Retour

imprimer l'article Imprimer

AU COEUR DU MÉTIER

Dans le Tarn, chez Sébastien et Séverine Feral « Nous misons sur le cépage gamay »

Florence Bal - La vigne - n°223 - septembre 2010 - page 28

Ce coopérateur et sa femme sont installés sur un terroir où le gamay réussit particulièrement bien. Cela ne les empêche pas d'être frappés par la crise. Pour passer le cap, ils respectent à la lettre les consignes de leur coopérative.
SÉVERINE FERAL travaille sur l'exploitation. Contrairement à beaucoup de femmes de vignerons, elle ne met jamais les pieds au bureau. Elle n'a aucun goût pour la paperasse. Elle préfère de loin tailler, relever ou effeuiller les vignes. D'ailleurs, la première fois qu'elle est venue sur l'exploitation, c'était pour faire les vendanges. C'est ainsi qu'elle a rencontré celui qui allait devenir son mari. PHOTOS F. BAL

SÉVERINE FERAL travaille sur l'exploitation. Contrairement à beaucoup de femmes de vignerons, elle ne met jamais les pieds au bureau. Elle n'a aucun goût pour la paperasse. Elle préfère de loin tailler, relever ou effeuiller les vignes. D'ailleurs, la première fois qu'elle est venue sur l'exploitation, c'était pour faire les vendanges. C'est ainsi qu'elle a rencontré celui qui allait devenir son mari. PHOTOS F. BAL

DÉSHERBAGE. Sébastien Feral a enherbé la majorité de ses parcelles pour lutter contre l'érosion. Mais il en désherbe quelques-unes intégralement, comme celle-ci, destinée à produire des vins de pays. Là, il veut obtenir de hauts rendements. La concurrence de l'herbe n'est donc pas souhaitée.

DÉSHERBAGE. Sébastien Feral a enherbé la majorité de ses parcelles pour lutter contre l'érosion. Mais il en désherbe quelques-unes intégralement, comme celle-ci, destinée à produire des vins de pays. Là, il veut obtenir de hauts rendements. La concurrence de l'herbe n'est donc pas souhaitée.

SÉBASTIEN FERAL (à droite) participe, avec sa coopérative, à la fête des vins de Gaillac en août, puis à celle du Gaillac primeur en novembre. Il s'y prépare avec Frédéric Benarfa, responsable du caveau.

SÉBASTIEN FERAL (à droite) participe, avec sa coopérative, à la fête des vins de Gaillac en août, puis à celle du Gaillac primeur en novembre. Il s'y prépare avec Frédéric Benarfa, responsable du caveau.

« Le gamay a toujours fait ses preuves sur notre terroir de Cunac. En macération carbonique ou semi-carbonique, il sort du lot, expliquent Sébastien et Séverine Feral, viticulteurs dans le Tarn, adhérents de la cave coopérative de Labastide-de-Lévis. Il donne des vins frais, très tendres, à consommer rapidement. Ils plaisent beaucoup aux consommateurs. » « Notre coopérative s'est bâtie une identité avec ces vins et nous en manquons », confirme Claude Houbart, le directeur technique. Le gamay représente 10 % de sa production, soit dix mille hectolitres dont deux mille de Gaillac primeur, vinifiés au chai de Cunac qui produit également six mille hectolitres de gamay en vin de pays.

Sébastien Feral prend les rênes de l'exploitation familiale en 1996, après un BTS viti-œno. A son arrivée, ses parents partent en préretraite, mais son père donne, aujourd'hui encore, un bon coup de main. Sébastien rajeunit son vignoble jusqu'en 2002. L'exploitation compte alors 35 hectares de céréales et 11,5 ha de vigne, dont 5,4 de gamay. Afin de limiter l'érosion, il enherbe la majorité de ses parcelles. Il produit environ 60 % de vins d'appellations.

Les appellations sont rentables jusqu'en 2003, puis vient la crise

Rapidement, il devient administrateur de la cave coopérative. « Je suis le plus jeune viticulteur sur Cunac, signale-t-il. Je ne pouvais que m'impliquer dans le système qui me nourrit. » Il appuie sans réserve la mise en place des certifications Agri Confiance, pour la production d'AOC et de vin de pays « sélection », et Iso 9001 de la vinification à la commercialisation. La coopérative les obtient en 2002. Ce qui garantit aux acheteurs une traçabilité intégrale.

Sur son exploitation, Sébastien Feral respecte scrupuleusement les cahiers des charges. Pour permettre la traçabilité, il note toutes ses interventions. En juillet, un technicien de la coopérative vient contrôler le rendement de ses vignes et l'homogénéité de la charge. Ces paramètres entrent en compte dans la rémunération.

