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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

Des juges pas assez à cheval… sur le droit des marques

Jacques Lachaud - La vigne - n°222 - juillet 2010 - page 69

La cour d'appel de Bordeaux a jugé que la marque « domaine Chevalblanc Signé » n'est pas une imitation de « Château cheval blanc ». La Cour de cassation a cassé son jugement, car elle n'a pas examiné tous les arguments de la défense.

Le consommateur, au moment de choisir un vin, s'en remet parfois à la marque. La mention d'un nom connu le rassure sur le contenu, quitte à payer la bouteille plus cher. Ce constat explique une certaine course à la marque concrétisée par les nombreux dépôts de nom de château, phénomène très courant à Bordeaux. Parmi ces signes distinctifs, il existe au sein des vins de Saint-Emilion une marque reconnue depuis longtemps : « Château cheval blanc ». Or, voilà qu'apparaît un saint-émilion avec la marque « domaine Cheval-blanc Signé », Signé étant le nom du producteur. Il prétend exploiter des parcelles ayant autrefois appartenu au château Cheval blanc.

Cheval blanc se défend sur deux plans

On s'en doute, le prestigieux château Cheval blanc attaque la marque ainsi déposée, pour obtenir la suppression de l'allusion à Cheval blanc. La nouvelle marque déposée est-elle une copie du premier grand cru classée ? La cour de Bordeaux est saisie du litige.

Son arrêt en appel affirme que la notoriété de la marque « Château cheval blanc » est de réputation mondiale. Il admet une forte ressemblance entre les deux marques. Toutefois, précisent les juges, « le risque de confusion doit être examiné aux termes d'une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite ». Or, sur ce point, les juges relèvent plusieurs dissemblances. Ils notent, par exemple, que pour le cru classé, le nom « Cheval blanc » est « mis en valeur, cité comme une évidence et se suffit à lui-même ».

A l'inverse, s'agissant de la marque litigieuse, le vocable « Cheval blanc » n'est pas isolé, mais au contraire « continué par le nom » du propriétaire exploitant, si bien que « Cheval blanc » n'est qu'une partie de cette dénomination. La cour d'appel déduit de la longueur matérielle des deux marques, du rythme de prononciation différent et surtout de l'inscription du nom du propriétaire, qu'elles ne se ressemblent pas. En conséquence de quoi, les juges du second degré concluent qu'il n'existe pas de risque de confusion. Ils ajoutent que, malgré la grande notoriété de la marque « Château cheval blanc », les différences sont tellement apparentes que la marque déposée postérieurement n'est pas une imitation du prestigieux nom.

Pour les juges, la seule présence du vocable « Cheval blanc » ne peut pas laisser penser au consommateur moyen qu'il est en présence d'un second vin du prestigieux château. La Cour de cassation va retenir l'analyse de la cour d'appel. L'argumentaire du château Cheval blanc se trouve rejeté sur ce point. Mais, il avait un autre axe de défense, meilleur celui-là.

Les propriétaires du prestigieux château ont soutenu qu'aucune des parcelles de monsieur Signé n'a jamais appartenu au château Cheval blanc, contrairement à ses dires. De plus, ils ont affirmé qu'il produisait trois vins différents sur son exploitation, sans faire de vinification séparée. Si monsieur Signé avait voulu utiliser une référence à Cheval blanc, il n'aurait pu le faire, dans le meilleur des cas, que pour les vins issus des seules parcelles dont il aurait prouvé l'appartenance passée au prestigieux château. En conséquence, monsieur Signé ne pouvait pas se prétendre utiliser Cheval blanc. Sur ces éléments, la cour d'appel ne s'était pas prononcée. Elle a été cassée de ce chef. En conséquence, le dossier est renvoyé pour un nouvel examen à la cour de Bordeaux autrement composée.

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