Désormais, les caves se préoccupent de limiter leurs apports de levures, de bactéries, d'enzymes et d'autres intrants œnologiques, notamment pour des questions de budget. Avant toute chose, Laurent Joussain, œnologue consultant à l'ICV de l'Aude, leur rappelle qu'en vinification, les postes les plus coûteux sont l'amortissement du matériel et la main-d'œuvre. Il faut donc s'y pencher en priorité. Cependant, il concède que « les produits œnologiques constituent un levier pour limiter les coûts ».
Voici quelques conseils que donnent les œnologues pour gérer au mieux votre budget de produits de vinification.
1. Négociez les prix d'achat
Avant les vendanges, lancez des appels d'offres et comparez les prix. Les grandes caves ont tout à y gagner. Pour les petites, c'est moins évident. Delphine Engel, conseillère à la chambre d'agriculture du Rhône, note qu'il est difficile de négocier les prix dans les structures particulières. Les volumes sont souvent trop faibles. Elle conseille d'acheter en morte-saison les produits incontournables, comme les levures, l'azote, le SO2…
2. Maîtrisez la qualité de la vendange
« La règle numéro un est de bien connaître sa vendange, estime Anne Buchet, conseillère œnologue à la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher. On peut se faire une idée des problèmes que l'on va rencontrer. Donc, choisir des produits bien ciblés et même estimer les doses à appliquer. A titre d'exemple, si on note du botrytis, on pourra commander des produits de traitements à base de PVPP ou augmenter les doses de SO2. »
Delphine Engel, de son côté, rappelle l'importance de la maturité de la vendange. Dans une étude réalisée en 2009, elle a montré qu'en Beaujolais le poste le plus onéreux en vinifications était la chaptalisation. D'où l'intérêt d'avoir des raisins bien mûrs pour limiter le coût de l'enrichissement.
3. Adaptez les intrants à la gamme de vins
- Laurent Joussain conseille de choisir les intrants en fonction des styles de vins recherchés. Ainsi, il estime que pour élaborer des cuvées de style bien défini, il vaut mieux employer des souches de levures adaptées à celui-ci, quitte à ce qu'elles soient plus haut de gamme. « Mais pour des vins où l'objectif aromatique est moins précis, des levures plus basiques, moins chères, peuvent suffire », ajoute-t-il.
Le prix des produits doit être relié à celui des vins. « Les intrants ne seront pas les mêmes selon que l'on élabore un sauvignon blanc vendu en vrac ou valorisé en bouteille haut de gamme, illustre Anne Buchet. On pourra limiter l'usage d'enzymes sur le premier ou se contenter de nutriments azotés simples. Les apports du type levures inactivées, mannoprotéines… sont mieux adaptés à des cuvées qui rapportent plus au vigneron. »
4. Sécurisez les fermentations
Pour Lionel Grin, œnologue-conseil au centre œnologique du Blayais, la maîtrise des coûts passe d'abord par des fermentations sécurisées. « Si l'on a un budget limité, autant rester basique et se limiter au levurage, assure-t-il. Dans ce cas, c'est bien de choisir des levures qui résistent à des conditions difficiles. » Il lui semble aussi important d'apporter des nutriments, comme du phosphate ou du sulfate diammonique et des vitamines, afin d'éviter les arrêts de fermentation. « Avec peu de moyens, il faut avant tout produire un vin droit, loyal et marchand », conclut-il.
5. Ajustez les doses
« Ne pas utiliser de levures n'est pas une solution d'économie, considère Laurent Joussain. C'est même risqué. » Il préfère conseiller de moduler les doses. On peut limiter les ajouts à 10 g/hl en début de campagne de vinifications. Puis, les augmenter progressivement, quand la pression microbiologique devient plus importante dans les chais.
« Selon une étude de l'IFV, la bonne dose de LSA se situe entre 10 et 20 g/hl, et non 25 à 30 g/hl comme le suggèrent certains vendeurs », précise également Delphine Engel. Elle ajoute que le protocole de levurage doit être bien respecté pour ne pas gâcher cet investissement.
Laurent Joussain est plus réticent à diminuer les doses d'enzymes : « Utiliser la dose indiquée est un gage d'efficacité. D'autant que le gain sur la qualité et le volume de jus est directement perceptible. »
Si l'on connaît bien le niveau d'alimentation azotée des parcelles, ou si l'on mesure l'azote assimilable des moûts, on évitera les apports inutiles et on pourra ajuster les doses de nutriments.
Enfin, Delphine Engel souligne l'intérêt de la co-inoculation levures-bactéries pour réduire ses coûts : « L'ajout d'un kit malo en fin de fermentation alcoolique doit être dosé à 1 g/hl. Alors qu'un apport en co-inoculation nécessite entre 0,1 et 0,2 g/hl. Le coût est alors divisé par 5 à 10. »
6. Faites des économies d'énergie
Dans les régions où la fermentation malolactique intervient à des périodes froides, la co-inoculation peut être bénéfique. « Elle contribue à réduire les temps de chauffage », note Lionel Grin, pour qui l'énergie est l'un des postes les plus chers en vinifications.
Il préconise de choisir des levures qui résistent aux hautes températures, car le refroidissement des cuves en fermentation alcoolique requiert beaucoup d'énergie.
A chacun de voir si cette solution convient au style de vin recherché !
7. Suivez les vinifications attentivement
Anne Buchet conseille de déguster et d'analyser les moûts très régulièrement. « Cela permet de détecter les problèmes très tôt, explique-t-elle. Les traitements seront plus efficaces. Et les doses de produits nécessaires seront toujours plus faibles qu'une fois le problème installé. » Elle insiste également sur l'attention à porter à l'hygiène du chai, afin de limiter le recours à des produits curatifs.
Lionel Grin souligne que vigilance et anticipation doivent être de rigueur en particulier dans les chais où les moyens de maîtriser les températures sont limités.
Jusqu'à 10 % du budget vinifications
L'Enita de Bordeaux a calculé les coûts de vinification d'une trentaine de caves, incluant l'élevage en cuve. Elle a distingué le poids des produits œnos, au sein de ce poste. En 2006, les seize caves du Médoc étudiées ont dépensé 1,76 €/hl en produits œnos, soit 4,1 % du coût de vinification. En 2007, douze caves en appellation Bordeaux ou Bordeaux supérieur ont dépensé en moyenne 2,95 €/hl pour les achats de produits, soit 9,2 % du poste vinification. Dans les onze caves du Blayais en 2008, ce pourcentage était de 10,3 %. De son côté, la chambre d'agriculture du Loir-et-Cher indique que pour une exploitation de 18 ha en AOC vinifiant 1 000 hl, le coût total des vinifications est de 29 €/hl dont 10 % d'intrants œnologiques.
Enfin, en se basant sur « Le coût des fournitures », la chambre d'agriculture du Rhône estime que le coût des produits œnos pour les beaujolais de garde varie entre 0,20 et 3,44 €/hl. Pour les beaujolais primeurs issus de macération préfermentaire à chaud, elle l'évalue entre 5,23 à 17,03 €/hl. Ce qui en fait des vins chers à vinifier !