Les vins d'appellations sont « très rentables » jusqu'en 2003, année où la récolte diminue de moitié pour cause de canicule. Puis, « à partir de 2004, on a senti la crise, avoue le Tarnais. Les prix ont diminué de 20 % sur les appellations et les vins de pays génériques, à l'exception des gamays qui sont restés stables. Nous avons alors démarré la production de maïs semence sur six hectares pour nous diversifier. » La coopérative réagit à la baisse des ventes d'AOC en réduisant les quotas qu'elle accorde à ses adhérents. Ainsi, depuis 2007, Sébastien Feral ne déclare plus que 40 % à 50 % de sa récolte en AOC contre 60 % auparavant. Seul le gamay échappe à cette règle, en raison de son succès. Pour 2010, les viticulteurs de Cunac peuvent déclarer 70 % de la récolte de ce cépage en Gaillac primeur, le reste en vin de pays.

Sébastien Feral conduit différemment ses vignes selon leur débouché. Par exemple, il taille en guyot ses gamays destinés à produire des vins de pays, en laissant une baguette à huit yeux et un courson de deux yeux. Il conduit les parcelles destinées au Gaillac primeur de façon semblable, à cela près qu'en plus, il ôte un œil sur deux sur la baguette, à la taille. De même, il apporte en localisé 50 U d'azote, 20 de phosphore et 50 de potasse aux vins de pays et seulement la moitié aux Gaillac primeur. « Nous faisons toujours le maximum dans nos vignes pour garantir la qualité de notre récolte », précise le viticulteur. Ainsi, l'objectif de rendement pour les vins de pays reste fixé entre 80 et 90 hl/ha par la cave, ce, malgré l'augmentation autorisée depuis l'an dernier à 120 hl/ha. « A 120 hl/ha, ce n'est pas bon », tranche-t-il.

En 2008, afin de réduire les coûts, Sébastien et Séverine vendangent pour la première fois à la machine. En 2009, ils jouent de malchance. Millerandage et coulure affectent la production. La récolte n'est que de 620 hectolitres, inférieure de 25 % à la normale. « Avec ces revenus, on ne vit pas. Il ne faut pas que cela dure », affirme l'exploitant, qui espère une remontée des cours pour « conserver le niveau qualitatif » et « vivre correctement de son travail ».

Au 1er janvier 2010, le couple achète 20 ha dont 9,5 de vigne, qui ont la même configuration que les leurs. « Nous avions besoin d'une source de revenu supplémentaire. Nous espérons aussi diluer les coûts de production. » Par cette opération, la surface totale en gamay atteint 11,5 ha, soit plus de la moitié de l'exploitation. Ce cépage leur procure un revenu supérieur de 30 % à celui des autres. Ils misent toujours sur lui pour conforter leur situation.

Et si c'était à refaire ? « Je créerais un vignoble à deux vitesses plus tôt »

« Entre 1996 et 2002, j'ai adapté mon vignoble à l'élaboration de vins d'appellation contrôlée Gaillac, car le marché était très porteur. Aujourd'hui, ces parcelles ne sont pas adaptées à la production de vin de pays ou de vins sans IG avec des rendements élevés, car l'enherbement est trop concurrentiel. Or, avec la crise, j'aurais besoin d'en produire. Si c'était à refaire, je ferais un vignoble à deux vitesses. De même, j'adapterais mon vignoble à la machine à vendanger beaucoup plus tôt. Je l'utilise seulement depuis 2008 parce qu'elle n'était pas autorisée jusqu'en 2007 et que la cave accorde une prime de 1 200 €/ha aux vendanges manuelles. En vue de la récolte mécanique, j'aurais dû prévoir de larges tournières et remplacer les vieux piquets en bois qui sont encore présents sur certaines parcelles par des piquets en fer. J'aurais dû remonter de 15 à 20 cm le premier fil porteur, car les raisins sont trop bas sur sept hectares. Enfin, j'aurais dû convertir toutes les vignes en gobelets. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'EXPLOITATION

Main-d'œuvre : Sébastien et Séverine, le père retraité de Sébastien et des saisonniers.

Surface : 21 hectares de vignes plus 45 hectares de céréales.

Appellations : AOC Gaillac, Vin de pays du Comté Tolosan et des Côtes-du-Tarn.

Encépagement : gamay, duras, fer servadou, cabernet, syrah…

Mode de taille : guyot simple.

Densité : 5 000 pieds/ha.

Production 2009 : 620 hl dont 260 hl de Gaillac primeur et 180 hl de VDP gamay.

Les prix de la récolte 2009

74 €/hl de Gaillac primeur avec prime de vendanges manuelles.

49,50 €/hl prix de base du gaillac.

38,65 €/hl de VDP gamay.

30 €/hl les autres cépages.

Les résultats

CA estimé de la récolte 2009 : 33 000 € en vigne et 90 000 € au total.

CA vigne récolte 2008 : 46 000 €.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :