorité féminin et assez jeune. Ce profil tient compte du niveau de notre gamme. Nous avons sélectionné des jeunes adultes parce qu'ils ont l'intérêt le plus marqué pour le bio. Chaque participant a dégusté, puis confronté son jugement à celui des autres.

Les termes employés par les consommateurs pour décrire le vin qu'ils ont préféré sont : fruits noirs ou fruits frais, groseille, pruneau, épicé-poivré, vin agréable, gourmand, charmeur, voluptueux, à l'acidité agréable et très bonne longueur. Il s'agit d'un vin de pays d'Oc merlot cabernet-sauvignon. Il est ressorti de ce travail que notre gamme est bien ciblée. Le packaging est en accord avec le vin. La description des vins par les consommateurs correspond aux profils dressés par les experts, même si les termes sont différents. Mais leur jugement de préférence n'est pas le même. »

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