Aux Vignobles de Cancave, à Blaye (Gironde), la gamme de vins est segmentée en quatre niveaux de qualité. Elle comprend un Bordeaux supérieur, un Blaye « Vieilles Vignes », un Blaye « Cru Bourgeois » et un Blaye « Cuvée Prestige ». Le responsable technique du domaine, Vincent Décup, raisonne l'usage des intrants œnologiques selon deux groupes : les deux cuvées d'entrée de gamme d'une part, les deux vins plus hauts de gamme de l'autre.
Le but est d'obtenir des vins sans défauts
« Sur le Bordeaux supérieur et le Blaye Vieilles Vignes, nous restons très basiques, expose-t-il. Nous ajoutons uniquement des levures. » Le but est d'assurer des fermentations alcooliques correctes et de limiter les risques de déviations. « Nous sommes plus dans une optique de réduction de coûts pour cette partie de la gamme, poursuit-il. L'essentiel est d'obtenir des vins sans défauts. »
Vincent Décup réserve donc l'emploi de nutriments levuriens, d'enzymes et de bactéries lactiques aux deux cuvées hauts de gamme, qui représentent un peu plus de la moitié des volumes élaborés. Ces cuvées nécessitent plus de soins. Leurs fermentations sont plus difficiles à conduire et plus risquées, car les raisins sont en général plus mûrs. Les levures doivent donc être dans les meilleures conditions possibles. De plus, comme ces vins sont vendus assez cher, on peut rentabiliser l'usage de ces produits œnologiques dont le prix est souvent élevé.
Vincent Décup avoue employer des enzymes en pensant qu'elles peuvent apporter un bénéfice, comme l'indiquent certains essais. « Les enzymes sont réputées pour améliorer la couleur, les arômes, la clarification et augmenter le volume de jus de goutte. Même si je n'ai pas chiffré ces résultats dans notre cave, je me dis que c'est intéressant de les utiliser, surtout sur certains millésimes. » Au final, pour lui, le coût des intrants œnologiques n'est pas le plus important lors des vinifications. « 3 000 euros environ pour 1 200 hl, cela n'est pas énorme », remarque-t-il. Et d'ajouter : « Ce qui coûte le plus cher, c'est l'énergie ! On peut économiser beaucoup sur ce poste. »
Des économies d'énergie, il parvient justement à en faire grâce à certains produits œnologiques : les kits de bactéries lactiques.
7 000 euros d'électricité en moins
« En regardant de plus près nos frais fixes, nous avons remarqué que l'électricité pesait très lourd dans le budget vinifications, explique-t-il. En 2008 surtout, nous avons dépensé beaucoup d'énergie pour chauffer les cuves. » Face à ce constat, la cave décide en 2009 de tester la co-inoculation levures-bactéries. Elle espérait raccourcir les délais entre la fermentation alcoolique (FA) et la malo (FML), afin de réduire les temps de chauffage des cuves.
« Avant d'avoir recours à la co-inoculation, il s'écoulait en moyenne cinquante-trois jours entre la fin de la FA et le départ de la FML, décrit Vincent Décup. En 2009, avec l'inoculation précoce, le délai moyen est passé à sept jours entre l'introduction de bactéries et le départ de la FML. » Il précise que, dans certaines cuves, la FML était même déjà terminée à la fin de la macération. Dans tous les cas, le temps de chauffage a largement diminué.
Vincent Décup a calculé que la cave avait consommé 8 000 euros d'électricité entre décembre 2008 et mars 2009. De décembre 2009 à mars 2010, ce poste est tombé à 1 000 euros environ. « Comparer les deux campagnes est délicat, nuance-t-il. Il a fait plus chaud en 2009 et nous avons vendangé plus tôt. Mais l'écart de coût est tellement considérable, que l'on est sûr d'y avoir gagné. » L'expérience sera donc reconduite cette année.
Les lies des cuves inoculées servent de levain
Là encore, le responsable technique choisit de n'ensemencer que les cuvées Cru Bourgeois et Prestige. Les kits malos sont parmi les plus chers des produits œnologiques. Et Vincent Décup ne veut pas se risquer à diminuer les doses indiquées : « On ne connaît jamais bien la charge microbienne des moûts et le niveau de risque encouru. » Alors il n'utilise les bactéries que sur les vins où il peut les valoriser. « Nous pouvons aussi récupérer des lies de cuves inoculées pour essayer de lancer la malo sur les autres », ajoute-t-il.
Pour Vincent Décup, l'investissement dans la co-inoculation vaut le coup, également pour les caves qui rencontrent des problèmes de contaminations. « Cela peut éviter des traitements comme la flash pasteurisation, dont le coût est loin d'être négligeable (3,70 €/hl) ! »