ImprimerC'est sûr, nos amis belges apprécient le vin. Ce petit pays de 10,6 millions d'habitants, qui n'en produit presque pas, consomme près de 300 millions de bouteilles de vin par an selon la mission économique d'Ubifrance à Bruxelles auteur d'une étude intitulée « Le marché belge des vins et spiritueux ».
Les premiers à en profiter sont les vins français. Ils trustent 63 % de la valeur et 58,5 % du volume des importations belges de vins tranquilles en 2009. Au point que le Belge est, par habitant, le premier buveur étranger de vins français. Réjouissant ? Non. La rente de situation s'effrite. Un chiffre : par rapport à 2003, la part de marché des vins français a perdu sept points en volume et en valeur. Les explications fourmillent.
La consommation baisse en Wallonie, mais progresse en Flandre
La consommation de vin dans le pays se stabilise depuis quelques années aux alentours de 24 litres par habitant et par an. Elle s'est crispée sous l'effet de la crise économique. « Nos clients, essentiellement des particuliers et des restaurateurs commandent moins qu'autrefois », expose Paul-André Barriat, propriétaire du domaine Barriat à Bergerac, qui exporte 80 % de ses volumes dans le pays.
Cela étant, il existe des disparités régionales. « La consommation de vin recule en Wallonie, expose Jean-Charles Hirondel, directeur de la mission économique d'Ubifrance à Bruxelles. Or, c'est la-bàs que les vins français comptent le plus grand nombre d'adeptes. A l'inverse, elle continue d'augmenter en Flandre, malgré le contexte économique difficile. »
Les Flamands, plus récemment convertis au vin, préfèrent les vins de cépage du Nouveau Monde plus « faciles d'accès (…) et souvent d'un meilleur rapport qualité/prix », lit-on dans l'étude d'Ubifrance.
La grande distribution, qui représente 90 % des ventes de vin au détail (75 % des ventes globales de vin) dans le pays, fait les yeux doux à ces vins. Cinq groupes se disputent « le bout de gras » : Colruyt, une enseigne de supermarché de soft discount, Aldi et Lidl, deux hard discounters, Carrefour qui dispose d'un parc d'hypermarchés, de supermarchés et de supérettes et Delhaize, le Lion, le local de l'étape dont les magasins sont des supermarchés et des supérettes.
« Avec la crise, la concurrence entre ces groupes s'intensifie », poursuit Jean-Charles Hirondel. Les compétiteurs rationalisent leurs assortiments et se concentrent sur les références à meilleure rotation. Ils ont tendance à délaisser les AOC françaises au profit des vins du Nouveau Monde, jugés plus compétitifs. Par ailleurs, la tradition d'achat de vin en vrac, très forte chez Delhaize, se poursuit.
L'Espagne bénéficie d'une image festive et conviviale
« Dans les rayons, on voit de plus en plus de vins australiens, sud-africains et sud américains, atteste Paul-André Barriat. Le cœur du marché reste autour de 4 à 6 euros le col, mais les vins étiquetés 3 euros fleurissent. »
Pour les mêmes raisons, l'Italie et l'Espagne gagnent du terrain dans l'entrée et le milieu de gamme. Contrairement aux vins du nouveau monde, ils progressent surtout en Wallonie ou les consommateurs ont un palais plus classique. L'Espagne, en particulier, fait office de challenger des vins tricolores. « Elle s'est bien positionnée sur le cœur du marché en vins tranquilles et fait un tabac avec ses effervescents, souligne Damien de Konick, directeur de Sopexa Belgique. Elle bénéficie d'une image très porteuse, latine, festive et conviviale, ce qui est moins le cas des Français. »
Les vins français souffrent aussi de la mauvaise santé de la restauration où ils occupent 75 % de parts de marché en volume. Baisse de la fréquentation, allongement des délais de paiement, augmentation des faillites… le secteur subit la crise de plein fouet. Idem pour les cavistes. Leurs ventes marquent le pas depuis un an. Or, l'offre française dispose de 67 % de parts de marché sur ce circuit. Les Bordeaux, la première AOC en volume et en valeur dans le pays, sont les premiers à faire les frais de ces évolutions (voir encadré).
« La Belgique reste francophile, tempère le directeur de Sopexa. Dans les grandes cités flamandes, il existe une population aisée amatrices de vins français. »
Mieux encore : selon Ubifrance, le marché est ouvert aux nouveautés. L'organisme recense 2 500 importateurs dans le pays. Tous recherchent sans cesse des vins d'un bon rapport qualité/prix pour compléter leur carte. Il ne faut pas hésiter à les démarcher.
Géographiquement proche, en grande partie francophone, solvable et sensible à l'image de l'offre française, le marché belge présente de nombreux atouts pour les vignerons français. Il est grand temps de rebondir.
Un pays…
où les appellations bordelaises plongent mais où les vins de pays progressent
… et deux marchés
Le cava, un tsunami venu d'Espagne
« Un véritable tsunami ». Damien de Konick, directeur de Sopexa Bruxelles a le sens de la formule. C'est ainsi qu'il qualifie l'explosion des ventes des cavas espagnols en Belgique. Elles ont grimpé de 36,5 % en volume entre 2008 et 2009.
« En 2009, elles ont à nouveau progressé de 10 % », affirme-t-il. Bien moins chers que les champagnes, meilleur marché que les crémants, faciles à appréhender… Voilà les principales raisons de leur succès. Résultat, les ventes de vins de champagne ont reculé en 2009.
A noter, les bons scores des crémants alsaciens : + 6 % en 2009. Selon Ubifrance, le prix moyen d'une bouteille de cava espagnol est de 5,30 €, contre 18 € le champagne et 6,10 € le crémant d'Alsace.
